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07/07/2020 | FRANCE | N°17VE01386

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 07 juillet 2020, 17VE01386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 17 juin 2014 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement pour motif économique sur la demande de la société Touax Constructions Modulaires (TCM), et de mettre à la charge du ministre du travail la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1407725 du 7 mars 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à

l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 17 juin 2014 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement pour motif économique sur la demande de la société Touax Constructions Modulaires (TCM), et de mettre à la charge du ministre du travail la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1407725 du 7 mars 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2017 et un mémoire enregistré le 25 juillet 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 17 juin 2014 de l'inspecteur du travail ;

3° de mettre à la charge du ministre du travail le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de l'inspecteur du travail est entachée d'incompétence dès lors que l'autorité administrative compétente pour traiter la demande d'autorisation de licenciement dont il faisait l'objet était la DIRECCTE d'Eure et Loir ;

- la décision de l'inspecteur du travail est illégale car elle a retenu que la réalité du motif économique était établie ;

- la décision est entachée d'illégalité dès lors que la société Touax Constructions Modulaires n'a pas respecté son obligation de reclassement en lui envoyant une proposition de reclassement ni précise ni personnalisée ;

- la décision est illégale en raison de l'absence de saisine de la commission territoriale de l'emploi par ladite société ;

- la décision est illégale du fait de l'antériorité de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle par le requérant, équivalant rupture du contrat.

..............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C... a été embauché par le société Touax Construction Modulaires (TCM), en 2008 en tant que cariste au sein du centre d'assemblage de Mignières. La société TCM a ensuite mis en place un Plan de Sauvegarde de l'Emploi élaboré dans le cadre d'un acte unilatéral, qui a été homologué par la DIRECCTE d'Eure et Loir, par décision du 23 décembre 2013.

M. C..., alors délégué syndical, a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 2 janvier 2014. La société a donc envoyé une demande de licenciement de M. C..., à l'inspection du travail, qui par décision du 17 juin 2014 a accordé son licenciement pour motif économique.

M. C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler cette décision. Ce tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 7 mars 2017. M. C... relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur la légalité externe de la décision de l'inspecteur du travail [LGA1]:

2. En vertu des dispositions de L. 2421-1 du code du travail applicables à l'espèce : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué syndical, d'un salarié mandaté, ou d'un conseiller du salarié est adressée à l'inspecteur du travail ". En vertu des dispositions de l'article R. 2421-10 applicables à l'espèce : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. Elle est accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise. Excepté dans le cas de mise à pied, la demande est transmise dans les quinze jours suivant la date à laquelle a été émis l'avis du comité d'entreprise. La demande énonce les motifs du licenciement envisagé. Elle est transmise par lettre recommandée avec avis de réception. ".

3. Il résulte des dispositions précitées que l'inspecteur du travail compétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. C... était celui dans le ressort duquel se trouvait l'établissement disposant d'une autonomie de gestion suffisante où ce salarié protégé était affecté ou rattaché.

4. Il ressort du dossier que la société TCM, filiale de la société Touax Solutions Modulaires, employait 54 salariés, était dotée d'un comité d'entreprise, et que la gestion des ressources humaines était assurée par le siège social de ladite société, situé à Paris-la-Défense. Il est d'ailleurs constant que les convocations de l'intéressé à l'entretien préalable de licenciement et devant le comité d'entreprise, la demande d'autorisation adressée à l'inspecteur du travail, et plusieurs courriers échangés au cours de la procédure, ont été signés par le directeur des ressources humaines du siège social de l'entreprise, où a ainsi été élaboré et décidé le licenciement en cause. Ainsi, l'établissement de Mignières, où travaillait le requérant, ne disposait pas d'une autonomie de gestion suffisante permettant de le regarder comme un établissement au sens des dispositions précitées. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que la décision d'autorisation de son licenciement relevait de la compétence de la 27ème section de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine.

Sur la légalité interne de la décision de l'inspecteur du travail :

5. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié.

6. En premier lieu, l'article L. 1233-3 du code du travail dispose que " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. (...) 2° A des mutations technologiques ; 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; 4° A la cessation d'activité de l'entreprise ".

7. A ce titre, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler que cette cessation d'activité est totale et définitive. Il ne lui appartient pas, en revanche, de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il incombe ainsi à l'autorité administrative de tenir compte, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Il lui incombe également de tenir compte de toute autre circonstance qui serait de nature à faire obstacle au licenciement envisagé, notamment celle tenant à une reprise, même partielle, de l'activité de l'entreprise impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive.

