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08/07/2020 | FRANCE | N°18VE02932

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 08 juillet 2020, 18VE02932


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre de la justice a rejeté sa demande de régularisation de sa situation et sa demande indemnitaire, d'annuler par voie de conséquence l'arrêté du 9 mai 2017 en tant que son avancement d'échelon n'a pas tenu compte du dernier avancement d'échelon obtenu dans son corps d'origine, d'enjoindre à la ministre de la justice de reconstituer sa carrière dans un délai d'un mois à compter du jugement

à intervenir et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 174 399 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre de la justice a rejeté sa demande de régularisation de sa situation et sa demande indemnitaire, d'annuler par voie de conséquence l'arrêté du 9 mai 2017 en tant que son avancement d'échelon n'a pas tenu compte du dernier avancement d'échelon obtenu dans son corps d'origine, d'enjoindre à la ministre de la justice de reconstituer sa carrière dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 174 399 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2016 et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1703360 du 22 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 10 août 2018 et le 18 juin 2020, M. C..., représenté par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler ces décisions ;

3° d'enjoindre à la ministre de la justice de reconstituer sa carrière dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 174 399 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2016 et de la capitalisation des intérêts ;

5° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que la minute n'a pas été signée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse aux moyens tirés de la rupture d'égalité et la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel à cette convention ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'il peut se prévaloir des dispositions de l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983 ;

- une erreur a été commise lors de son intégration dans la magistrature en juin 2005, dès lors que, compte tenu de son ancienneté et de son parcours professionnel au sein de l'administration pénitentiaire, il remplissait les conditions pour être nommé directement aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire en application de l'article 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ;

- les dispositions de l'article 17-3 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 ont été méconnues lors de son entrée dans la magistrature et de ses reclassements ultérieurs ; aucune limite ne restreint l'application de ces dispositions ; une telle limite serait contraire aux dispositions de l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983, au principe d'égalité et aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel ; l'article 17-3 constitue une garantie ; le second grade de magistrat n'étant pas équivalent au grade de directeur des services pénitentiaires hors classe, il aurait dû être intégré directement dans le premier grade et être reclassé à un échelon équivalent à celui qu'il détenait dans son corps d'origine ; il devait à tout le moins bénéficier de l'application de l'article 17-3 lors de sa promotion au premier grade ou il devait conserver son indice à titre personnel ; la rupture d'égalité résulte du traitement disproportionné dont il a fait l'objet ; plus de treize ans après son entrée dans la magistrature, il n'a pas retrouvé son indice ; il a été placé dans une situation contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel ; le mécanisme garantissant aux fonctionnaires nommés magistrats d'être classés à un indice comportant un traitement égal ou immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient constitue une espérance légitime : sa rémunération a été gelée pendant plus de dix ans ; l'indemnité compensatrice qu'il perçoit n'est pas prise en compte dans le calcul de sa retraite ;

- à supposer, comme l'affirme l'administration en défense, que les dispositions de l'article 17-3 du décret du 7 janvier 1993 ne s'appliquent aux agents qu'au moment de leur entrée dans la magistrature, il serait fondé à exciper de l'illégalité de ces dispositions en tant qu'elles fixent une telle limite ; celle-ci serait en effet contraire au principe d'égalité ainsi qu'aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel ;

- l'administration a commis une faute en ne tenant pas la promesse qui lui avait été faite par la direction des services judiciaires du ministère de la justice avant son entrée dans la magistrature ;

- l'administration a également commis une faute en ne le classant pas à l'échelon du premier grade comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont il bénéficiait dans son corps d'origine ;

- il a subi un préjudice de carrière s'élevant à la somme de 43 759 euros et un préjudice de retraite de 110 640 euros, soit au total la somme de 154 399 euros ;

- il a également subi un préjudice moral qui doit être réparé à hauteur de la somme de 20 000 euros.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., pour M. C....

