Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 12 mars 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, sur recours hiérarchique, autorisé son licenciement pour faute.
Par un jugement n° 1302368 du 6 octobre 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 novembre 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 5 décembre 2017, M. A..., représenté par Me Dadi, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement et la décision du ministre du travail autorisant son licenciement du 12 mars 2013 ;
2° de mettre à la charge de l'Etat et de la société Veolia Transport chacun le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas reçu les pièces sur lesquelles reposait le recours formé par son employeur auprès de l'inspecteur du travail et du ministre en méconnaissance du caractère contradictoire de l'enquête de l'administration ; il n'a pas davantage été informé de l'identité des personnes qui ont témoigné ; l'administration doit être sommée de produire les accusés de réception des courriers de convocations aux enquêtes mentionnant qu'il pouvait prendre connaissance des pièces du dossier de l'employeur ;
- il n'a pas été avisé de griefs retenus contre lui par la lettre de licenciement ni de ce qu'il risquait un licenciement lors de la convocation à l'entretien préalable contrairement à d'autres salariés ; l'usage de ce régime plus favorable relève d'un droit nouveau qui ne lui a pas été appliqué ; il n'a pas eu la possibilité de se défendre effectivement lors de l'entretien préalable ;
- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec le mandat de représentant syndical ; systématiquement il a été empêché d'accomplir correctement son travail ; le ministre n'a pas pris en compte la discrimination syndicale et la situation de harcèlement moral au travail ; le ministre a méconnu l'article L. 2421-1 du code du travail ; la société Veolia méconnait les règles relatives à la charge de la preuve en matière de discrimination de l'article L. 1134-1 du même code et de harcèlement de l'article L. 1154-1 du même code en affirmant qu'il n'étaye pas ses propos ;
- en utilisant son droit de retrait le 4 mai 2012 devant les défaillances de sécurité à répétition des véhicules qui lui étaient confiés, il n'a fait qu'appliquer les règles élémentaires de sécurité et a ainsi évité un danger potentiel pour les enfants transportés et lui-même et ce conformément à l'article L. 4131-1 du code du travail ; les accusations de l'employeur de harcèlement et de dénigrement de la société et de la direction sont fallacieuses ; la sanction de faute grave est donc injustifiée et le ministre a méconnu l'article L. 1232-1 du même code.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- les observations de Me E..., substituant Me B..., pour la société Transdev Ile-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. L'inspecteur du travail territorialement compétent a refusé par une décision du 11 septembre 2012 d'autoriser le licenciement de M. A..., recruté le 12 avril 2007 en qualité de conducteur receveur par la société Veolia Transport, représentant du syndicat Veolia transports au motif que les faits reprochés au salarié, notamment ceux du 4 mai 2012 pouvant être assimilés à une utilisation légitime du droit de retrait, n'étaient pas de nature à justifier un licenciement. Saisi sur recours hiérarchique de la société Veolia transports, par une décision du 12 mars 2013, le ministre du travail a annulé la décision du 11 septembre 2012 et autorisé le licenciement de M. A... pour faute d'une gravité suffisante. M. A... relève régulièrement appel du jugement du 6 octobre 2016 du Tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande d'annulation de la décision du ministre autorisant son licenciement.
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. A l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, les articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail disposent que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ".
3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail, et le cas échéant le ministre, doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur. Enfin, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement de l'article R. 2422-1 du code du travail d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits à même de présenter des observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision, en vertu des dispositions alors applicables de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, aujourd'hui codifié aux articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
4. M. A... soutient qu'il n'a pas été mis à même de demander la communication des éléments produits par l'employeur à l'appui du recours hiérarchique formé le 12 novembre 2012 à l'encontre de la décision du 11 septembre 2012 refusant d'autoriser son licenciement. Il ressort des pièces du dossier que le ministre du travail a décidé de diligenter une nouvelle enquête contradictoire le 20 novembre 2012 par un courrier portant convocation de M. A... pour un entretien le 12 décembre 2012 à la direction régionale du travail avec en pièce jointe la " copie du dossier de recours ". Cependant si le ministre fait valoir que le recours hiérarchique et ses annexes ont été communiqués à l'intéressé, aucune pièce du dossier, notamment en l'absence d'un accusé de réception et malgré une mesure d'instruction de la cour, ne confirme que le salarié aurait reçu ce courrier l'informant notamment de ce que son employeur avait joint quarante-six pièces à son recours dont neuf nouvelles venant au soutien de sa contestation des motifs de refus d'autorisation retenus par l'inspecteur. Dans ces conditions, alors même que M. A... aurait pris connaissance de l'existence d'attestations nominatives par sa convocation au comité d'entreprise notifiée le 9 juillet 2012 et de son droit à demander la communication des témoignages recueillis par l'inspecteur, le requérant est fondé à soutenir que le caractère contradictoire de l'enquête menée par le ministre prévue par les articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration a été méconnu.
5. L'accès, dans le cadre de l'enquête contradictoire prévue par les articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, à l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, dans des conditions et des délais permettant de présenter utilement sa défense, constitue une garantie. Par suite, l'irrégularité, qui a privé l'intéressé d'une garantie, entache d'illégalité la décision du 12 mars 2013 par laquelle le ministre du travail a autorisé le licenciement de M. A... pour faute.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Transdev Ile-de-France venant aux droits de la société Veolia transports le versement de la somme que M. A... demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1302368 du 6 octobre 2016 du Tribunal administratif de Versailles et la décision du 12 mars 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social autorisant le licenciement de M. A... sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la société Transdev Ile-de-France venant aux droits de la société Veolia transports présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 16VE03211