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31/08/2020 | FRANCE | N°19VE00256

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 31 août 2020, 19VE00256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle la commission des recours des militaires a rejeté son recours préalable tendant à la régularisation de sa situation financière, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 500 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 8 janvier 2016, date de l'introduction de son recours préalable, correspondant à son manque à gagner sur les soldes versées à compter de son affectation au Gabon le 10

août 2010 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en répa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle la commission des recours des militaires a rejeté son recours préalable tendant à la régularisation de sa situation financière, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 500 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 8 janvier 2016, date de l'introduction de son recours préalable, correspondant à son manque à gagner sur les soldes versées à compter de son affectation au Gabon le 10 août 2010 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par une ordonnance n° 1807097 du 26 novembre 2018, la présidente du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 24 janvier 2019 et 3 juillet 2020, M. A..., représentée par Me C..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler cette ordonnance ;

2° dans l'hypothèse d'un règlement au fond, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 500 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 8 janvier 2016, date de l'introduction de son recours préalable, correspondant à son manque à gagner sur les soldes versées à compter de son affectation au Gabon le 10 août 2010 ;

3° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

4° d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise relative à la solde, traitement et rémunération dus et effectivement perçus par M. A... entre juillet 2010 et avril 2011 ;

5° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière ; son recours préalable obligatoire auprès de la commission des recours des militaires n'ayant donné lieu à aucune décision expresse ; le délai disproportionné d'instruction de son recours administratif préalable est contraire aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a été porté atteinte au principe de sécurité juridique, l'administration ne pouvant induire ses agents sur les voies et délais de recours ; les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision en vertu de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ;

- son manque à gagner résultant des erreurs de solde concerne la période comprise entre juillet 2010 et avril 2011 et s'élève à la somme de 5 500 euros ; son préjudice moral représente la somme de 12 000 euros ; il n'existe pas de trop-perçu, notamment après avril 2011 ; l'administration n'est pas en mesure d'apporter des explications sur la période en litige ; lui-même a tenu un suivi scrupuleux de ses difficultés.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration, en particulier son article L. 112-2 ;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges (...) la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. ".

2. M. A... relève appel l'ordonnance de la présidente du Tribunal administratif de Versailles du 26 novembre 2018 rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 500 euros à titre de rappel de solde et la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.

3. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-2 de ce code dispose que : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. ". L'article R. 421-3 du même code prévoit que : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. - Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / La saisine de la commission est seule de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10. (...) ". Selon l'article R. 4125-10 de ce code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. Cette notification, effectuée par lettre recommandée avec avis de réception, fait mention de la faculté d'exercer, dans le délai de recours contentieux, un recours contre cette décision devant la juridiction compétente à l'égard de l'acte initialement contesté devant la commission. / L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission ".

5. Enfin, il résulte de ces dispositions que, d'une part, la commission des recours des militaires doit être qualifiée, compte tenu notamment de sa composition et de son fonctionnement, d'organisme collégial au sens et pour l'application des dispositions du 2° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative et, d'autre part, que les articles R. 4125-1 et R. 4125-10 du code de la défense, en tant qu'ils se bornent à fixer à quatre mois le délai à l'expiration duquel naît une décision implicite de rejet par la ou les autorités compétentes du recours administratif préalable obligatoire formé par un militaire, n'ont ni pour objet, ni pour effet, de déroger à l'application des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative. Par suite, seule la notification au militaire concerné d'une décision expresse de rejet du recours administratif préalable obligatoire est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux de deux mois prévu à l'article R. 421-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de l'instruction que M. A... a saisi la commission des recours des militaires par un courrier du 8 janvier 2016, reçu par elle le 12 janvier 2016, d'un recours administratif préalable relatif à un rappel de solde. Une décision implicite de rejet de son recours est née le 12 mai 2016. Sa demande n'ayant été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Versailles que le 18 octobre 2018, a été rejetée comme manifestement irrecevable par l'ordonnance attaquée du 26 novembre 2018. Sa requête en appel présente notamment à juger la question suivante :

- en l'état du droit issu notamment des dispositions précitées des articles R. 421-1, R. 421-2, R. 421-3 du code de justice administrative et des articles R. 4125-1, R. 4125-10 du code de la défense, à la lumière notamment de la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 423273 Ministre des armées c/ Mme D... du 22 mai 2019 et de l'avis du Conseil d'Etat n° 420797 M. F... du 30 janvier 2019, un délai de recours est-il susceptible de courir lorsque la saisine de la commission des recours des militaires n'a été suivie d'aucune décision expresse en matière de plein contentieux ' Dans l'affirmative, s'agissant d'une décision implicite relevant du plein contentieux née antérieurement au 1er janvier 2017, selon quelles modalités ce délai a-t-il couru '

7. Cette question de droit soulève une difficulté sérieuse et est susceptible de se poser dans de nombreux litiges. Il y a lieu dès lors, en application des dispositions précitées de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de surseoir à statuer sur la présente requête et de transmettre pour avis le dossier de cette requête au Conseil d'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A... jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait fait connaître son avis sur la question de droit posée au point 6 du présent arrêt ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la communication du dossier prévue à l'article 2 ci-dessous.

Article 2 : Le dossier de la requête de M. A... est transmis au Conseil d'Etat.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement sont réservés jusqu'en fin d'instance.

N° 19VE00256 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00256
Date de la décision : 31/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-07-05 Procédure. Introduction de l'instance. Délais. Expiration des délais.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : LEGRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-08-31;19ve00256 ?
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