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07/07/2020 | FRANCE | N°17VE00047

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 07 juillet 2020, 17VE00047


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 12 septembre 2013, M. A..., qui, depuis le 28 janvier 2008, avait été engagé par contrat à durée indéterminée par l'AS Messine, ci-après ASM, en qualité de responsable explo

itation maintenance du site, a sollicité la reprise de son contrat par la commune de Rueil-Malmaison, dans le cadre de...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 12 septembre 2013, M. A..., qui, depuis le 28 janvier 2008, avait été engagé par contrat à durée indéterminée par l'AS Messine, ci-après ASM, en qualité de responsable exploitation maintenance du site, a sollicité la reprise de son contrat par la commune de Rueil-Malmaison, dans le cadre des dispositions des articles L. 1224-1 et suivants du code du travail. Par une lettre du 15 septembre 2013, l'ASM lui a signifié son licenciement pour motif économique consécutif à la cessation des activités de l'association. Par une décision du 23 octobre 2013, le maire de la commune de Rueil-Malmaison a refusé la reprise de ce contrat au motif que l'activité de l'ASM n'ayant pas été reprise, elle ne tenait de ces dispositions aucune obligation de reprise des contrats de travail des salariés de l'association. Par un courrier du 12 novembre 2013, la même autorité l'a mis en demeure de quitter le logement de fonctions tenu à sa disposition par l'ASM sur le site. M. A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de la décision du 23 octobre 2013 par laquelle le maire de la commune de Rueil-Malmaison a refusé de faire droit à sa demande tendant au transfert de son contrat de travail au titre des articles L. 1224-1 et suivants du code du travail, et de la décision du 12 novembre 2013 par laquelle le maire de la commune de Rueil-Malmaison l'a mis en demeure de quitter le logement mis à sa disposition par l'ASM, d'enjoindre à la commune de Rueil-Malmaison de procéder au transfert de son contrat de travail et de lui accorder un délai de six mois pour libérer son logement si elle ne procédait pas au transfert de son contrat de travail, et de l'indemniser du préjudice subi, à hauteur de la somme de 21 000 euros au titre du préjudice matériel subi et au titre du préjudice personnel et familial, et de 27 500 euros annuels de salaire jusqu'à sa mise à la retraite en l'absence de transfert de son contrat de travail. Par un jugement du 8 novembre 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. M. A... relève régulièrement appel de ce jugement, et demande à la Cour d'annuler la décision du 23 octobre 2013, de faire injonction au maire d'ordonner la poursuite du contrat de travail à compter du 1er octobre 2013, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de condamner la commune à lui verser les salaires du 1er octobre jusqu'à sa reprise de contrat, et de lui verser une somme de 72 197,58 euros en réparation du préjudice matériel, personnel et familial subi.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée par la commune de Rueil-Malmaison :

2. En vertu de l'article L. 1224-3 du code du travail, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires et en reprenant leurs clauses substantielles, en particulier celles relatives à la rémunération ; en cas de refus des salariés d'accepter ces offres, le contrat prend fin de plein droit et la personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat. Il en résulte que tant que les salariés concernés n'ont pas été placés sous un régime de droit public, leurs contrats demeurent des contrats de droit privé de sorte que le juge judiciaire est seul compétent pour statuer sur les litiges nés du refus de l'un ou l'autre des deux employeurs successifs de poursuivre l'exécution de ces contrats de travail, qui ne mettent en cause, jusqu'à la mise en oeuvre du régime de droit public, que des rapports de droit privé et, partant, pour apprécier les conditions d'application des dispositions légales et leurs conséquences, notamment l'existence d'une entité économique transférée et poursuivie et la teneur des offres faites aux salariés.

3. Cependant, conformément au principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge judiciaire ne peut faire injonction à la personne publique de proposer de tels contrats.

4. Il s'ensuit que lorsque le juge administratif est saisi de recours en annulation dirigés contre un refus de la personne publique d'accueillir les demandes des salariés et qu'il lui est demandé d'enjoindre à la personne publique de leur proposer des contrats de droit public, il ne peut statuer, en cas de différend sur la réunion des conditions du transfert, qu'à l'issue de la décision du juge judiciaire, éventuellement saisi à titre préjudiciel.

