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07/07/2020 | FRANCE | N°18VE01064

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 07 juillet 2020, 18VE01064


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012, d'une part, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et, d'autre part, au titre de la taxation de la plus-value à long terme dégagée à la suite de la cession du fonds de commerce de la société d'exercice li

béral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie B..., en ce qu'elle excède la som...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012, d'une part, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et, d'autre part, au titre de la taxation de la plus-value à long terme dégagée à la suite de la cession du fonds de commerce de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie B..., en ce qu'elle excède la somme de 28 663 euros.

Par une ordonnance du 22 janvier 2017, le président de la Section du contentieux du Conseil d'État a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué cette demande au Tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 1534323 du 1er février 2018, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer, à hauteur de la somme de 777 euros, sur les conclusions de M. et Mme B... aux fins de réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, prélèvements sociaux et majorations correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mars 2018 et 28 octobre 2019, M. et Mme B..., représentés par Me Valancogne, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement, en ce qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de leur demande s'agissant des modalités de calcul de la plus-value à long terme résultant de la cession du fonds de commerce de la SELARL Pharmacie B... ;

2° de prononcer la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge et des majorations correspondantes, en ce qu'elles procèdent de l'évaluation de la plus-value de long terme résultant de la cession du fonds de commerce de la SELARL Pharmacie B... pour un montant supérieur à la somme de 28 663 euros ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le service a, d'une part et comme l'ont estimé les premiers juges, retenu, pour évaluer la valeur des parts réintégrée à leur patrimoine, le résultat positif de l'exercice de la SELARL Pharmacie B... clos en 2010 et, d'autre part, déduit du prix de revient des parts de la SALARL Pharmacie B... les distributions opérées par cette dernière au profit de M. B... au cours du dernier exercice précédant la cession du fonds de commerce, qui n'ont pas été inscrites en comptes de charges et ne peuvent être regardées comme une rémunération de son activité ou tout autre élément venant en minoration du prix d'acquisition des parts de la société ; le service ne justifie d'ailleurs pas du montant de 109 220 euros auquel il évalue le montant des distributions en cause ;

- à titre subsidiaire, il y aurait lieu d'évaluer la valeur vénale des parts de la société en fonction du prix qu'aurait permis de déterminer le jeu normal de l'offre et de la demande et, à ce titre, d'en exclure les décaissements opérés au profit de l'associé unique de la société.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 juin 2020 :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a acquis en son nom propre, le 18 décembre 2006, les parts de la SELARL Pharmacie B..., pour un montant de 2 320 703 euros. Cette dernière a cédé le fonds de commerce d'officine de pharmacie qu'elle exploitait, le 15 avril 2010, à la SELARL Pharmacie B... et Associés, d'une valeur inscrite à l'actif de la SELARL Pharmacie B... de 175 316 euros, pour un prix de 2 318 000 euros. A la suite de cette transaction, la SELARL Pharmacie B... a alors constaté une plus-value de 2 142 683 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2009, imposable entre les mains de M. B.... La vente du fonds de commerce exploité par cette société ayant par ailleurs entraîné le retour des parts de celle-ci dans le patrimoine personnel de M. et Mme B... du fait de la cessation induite de l'activité de M. B..., ces derniers ont constaté une moins-value correspondante de 2 320 703 euros au titre de leur déclaration de revenus pour l'année 2010. Les intéressés ont donc déclaré à l'administration fiscale pour cette même année une moins-value à long terme de 178 019 euros, correspondant à la compensation entre la plus-value de cession du fonds de commerce et la moins-value résultant du retour des parts de la SELARL Pharmacie B... dans leur patrimoine privé. Parallèlement, M. et Mme B... ont imputé 48% de cette moins-value, soit la somme de 85 449 euros, au déficit constaté lors de l'exercice clos en 2010 de la SELARL Pharmacie B..., portant ce déficit à la somme de 88 494 euros. Toutefois, d'une part, à la suite de la vérification de comptabilité de la SELARL Pharmacie B..., relevant du régime des sociétés de personnes, M. B..., associé unique de cette société, s'est vu notifier par proposition de rectification du 20 décembre 2013 des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux résultant d'un rehaussement de 8 924 euros du résultat de l'exercice de cette société clos le 15 avril 2010. D'autre part, le service a remis en cause le montant de la moins-value réalisée par M. B... lors du retour des parts de la SELARL Pharmacie B... dans son patrimoine privé, et a estimé cette moins-value à 2 011 814 euros puis, appliquant à son tour la compensation entre la plus-value de cession du fonds de commerce et la moins-value résultant du retour des parts de la SELARL Pharmacie B... dans le patrimoine privé de l'intéressé, a estimé qu'il existait une plus-value à long terme taxable au taux de 16% d'un montant de 130 870 euros. En conséquence, il a mis à la charge de M. et Mme B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et les majorations correspondantes au titre des années 2010, 2011 et 2012, à raison de la taxation de cette plus-value et de l'annulation d'un montant de déficit de 85 449 euros. M. et Mme B... font appel du jugement du 1er février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer, à hauteur de la somme de 777 euros, sur les conclusions des intéressés aux fins de réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, prélèvements sociaux et majorations correspondantes auxquels ils ont été assujettis, en ce qu'elles portaient sur l'année 2010, a rejeté le surplus de leur demande.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

2. L'article 151 nonies du code général des impôts dispose : " I. - Lorsqu'un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, ses droits ou parts dans la société sont considérés notamment pour l'application des articles 38,72 et 93, comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession. (...) ". Aux termes de l'article 201 du même code : " 1. Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, ou d'une exploitation agricole dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. (...) ". En outre, l'article 39 duodecies de ce code précise : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 39 quindecies de ce même code : " I. 1. (...), le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16 %. / Il s'entend de l'excédent de ces plus-values sur les moins-values de même nature constatées au cours du même exercice. (...) ".