Une note en délibéré, enregistrée le 29 juin 2020, a été présentée pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., directeur des services pénitentiaires hors classe né en 1954, a été élevé, à compter du 1er janvier 2005, au 3ème chevron de l'échelon fonctionnel de son grade HEA, avec un indice majoré de 962. Par un décret du 27 juin 2005, M. C... a été nommé substitut du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nanterre. Dès le premier jour de sa formation préalable, débutée le 4 juillet 2005, il a été classé au cinquième et dernier échelon du second grade de magistrat, avec un indice majoré de 618, et a bénéficié à compter de cette date d'une indemnité compensatrice mensuelle, en application des dispositions de l'article 17-1 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. L'intéressé a été nommé au premier grade par un décret du 20 juillet 2012 et a été reclassé au deuxième échelon du premier grade de magistrat, avec un indice majoré de 696 à compter du 3 septembre 2012. M. C... relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du refus du ministre de la justice de régulariser sa situation et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des fautes commises dans les conditions de son reclassement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement méconnaîtrait les dispositions précitées de cet article manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué, et en particulier de son point 6, que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par le requérant, a suffisamment précisé les raisons pour lesquelles il a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité.

4. En troisième lieu, il ressort du mémoire complémentaire enregistré le 23 mai 2018 que le requérant s'est borné à soutenir, sans autre précision, que la " situation discriminatoire " dans laquelle il estimait se trouver méconnaissait les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel à cette convention. Dans ces conditions, le tribunal a suffisamment motivé le jugement attaqué en écartant ce moyen au motif qu'il n'était pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée.

5. En quatrième lieu, le requérant soutient que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983 lui permettait d'être classé dans un grade équivalent à celui qu'il détenait dans son corps d'origine. Toutefois, si l'intéressé a effectivement mentionné ces dispositions, il ressort de ses écritures de première instance, et en particulier de son mémoire complémentaire enregistré le 23 mai 2018, que le moyen dont s'agit était fondé sur les dispositions de l'article 63 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État et des articles 26-3 et 39-2 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'État et à certaines modalités de mise à disposition et de cessation définitive de fonctions. Il résulte des motifs du jugement attaqué, et en particulier de son point 5, que le tribunal a examiné ce moyen et l'a écarté au motif que ces dispositions ne sont pas applicables aux magistrats, dont le statut est régi par les dispositions de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958.

6. Enfin, si M. C... soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.

Au fond :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

7. Aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Peuvent être nommés directement aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire, à condition d'être âgés de trente-cinq ans au moins : 1° Les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 16 et justifiant de sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires (...) ". Aux termes de son article 23 dans sa rédaction alors applicable : " Peuvent être nommés directement aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire : 1° Les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 16 et justifiant de dix-sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires (...) ". Aux termes de l'article 13 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Les magistrats promus du second au premier grade sont classés à l'échelon comportant l'indice de rémunération immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient antérieurement. Ils conservent à cette occasion l'ancienneté acquise dans le précédent échelon, dans la limite de la durée des services nécessaire pour accéder à l'échelon immédiatement supérieur ". Aux termes de l'article 17-1 du même décret : " Les magistrats justifiant à la date de leur nomination comme magistrat de la qualité de fonctionnaire, conformément aux titres Ier, II, III et IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, bénéficient des dispositions du décret n° 47-1457 du 4 août 1947 pris pour l'application de l'article 52 du statut général de la fonction publique prévoyant l'attribution d'une indemnité compensatrice ". Aux termes de l'article 17-2 de ce décret : " Les magistrats recrutés par les voies du deuxième et du troisième concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature et au titre des articles 18-1, 22 et 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée sont classés, lors de leur nomination, à un échelon déterminé en prenant en compte, sur la base des durées fixées pour chaque avancement d'échelon par l'article 12, une fraction des années d'activité professionnelle antérieure dans les conditions suivantes. Les années d'activité professionnelle accomplies en qualité de fonctionnaire de catégorie A, d'agent public d'un niveau équivalent à la catégorie A, de cadre au sens de la convention collective dont relevait l'intéressé, d'avocat, d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, d'avoué, de notaire, d'huissier de justice ou de greffier de tribunal de commerce sont retenues à raison de la moitié de leur durée pour la fraction comprise entre cinq et douze ans et des trois quarts au-delà de douze ans. Les années d'activité professionnelle accomplies en toute autre qualité sont assimilées à raison des quatre dixièmes de leur durée à des services de catégorie A. (...) ". Aux termes de son article 17-3 : " Les fonctionnaires et agents publics qui détiennent dans leur corps ou emploi d'origine un indice supérieur à celui correspondant à l'échelon auquel l'application de l'article 17-2 aboutirait à les classer sont classés à l'échelon de leur grade comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient dans leur corps ou emploi d'origine. (...) ".

