Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) AP CONSTRUCTION a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 et des pénalités correspondantes, ainsi que de l'amende infligée en application du 3° du I de l'article 1737 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1507178 du 13 juillet 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2018, la SARL AP CONSTRUCTION, représentée par Me Ferrandini, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer les décharges demandées ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration n'établit pas que les prestations fournies n'ont pas été effectivement réalisées par les sous-traitantes roumaines et qu'elle aurait dû savoir que ces prestations étaient impliquées dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- l'amende fiscale pour facture de complaisance n'est pas fondée, dès lors que l'administration n'a pas apporté la preuve qu'elle aurait accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom pour dissimuler l'identité réelle de ses prestataires.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) AP CONSTRUCTION, qui exerce une activité de maçonnerie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010, étendue jusqu'au 31 décembre 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale lui a notifié, par proposition de rectification du 3 décembre 2012, des rehaussements d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Ces rappels ont été assortis de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts, de la majoration de 40 % infligée sur le fondement du a. de l'article 1729 de ce code pour la période allant du 1er avril 2013 au 31 mars 2014 et de l'amende instituée par le 1. du I de l'article 1737 du même code. La SARL AP CONSTRUCTION relève régulièrement appel du jugement du 13 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.
3. A l'issue des opérations de vérification, l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des factures émises au cours des années 2009 et 2010 par les sociétés roumaines Cristicon et Steliana, sous-traitantes auxquelles la SARL AP CONSTRUCTION a fait appel pour réaliser des prestations de pose de carrelage et de plaques de plâtre, à hauteur de 70 341 euros. Pour regarder les factures litigieuses comme étant de complaisance, l'administration, qui ne conteste pas l'inscription de ces sociétés au registre du commerce et leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, fait valoir que ces factures ont été émises entre le 25 janvier 2009 et le 30 septembre 2010, alors que les contrats passés entre la société requérante et ces deux sous-traitantes ont été conclus pour la seule période comprise entre le 9 février et le 15 juillet 2009. Elle relève, également, que certaines factures ont donné lieu à des règlements par virement sur les comptes de personnes physiques domiciliées en Roumanie. En outre, l'exercice du droit de communication auprès du Crédit agricole de Corse a permis à l'administration de constater que certaines de ces factures ont également été réglées par chèques auprès de personnes physiques, de sociétés civiles immobilières et de sociétés appartenant au gérant et associé à 50 % de la société SARL AP CONSTRUCTION. Le vérificateur a, au surplus, relevé que ces factures présentent des anomalies, dès lors notamment qu'elles ne sont pas numérotées de manière chronologique et qu'elles ne comportent pas le détail des prestations fournies. L'administration apporte ainsi des éléments suffisants permettant de penser que les factures en cause ne correspondaient pas à des opérations réelles. Si la société requérante soutient que les factures réglées correspondent aux contrats de sous-traitance passés avec ces deux sociétés, elle ne produit aucun avenant ayant prolongé ces contrats au-delà du 15 juillet 2009 et modifié les montants dus agréés, qui sont très inférieurs aux montants totaux facturés. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que les virements effectués aux personnes physiques roumaines l'ont été à la demande des prestataires et que l'administration n'a démontré ni que ces sociétés ne disposaient pas des moyens matériels et humains pour réaliser les travaux facturés, ni qu'une partie des règlements a été effectuée au profit du gérant de la SARL AP CONSTRUCTION, elle n'apporte aucune justification utile sur la réalité des opérations en litige. Dans ces conditions, l'administration établit que les factures en litige étaient des factures de complaisance et que la société requérante ne pouvait l'ignorer. Par suite, l'administration a pu régulièrement refuser d'admettre la déduction de taxe sur la valeur ajoutée correspondante et procéder aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés.
Sur les pénalités :
4. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I.- Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom [...] ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut mettre l'amende ainsi prévue à la charge de la personne qui a délivré la facture ou à la charge de la personne destinataire de la facture si elle établit que la personne concernée a, soit travesti ou dissimulé l'identité, l'adresse ou les éléments d'identification de son client ou de son fournisseur, soit accepté l'utilisation, en toute connaissance de cause, d'une identité fictive ou d'un prête-nom.
5. Ainsi qu'il a été exposé au point 3, l'administration démontre que la SARL AP CONSTRUCTION a réglé plusieurs factures émises par les sociétés sous-traitantes Cristicon et Steliana par des virements et des chèques au profit de personnes physiques et morales tierces, pour partie liées au gérant de la société. Dans ces conditions, elle était fondée à infliger à cette société l'amende prévue par les dispositions précitées du code général des impôts.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL AP CONSTRUCTION n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge des impositions en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL AP CONSTRUCTION est rejetée.
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N° 18VE03125