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07/07/2020 | FRANCE | N°19VE00803

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 07 juillet 2020, 19VE00803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le préfet des HautsdeSeine l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des HautsdeSeine de lui accorder un délai de départ volontaire de

30 jours.

Par un jugement n° 1901620 du 12 février 2019, le magistrat désigné par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le préfet des HautsdeSeine l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des HautsdeSeine de lui accorder un délai de départ volontaire de 30 jours.

Par un jugement n° 1901620 du 12 février 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2019 et des mémoires complémentaires enregistrés les 12 mars, 28 mars et 22 avril 2019, Mme C..., représentée par Me Azincourt, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler les décisions du 5 février 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de sa situation, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- elle aurait dû bénéficier des dispositions des alinéas 3 et 4 de l'article 2.2.1 de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut d'examen particulier au regard du 8° du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire aux 2° et 8° du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est également contraire à son droit au respect de la vie privée et familiale.

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- et les conclusions de Me Azincourt, avocat de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante philippine née le 18 août 1974 à Asingan Pan Gasinah (République des Philippines), est entrée en France en août 2009 sous couvert d'un visa de court séjour. Par un arrêté du 5 février 2019, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par la présente requête, Mme C... fait appel du jugement du 12 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; ". D'autre part, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

3. Mme C... s'est maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa et entrait ainsi dans le champ d'application du 2° du I de l'article L. 511-1 précité. Toutefois, si elle est sans enfant et a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de trente-cinq ans, les nombreuses pièces qu'elle produit permettent d'établir la continuité et l'ancienneté de son séjour en France depuis août 2009, soit durant près de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Elle justifie, en outre, d'une insertion professionnelle stable depuis le début de l'année 2012 auprès de six employeurs qui sont des particuliers, dans le cadre de contrats de travail déclarés. Par ailleurs, sa situation professionnelle lui a permis de disposer d'un logement personnel stable depuis 2013 et de justifier de sa capacité à honorer les factures à sa charge, notamment pour des frais médicaux non remboursés. Elle produit enfin plusieurs attestations justifiant d'un lien familial et de relations nouées sur le territoire français. Dans ces conditions, et au vu des circonstances très particulières de l'espèce, alors même que son époux de même nationalité se trouve également en situation irrégulière en France, Mme C... justifie avoir transféré l'ensemble de ses intérêts privés et familiaux en France. Par suite, la décision contestée porte une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision portant obligation de quitter le territoire doit être annulée.

4. Il résulte de ce qui précède que la décision portant fixation du pays de destination et la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français prises à l'encontre de Mme C... doivent nécessairement être également annulées par voie de conséquence de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique qu'il soit mis fin aux mesures de surveillance de l'intéressé et que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour. En dehors de cette mesure, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, lorsqu'elle n'est pas la conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, n'implique aucune mesure d'exécution particulière.

6. Au cas d'espèce, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme C... implique, d'une part, le cas échéant, qu'il soit mis fin aux mesures de surveillance dont l'intéressée ferait l'objet et, d'autre part, que, comme elle le demande, lui soit délivrée dans un délai de quinze jours une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau, dans un délai de deux mois, statué sur son cas. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 12 février 2019 et l'arrêté du préfet des HautsdeSeine du 5 février 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à Mme C... dans un délai de quinze jours une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit, à nouveau, dans un délai de deux mois, statué sur son cas.

Article 3 : L'État versera à Mme C... la somme de 2 000 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 19VE00803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00803
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : AZINCOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-07;19ve00803 ?
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