5. La demande de M. A... tendait, d'une part, à l'annulation de la décision du 23 octobre 2013 par laquelle le maire de Rueil-Malmaison a refusé de reprendre son engagement, sur le fondement notamment de l'article L. 1224-3 du code du travail, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à ladite commune de procéder à une telle reprise. Il résulte de ce qui précède que le juge administratif est seul compétent pour connaître de sa demande. Cependant, le juge administratif ne peut statuer sur cette demande que si le juge judiciaire s'est préalablement prononcé sur la réunion des conditions posées par cet article .

6. Pour rejeter, par le jugement attaqué, la demande présentée par M. A... dans les termes rappelés au point 1, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a lui-même considéré que les conditions posées par l'article L. 1224-3 du code du travail n'étaient pas remplies en l'espèce, sans avoir saisi de cette question, à titre préjudiciel, le juge judiciaire ou avoir sursis à y statuer jusqu'à ce que celui-ci, déjà saisi par M. A... de la contestation de son licenciement par l'ASM, l'ait examinée. En statuant ainsi, alors que le juge judiciaire était seul compétent pour apprécier le différend sur la réunion des conditions prévues par lesdites dispositions, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Ce dernier doit, dès lors, être annulé.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision contestée du 23 octobre 2013 :

8. Statuant sur l'instance introduite par M. A... à la suite de son licenciement par décision de l'ASM du 15 septembre 2013, le Conseil des Prud'hommes de Paris, par jugement du 11 octobre 2017, a mis hors de cause la commune de Rueil-Malmaison, motif pris de ce que cette dernière n'avait pas repris l'activité de l'ASM, au sens et pour l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Le juge judiciaire ayant ainsi déjà constaté que les conditions posées par ces dispositions n'étaient pas remplies, il n'y a plus lieu de le saisir, à ce titre, d'une question préjudicielle. Il s'ensuit également que doivent être écartés les moyens tirés par M. A... de ce que la décision contestée du 23 octobre 2013, en énonçant que la commune n'avait pas repris les activités de l'ASM, serait entachée d'une erreur de fait et méconnaîtrait les articles L. 1224-1 et suivants du code du travail.

9. Toutefois la décision contestée du 23 octobre 2013 a été signée par M. D... B...'h, premier adjoint au maire de Rueil-Malmaison. Si, d'une part, M. B...'h a reçu délégation de signature du maire, notamment pour les décisions relatives aux acquisitions ou cessions de biens immobiliers, et si, d'autre part, la commune de Rueil-Malmaison produit un arrêté municipal du 21 mars 2008 donnant seulement délégation à M. B...'h en matière d'affaires sociales et familiales, d'une part, et de finances, d'autre part, de telles décisions ne peuvent être regardées comme justifiant de la compétence du signataire de la décision contestée du 23 octobre 2013. M. A... est, dès lors, fondé à soutenir que ladite décision est entachée d'incompétence.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... est, pour le motif indiqué au point 9, fondé à obtenir l'annulation de la décision contestée du 23 octobre 2013.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. L'annulation de la décision contestée du 23 octobre 2013, au seul motif de l'incompétence de son signataire, n'implique pas, dès lors que le juge judiciaire a constaté que les conditions prévues aux articles L. 1224-1 et suivants du code du travail n'étaient pas remplies, que la commune de Rueil-Malmaison doive rétroactivement reprendre, à compter du 1er octobre 2013, l'engagement contractuel de M. A.... Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées, par l'intéressé ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

12. Eu égard aux motifs exposés au point 8, la décision contestée du 23 octobre 2013 était justifiée sur le fond, la commune de Rueil-Malmaison n'ayant aucune obligation de reprendre l'engagement de M. A... par application des articles L. 1224-1 et suivants du code du travail. Les préjudices dont le requérant demande réparation, en l'absence d'obligation de reprise de son contrat par ladite commune, sont ainsi dépourvus de lien de causalité directe avec l'illégalité formelle de ladite décision, pour incompétence de son signataire. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par M. A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à la commune de Rueil-Malmaison d'une somme en remboursement des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Rueil-Malmaison la somme que demande M. A... au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1310170 du 8 novembre 2016 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la décision du 23 octobre 2013 du maire de Rueil-Malmaison sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande de M. A... présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejeté.

Article 3 :Les conclusions présentées par la commune de Rueil-Malmaison sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 17VE00047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00047
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-075 Travail et emploi. Transferts.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : ASFAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-07;17ve00047 ?
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