8. Il ressort des pièces du dossier que la société TCM a cessé son activité de construction modulaire à partir du 1er octobre 2015. Dès lors qu'une demande d'autorisation de licenciement fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise n'a pas, ainsi qu'il a été dit au point précédent, à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative, pour apprécier la réalité d'un tel motif de cessation d'activité invoqué par une société faisant partie d'un groupe, d'examiner la situation économique des autres entreprises de ce groupe, y compris étrangères. Ainsi, la seule circonstance que l'activité de construction modulaire était poursuivie par les filiales du groupe en République Tchèque et au Maroc ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise TCM soit regardée comme totale et définitive.

M. C... ne peut dès lors utilement soutenir que la réalité du motif économique n'est pas établie.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. (...) Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ", et de l'article D. 1233-2-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 1233-4, l'employeur adresse des offres de reclassement de manière personnalisée ou communique la liste des offres disponibles aux salariés, et le cas échéant l'actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine. II. - Ces offres écrites précisent : a) L'intitulé du poste et son descriptif ; b) Le nom de l'employeur ; c) La nature du contrat de travail ; d) La localisation du poste ; e) Le niveau de rémunération ; f) La classification du poste ".

10. Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

11. Le requérant soutient que la proposition de reclassement sur le même site faite par son employeur par courrier du 6 novembre 2013, n'était ni précise ni personnalisée et, par ailleurs, qu'aucune information sur la rémunération n'était mentionnée. Il ressort cependant des pièces du dossier que si l'offre de reclassement fait état d'une liste de postes disponibles pour l'ensemble des salariés, la société TCM propose précisément à M. C... un poste de cariste sur le site de Mignières, dont les caractéristiques sont détaillées, notamment en ce qui concerne le niveau de rémunération, dans le descriptif du poste joint à ce courrier. Dès lors que cette offre de reclassement, suffisamment précise et personnalisée, proposait un emploi relevant de la même catégorie que celui que M. C... occupait et assorti d'une rémunération équivalente, ce dernier, qui n'a d'ailleurs pas répondu à cette proposition, n'est pas fondé à soutenir que son employeur n'avait pas rempli son obligation légale de reclassement.

12. En troisième lieu, l'article 28 de l'accord national sur les problèmes généraux de l'emploi conclu le 12 juin 1987 dans le secteur de la métallurgie, applicable en l'espèce, dispose que : " Lorsqu'une entreprise sera conduite à réduire ou à cesser son activité, elle recherchera en liaison étroite avec le comité d'entreprise, les délégués syndicaux et les organismes habilités toutes les solutions permettant d'assurer le reclassement du personnel. (...) Si toutefois elle est amenée à envisager un licenciement collectif d'ordre économique, elle doit : - rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en particulier dans le cadre des industries des métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi (...) ".

13. A ce titre, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, la société TCM a saisi la commission territoriale de l'emploi par un courrier du 13 novembre 2013 et que celle-ci lui a répondu les 18 et 21 novembre suivants. Dès lors, le moyen selon lequel la société défenderesse n'aurait pas respecté les obligations conventionnelles imposant la consultation de cette instance doit être écarté.

14. En quatrième lieu, il résulte de la combinaison de l'article L. 1233-65 du code du travail et de l'article 5 de la convention collective du 19 juillet 2011 relative au contrat de sécurisation que le salarié concerné par le contrat de sécurisation professionnelle dispose d'un délai de 21 jours pour accepter ou refuser un tel contrat à partir de la date de la remise du document. Cependant, pour les salariés dont le licenciement est soumis à autorisation, ce délai de réflexion est prolongé jusqu'au lendemain de la date de notification à l'employeur de la décision de l'autorité administrative compétente. Le contrat du salarié protégé continue donc à courir jusqu'à ce que l'inspecteur du travail se prononce sur la demande d'autorisation de licenciement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'acceptation par M. C... d'un contrat de sécurisation professionnelle, le 2 janvier 2014, aurait eu pour effet de dessaisir après cette date l'inspecteur du travail de la demande d'autorisation de licenciement ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 7 mars 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 17 juin 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique sur la demande de la société TCM.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme réclamée à ce titre par la société Touax Solutions Modulaires venant aux droits de la société Touax Constructions Modulaires.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Touax Solutions Modulaires venant aux droits de la société Touax Constructions Modulaires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

[LGA1]Je ne trouve pas les mêmes dispositions applicables en 2014, autre version. '

N° 17VE01386 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01386
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-07;17ve01386 ?
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