8. En premier lieu, M. C... soutient que l'administration a commis une erreur lors de son intégration dans la magistrature en juin 2005, dès lors que, compte tenu de son ancienneté et de son parcours professionnel au sein de l'administration pénitentiaire, il aurait dû être nommé directement aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire, en application de l'article 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Toutefois, M. C..., qui ne conteste pas le caractère définitif du décret du 27 juin 2005 le nommant substitut du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nanterre et qui n'a d'ailleurs contesté pour la première fois sa situation indiciaire que dans un recours gracieux du 8 février 2013 dirigé contre l'arrêté du 16 novembre 2012 portant changement d'échelon à la suite de sa nomination au premier grade, n'est pas fondé à se prévaloir d'une éventuelle erreur commise lors de son intégration dans la magistrature en 2005 pour demander l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande de régularisation de sa situation et, par voie de conséquence, de l'arrêté du 9 mai 2017 portant élévation d'échelon, en tant qu'il ne tient pas compte de l'échelon qu'il avait atteint dans son corps d'origine. En outre, si l'intégration de M. C... au second grade de la magistrature ne lui permettait pas, eu égard à l'échelonnement indiciaire de ce grade, de conserver l'indice qu'il détenait dans son administration d'origine, les dispositions précitées de l'article 17-3 du décret du 7 janvier 1993 n'ont créé aucun droit à l'intégration au premier grade et ne faisaient pas obstacle à son intégration au second grade. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait commis une erreur lors de cette intégration doit être écarté.

9. En deuxième lieu, M. C... soutient que les dispositions précitées de l'article 17-3 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ont été méconnues lors de son entrée dans la magistrature, ainsi que lors de sa promotion au premier grade et lors de ses changements d'échelons ultérieurs. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, lors de son entrée dans la magistrature, le requérant a été classé au cinquième et dernier échelon du second grade de magistrat, avec un indice majoré de 618, alors qu'il bénéficiait dans son corps d'origine d'un indice majoré de 962. Ayant été intégré à sa demande au second grade de la hiérarchie judiciaire, son classement n'était possible qu'à l'un des échelons de ce grade, la différence de rémunération induite par ce classement étant compensée, en application des dispositions précitées de l'article 17-1 du décret du 7 janvier 1993, par le versement d'une indemnité mensuelle. Ainsi, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 17-3 du décret du 7 janvier 1993 que l'administration a classé l'intéressé au cinquième et dernier échelon du second grade de magistrat lors de son intégration. D'autre part, le requérant ne peut utilement soutenir que les dispositions précitées de l'article 17-3 du décret du 7 janvier 1993 ont été méconnues lors de son avancement au premier grade en 2012 ou lors de ses changements d'échelon, dès lors qu'elles ne sont applicables que lors de l'intégration des agents dans la magistrature. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance desdites dispositions doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Tous les corps et cadres d'emplois sont accessibles aux fonctionnaires civils régis par le présent titre par la voie du détachement suivi, le cas échéant, d'une intégration, ou par la voie de l'intégration directe, nonobstant l'absence de disposition ou toute disposition contraire prévue par leurs statuts particuliers. / Le détachement ou l'intégration directe s'effectue entre corps et cadres d'emplois appartenant à la même catégorie et de niveau comparable, apprécié au regard des conditions de recrutement ou du niveau des missions prévues par les statuts particuliers. Le présent alinéa s'applique sans préjudice des dispositions plus favorables prévues par les statuts particuliers. / Toutefois, les membres des corps ou cadres d'emplois dont au moins l'un des grades d'avancement est également accessible par la voie d'un concours de recrutement peuvent être détachés, en fonction de leur grade d'origine, dans des corps ou cadres d'emplois de niveau différent, apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa. / Lorsque le corps ou cadre d'emplois d'origine ou le corps ou cadre d'emplois d'accueil ne relève pas d'une catégorie, le détachement ou l'intégration directe s'effectue entre corps et cadres d'emplois de niveau comparable. / Lorsque l'exercice de fonctions du corps ou cadre d'emplois d'accueil est soumis à la détention d'un titre ou d'un diplôme spécifique, l'accès à ces fonctions est subordonné à la détention de ce titre ou de ce diplôme. Le fonctionnaire détaché dans un corps ou cadre d'emplois qui est admis à poursuivre son détachement au-delà d'une période de cinq ans se voit proposer une intégration dans ce corps ou cadre d'emplois ".