3. Dans le cas où une société, une entreprise ou une personne soumise à l'impôt à raison des bénéfices qu'elle tire de son activité professionnelle, cède les parts inscrites à l'actif de son bilan qu'elle détient dans une société ou dans un groupement relevant ou ayant relevé du régime prévu aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts ou, lorsqu'elle ne dresse pas de bilan, les parts de même nature qu'elle a affectées à l'exercice de sa profession, le résultat de cette opération, imposable dans les conditions prévues à l'article 39 duodecies précité et aux articles suivants du même code, doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés et groupements susmentionnés, en retenant comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée en premier lieu, d'une part de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus, et d'autre part des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé.

4. M. et Mme B..., sans contester l'applicabilité des principes rappelés ci-dessus et mis en oeuvre par le service, soutiennent que, pour apprécier l'existence et le montant de la plus-value réalisée par eux à raison de la cession du fonds de commerce de la SELARL Pharmacie B... à la SELARL Pharmacie B... et associés compte tenu de la moins-value constatée à raison du retour dans leur patrimoine personnel des parts de la SELARL Pharmacie B..., le service devait, comme il l'a d'ailleurs fait en l'espèce, majorer le prix d'acquisition des parts de la SELARL Pharmacie B... des montants de résultat imposable de la société réalisé pour les exercices clos depuis l'acquisition des parts, que les requérants évaluent dans le dernier état de leurs écritures à la somme de 99 876 euros, mais également s'abstenir de retrancher du prix de revient de ces mêmes titres les sommes prélevées sur le compte courant d'associé de la société au cours de l'exercice précédant la cession et encaissées par M. B..., dès lors que ces décaissements, qui ne sont pas comptabilisés en charges, n'auraient, ni la nature d'une rémunération servie à M. B... par la société, ni celle de distributions de bénéfices.

5. Toutefois, il résulte des dispositions combinées des articles 8, 60 et 34 du code général des impôts que la rémunération allouée à l'associé gérant d'une société à responsabilité soumise au régime des sociétés de personnes pour tenir compte de l'activité qu'il déploie dans l'entreprise doit être regardée comme une modalité particulière de répartition des bénéfices sociaux, quand bien même elle aurait été déduite du résultat de la société. Contrairement à ce qu'affirment M. et Mme B..., il résulte de l'instruction et en particulier de l'attestation établie par le comptable de la SELARL Pharmacie B... que l'intéressé y occupait la fonction d'associé-gérant. Les décaissements opérés à son profit sur le compte courant d'associé de la société en cause présentent ainsi le caractère de rémunérations qui devaient ainsi, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, venir minorer la valeur d'acquisition des parts de la SELARL pour la détermination de leur prix de revient et le calcul du résultat de la réintégration de ces parts dans le patrimoine de M. et Mme B... quand bien même ces décaissements n'ont pas été portés en charge.

6. En outre, le montant des sommes encaissées par M. B... a été évalué par l'administration fiscale à la somme de 109 220 euros sur le fondement des mouvements intervenus en faveur de M. B... sur le compte courant d'associé de la SELARL Pharmacie B... entre le 1er janvier et le 30 septembre 2010, tels qu'ils ressortent de l'extrait de compte produit en première instance par les intéressés eux-mêmes. Si M. et Mme B... soutiennent que le calcul de cette somme, qui retient au demeurant des transferts intervenus au bénéfice de M. B... postérieurement à la cession du fonds de commerce intervenue le 15 avril 2010, serait insuffisamment justifié, il résulte toutefois de l'instruction qu'au cours du dernier exercice précédant cette cession et ouvert le 1er octobre 2009, M. B... avait bénéficié de versements provenant du compte courant d'associé de la SELARL Pharmacie B... s'élevant à la somme totale de 127 210 euros, supérieure à celle finalement retenue par l'administration fiscale. Le montant de ces distributions excédant ainsi, en tout état de cause, celui du résultat de la SELARL Pharmacie B... à la clôture de l'exercice précédant la cession, intervenue le 15 avril 2010, à supposer d'ailleurs que ce dernier s'établisse à la somme revendiquée par les requérants, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que le montant de la plus-value de long terme taxable au taux de 16% s'élevait à la somme de 28 663 euros et non à celle, retenue par le service, de 130 870 euros.

7. Enfin, si M. et Mme B... soutiennent, à titre subsidiaire, que l'évaluation de la plus-value de long terme en cause aurait dû être effectuée à raison de la valeur vénale des titres de la SELARL Pharmacie B..., telle qu'elle aurait été fixée par le libre jeu de l'offre et de la demande s'ils avaient été acquis par un tiers, ils n'apportent, en tout état de cause, à l'appui de leur argumentation aucun élément de nature à établir que cette méthode alternative d'évaluation, au demeurant contraire aux principes énoncés au point 3 ci-dessus, serait de nature à caractériser le caractère excessif du montant de la plus-value établi par l'administration fiscale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a refusé de faire droit à l'intégralité de leur demande. Par suite, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

2

N° 18VE01064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01064
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SELARL JTBB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-07;18ve01064 ?
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