Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 mars 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1902991 du 13 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 juin 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- il lui était loisible d'obliger M. A... à quitter le territoire français avant que la décision de l'OFPRA ne lui soit notifiée, conformément aux dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision doit, en tout état de cause, être réputée lui avoir été notifiée le 15 octobre 2018 ;
- dès lors, c'est à tort que le premier juge a estimé que M. A... disposait encore du droit de se maintenir sur le territoire national à la date d'édiction de l'arrêté en litige pour en prononcer l'annulation ;
- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil ne sont pas fondés.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Illouz, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant bangladais, né le 11 novembre 1984, a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Cet office a rejeté sa demande par une décision du 28 janvier 2014, qui a été confirmée par une décision rendue par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 juin 2014. M. A... a présenté une demande de réexamen auprès de l'OFPRA, le 4 octobre 2018, que son directeur général a rejeté comme irrecevable le 10 octobre suivant. Par un arrêté du 4 mars 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. A... à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Ce préfet fait régulièrement appel du jugement du 13 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté attaqué: " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office (...) ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 de ce code : " (...) La date de notification de la décision de l'office (...) qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le relevé des informations de la base de données " TelemOfpra " édité le 30 avril 2019, produit par le préfet de la Seine-Saint-Denis, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire en vertu des dispositions précitées du III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait apparaître que la décision du directeur général de l'OFPRA du 10 octobre 2018 a été notifiée à M. A... le 15 octobre 2018. En outre, le préfet de la Seine-Saint-Denis produit également devant la Cour une copie de l'enveloppe contenant la décision du directeur général de l'OFPRA adressée à M. A..., indiquant une présentation du pli le 15 octobre 2018 et portant la mention " pli avisé et non réclamé ". Le préfet établit donc, au regard de ces mentions précises, claires et concordantes, qu'un avis de passage indiquant à M. A... qu'un pli était en instance au bureau de poste a été déposé dans sa boîte aux lettres. L'intéressé ne se prévaut d'aucune circonstance qui l'aurait mis dans l'impossibilité de retirer le pli contenant cette décision. Celle-ci doit, dès lors, être regardé comme lui ayant été régulièrement notifiée le 15 octobre 2018. Il est constant que M. A... n'a pas formé de recours contre cette décision. Par suite, l'intéressé ne disposait plus du droit de se maintenir en France à compter du 15 octobre 2018, date antérieure à l'adoption de l'arrêté en litige.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête d'appel du préfet de la Seine-Saint-Denis, celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a accueilli le moyen tiré de ce que M. A... disposait encore, à la date d'adoption de son arrêté du 4 mars 2019, du droit de se maintenir en France pour en prononcer l'annulation.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... en première instance et en appel :
En ce qui concerne la légalité externe :
7. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-1076 du 29 avril 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'État le même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. B... D..., adjoint au chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, pour exercer la délégation de signature consentie à la directrice des migrations et de l'intégration, en cas d'absence ou d'empêchement de l'intéressée et du chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, pour l'ensemble des attributions relevant de ce bureau, au nombre desquelles figure l'adoption de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré que ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.
8. En deuxième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que M. A... se soit vu notifier l'obligation de quitter le territoire français qu'il attaque à l'issue d'un contrôle auquel les forces de l'ordre auraient procédé sans y avoir été préalablement autorisées par l'autorité judiciaire est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la mesure de police administrative en litige.
9. En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.
10. Il est constant que M. A... a présenté une première demande d'asile en 2014, avant de solliciter un réexamen de cette demande en 2018. Il lui appartenait, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, de fournir spontanément à l'administration, notamment à la suite de la décision d'irrecevabilité prise par le directeur général de l'OFPRA près de cinq mois avant l'adoption de l'arrêté attaqué, tout élément utile relatif à sa situation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure préalable à l'édiction de cet arrêté, prévues par les principes généraux du droit de l'Union européenne et à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes du deuxième alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
12. La décision attaquée vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment le 6° du I de son article L. 511-1. Elle indique en outre, d'une part, que M. A... est ressortissant bangladais, qu'il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, que cette demande a fait l'objet d'un rejet pour irrecevabilité, et d'autre part, qu'il ne justifie pas, en France d'une situation personnelle et familiale à laquelle l'adoption d'une mesure d'éloignement porterait une atteinte disproportionnée. Ainsi, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit ainsi être écarté. Cette motivation révèle, en outre, que l'autorité administrative a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la légalité interne :
13. En premier lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur de droit n'est pas assorti des précisions nécessaires afin de permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Ce moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
15. Il ressort des pièces du dossier que M. A... réside en France depuis l'année 2013 et exerçait une activité professionnelle depuis dix mois à la date d'édiction de l'arrêté attaqué. Il est toutefois constant que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille, et n'invoque aucune circonstance familiale faisant obstacle à son départ du territoire national et à son retour dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans. Le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise doit, dès lors, être écarté.
16. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
17. Si M. A... soutient qu'il craint d'être persécuté du fait de sa religion en cas de retour dans son pays d'origine, il est constant que sa demande d'asile a été rejetée à deux reprises. Il se borne à produire une copie d'extraits d'un journal bangladais et un document, qu'il indique être la traduction de ces coupures de presse, établie par un " traducteur interprète bengali anglais ", faisant état de ce qu'une personne présentée comme étant son père aurait subi une agression par des fondamentalistes religieux au motif que ces derniers entretiendraient un conflit avec l'intéressé. Ces circonstances, dont M. A... s'est déjà prévalu à l'appui de sa demande de réexamen et que le directeur général de l'OFPRA a analysé comme n'étant étayées par aucun élément sérieux, ne sont pas de nature à révéler qu'il serait personnellement exposé à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Bangladesh. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
18. En quatrième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard de ce qui a été dit aux points 15 et 17, qu'en adoptant l'arrêté en litige, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation de M. A....
19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2, 3 et 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 4 mars 2019 obligeant M. A... à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé et a mis à la charge de l'État le versement à Me C... de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les conclusions présentées en appel par M. A... au titre de ces mêmes dispositions doivent être rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil n° 1902991 du 4 mars 2019 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 19VE02133 2