11. M. C... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions qui ne sont pas applicables aux magistrats de l'ordre judiciaire, conformément à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983.

12. En quatrième lieu, d'une part, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que soient réglées de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il soit dérogé à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. D'autre part, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette convention, si elle affecte la jouissance d'un droit ou d'une liberté sans être assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

13. M. C... soutient que si, comme l'affirme l'administration, les dispositions précitées de l'article 17-3 du décret 7 janvier 1993 ne sont applicables que lors de l'intégration des agents concernés dans la magistrature, elles sont alors contraires au principe d'égalité et aux stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette convention, en ce qu'il a été privé de l'espérance légitime de retrouver l'indice qu'il détenait dans son administration d'origine. Toutefois, les agents intégrant la magistrature se trouvent, au moment de cette intégration, dans une situation différente de celle des magistrats qui, présents dans le corps, bénéficient d'un changement de grade. En outre, les dispositions précitées de l'article 17-3 du décret du 7 janvier 1993 s'appliquent non seulement aux agents intégrés au premier grade, mais également à ceux intégrés au second grade. Il n'est pas même allégué que la situation de M. C... aurait fait l'objet d'un traitement différent de celui réservé à d'autres agents placés dans une situation analogue, et notamment que les fonctionnaires ayant atteint dans leur corps d'origine un indice supérieur à celui afférent à l'échelon sommital du second grade auraient été intégrés au premier grade pour leur permettre de bénéficier pleinement du mécanisme résultant des dispositions précitées de l'article 17-3 du décret du 7 janvier 1993. Ainsi, l'existence même d'une rupture d'égalité n'est pas établie. Il n'est pas davantage établi que la situation de M. C... aurait fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport à d'autres agents placés dans une situation analogue. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité et des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette convention doit être écarté.

Sur les conclusions indemnitaires :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'administration n'a commis aucune faute en intégrant M. C... au second grade de la hiérarchie judiciaire et en le classant à l'échelon sommital de ce grade lors de cette intégration. Au demeurant, il était loisible à l'intéressé, averti en temps utile, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, de ce que sa nomination aurait lieu sur le fondement des dispositions précitées de l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, d'y renoncer. L'administration n'a pas davantage commis de faute en classant M. C... à l'échelon comportant l'indice de rémunération immédiatement supérieur à celui dont il bénéficiait antérieurement lors de sa promotion au premier grade conformément aux dispositions précitées de l'article 13 du décret du 7 janvier 2013 et sans lui appliquer à ce stade ainsi que lors de ses changements d'échelon ultérieurs le mécanisme résultant de l'article 17-3 de ce même décret.

15. En second lieu, si le requérant soutient que l'administration a commis une faute dès lors qu'il avait obtenu l'assurance qu'il pourrait, dès son accession au premier grade, être reclassé dans un échelon ayant un niveau d'indice comparable à celui détenu dans son corps d'origine, il n'apporte en appel pas plus qu'en première instance aucun élément de nature à établir l'existence d'une telle promesse.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse au requérant une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.

N° 18VE02932 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02932
Date de la décision : 08/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-02 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statuts spéciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : SCP HERALD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-08;18ve02932 ?
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