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07/07/2020 | FRANCE | N°16VE03742

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 07 juillet 2020, 16VE03742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 13 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des ét

rangers et du droit d'asile, pour un montant total de 19 759 euros, ainsi que le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 13 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 19 759 euros, ainsi que les deux titres exécutoires afférents émis par la direction départementale des finances publiques des Yvelines.

Par un jugement n° 1410303 du 23 mai 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2016, M. B..., représenté par Me Paruelle, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et la décision du directeur général de l'OFII du 13 mars 2014 ainsi que les titres de perception afférents ;

2° de mettre à la charge de l'OFII le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que M. A... était en situation de travail ;

- la matérialité des faits constituant l'infraction n'est pas établie par les procès-verbaux ;

- seul un rappel à la loi a été prononcé à son encontre dans l'instance pénale ;

- sa situation financière personnelle ne lui permet pas de s'acquitter d'une telle somme.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les observations de Me D... pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'un contrôle exercé le 26 juillet 2012 sur le marché de la commune d'Eragny-sur-Oise, les services de police ont constaté que M. B... employait sur son stand une personne étrangère démunie d'un titre de séjour et d'un titre autorisant l'exercice d'une activité salariée en France. Par une décision du 13 mars 2014, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de M. B..., d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 17 450 euros et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 309 euros. Le 31 juillet 2014, M. B... a exercé un recours gracieux, reçu le 4 août 2014, contre cette décision que l'OFII a implicitement rejeté. Le 8 avril 2014, la direction régionale des finances publiques des Yvelines, a sur le fondement de la décision de l'OFII du 13 mars 2014, émis deux titres de perception correspondant à ces contributions. Par un courrier du 29 juillet 2014, M. B... a formé opposition à exécution devant la direction régionale des finances publiques des Yvelines à l'encontre de ces titres de perception. Par un courrier du 20 août 2014, l'OFII a confirmé le bien-fondé des sommes réclamées. M. B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 13 mars 2014 par laquelle le directeur général de l'Office française de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 19 759 euros, ainsi que les deux titres exécutoires afférents émis par la direction départementale des finances publiques des Yvelines. Par un jugement n° 1410303 du 23 mai 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Sur les conclusions en annulation de la décision de l'OFII et en décharge présentées par M. B... :

2. Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 applicables au présent contentieux : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / [...] ". Aux termes de l'article L. 8256-2 dudit code, dans sa rédaction issue de cette loi : " Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d'embaucher, de conserver à son service ou d'employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1, est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 euros. / [...] ". Ces nouvelles dispositions prévoient des peines moins sévères que la loi ancienne en ce qu'elles interdisent au-delà du seuil de 15 000 euros pour les personnes physiques le cumul de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire de réacheminement.

3. Par décision en date du 6 novembre 2018, l'OFII a prononcé la décharge de la somme de 4 759 euros en application des dispositions combinées des articles précités. Il n'y a donc pas lieu, pour la Cour, de statuer sur les conclusions de M. B... en tant qu'elles excèdent cette somme de 15 000 euros.

4. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 applicables au présent litige dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux et que ses dispositions sont plus douces que celles antérieurement applicables : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / [...] ". Selon l'article R. 8253-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article

L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / [...] ".

5. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des procès verbaux de constat et d'audition que M. B..., le gérant, a déclaré, le 26 juillet 2012, que l'employé se trouvant sur le stand l'aide à ranger, à surveiller, et à remballer contre un billet mais qu'il ne l'a pas déclaré. Lors de son audition le 8 août 2012, M. B... a confirmé qu'il a accepté que M. A... l'aide à descendre les cartons du camion contre un billet de 10 euros. M. A..., engagé au service de M. B..., exécutait un travail en échange d'une rémunération sous son autorité et selon ses directives et sous son contrôle. Il est constant que M. A... ne disposait ni d'un titre de séjour ni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. Dans ces conditions, l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi d'un travailleur étranger démuni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. En outre, les diverses attestations produites par le requérant établies par des commerçants selon lesquelles il travaillait seul ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments susmentionnés. Enfin, et ainsi que l'a indiqué le tribunal, la circonstance que les faits en cause n'aient pas donné lieu à des poursuites judiciaires et n'aient donné lieu qu'à un rappel à la loi le 8 août 2012, ne fait pas obstacle à la mise à la charge de M. B... les contributions en litige. Par suite, l'OFII a pu légalement considérer que M. B... était l'employeur de M. A... et mettre à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-l du code du travail.

7. En second lieu, si M. B... soutient que le montant de la contribution spéciale est disproportionné et que son exécution équivaudrait à une lente mort civile, il n'appartient pas au juge administratif de moduler des sanctions prises à l'égard de celui-ci au regard de sa situation économique en application du barème résultant des dispositions précitées du code du travail.

8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2014 et des titres exécutoires afférents.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que réclame l'OFII à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... en tant qu'elles excèdent la somme de 15 000 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 16VE03742 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03742
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-06 Étrangers. Emploi des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SCP PARUELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-07;16ve03742 ?
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