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02/07/2020 | FRANCE | N°18VE04270

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 02 juillet 2020, 18VE04270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1810209 du 23 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1810209 du 23 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, M. D..., représenté par Me B..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et l'arrêté du 3 octobre 2018 du préfet du Val-d'Oise ;

2° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de Me B..., d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision implicite portant refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- s'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les articles 3, 5, 6, 7, 14 et 15 de la directive 2008/115/CE ;

- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- s'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant marocain né le 10 juillet 1987, affirme être entré sur le territoire français le 6 juin 2014, sous couvert d'un visa Schengen de type C, et s'y est maintenu à l'expiration de ce visa, en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 16 janvier 2017. A la suite d'un contrôle de police effectué le 3 octobre 2018 à fin de vérification documentaire, il a fait l'objet d'un arrêté du même jour du préfet du Val-d'Oise l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et l'interdisant de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. D... relève appel du jugement du 23 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". La décision contestée, qui vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, relève que M. D... se maintient irrégulièrement sur le territoire depuis son entrée et qu'il s'est déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. En outre, elle indique que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille. Par suite, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que cette décision, qui comporte les considérations de droit et les éléments de fait qui en sont le support nécessaire, serait insuffisamment motivée. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait insuffisamment examiné sa situation.

3. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, M. D... s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la période de validité de son visa. En outre, lors de son audition par les services de police, il a déclaré n'avoir jamais entrepris de démarches en vue de la régularisation de sa situation. Il s'ensuit qu'il ne peut sérieusement soutenir que la mesure d'éloignement révèlerait une décision implicite de refus de séjour, et qu'en fondant sa décision sur les dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non celles du 3° du même paragraphe, le préfet aurait commis une erreur de droit.

4. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. En l'espèce, M. D... ne conteste pas avoir conservé dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans, des attaches personnelles et familiales, nonobstant la double circonstance qu'il réside chez son frère et que certains de ses oncles, tantes et cousins demeurent régulièrement en France. Sans charge de famille, il ne justifie nullement de la réalité de la relation sentimentale qu'il dit avoir une ressortissante française, laquelle, en tout état de cause, présenterait un caractère récent à la date de la décision en litige. De plus, son activité salariée à temps partiel comme électricien au cours de l'année 2017 ne caractérise pas une insertion professionnelle particulièrement forte dans la société française. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

5. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

6. En premier lieu, la décision contestée, qui vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, relève notamment que M. D... s'est déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Elle énonce également qu'il ne justifie pas de circonstances humanitaires. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que cette décision, qui comporte les considérations de droit et les éléments de fait la fondant, est insuffisamment motivée. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait insuffisamment examiné la situation du requérant.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui s'est soustrait à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire, présentait un risque de fuite au sens du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'aucune des considérations personnelles et familiales qu'il invoque ne constitue des circonstances particulières de nature à conjurer un tel risque. En édictant la décision susvisée, le préfet n'a donc pas méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. D....

8. En dernier lieu, les moyens tirés de la violation des articles 3, 5, 6, 14 et 15 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas assortis des précisions permettant à la cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé, ne peuvent qu'être écartés.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

9. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français fixée par l'autorité administrative.

10. En premier lieu, la décision susvisée, prise au visa des dispositions rappelées au point précédent, fait état des circonstances de fait rappelées au point 2. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés au point 4, le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire susceptible de faire obstacle à la décision en litige. Par suite, en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Val-d'Oise n'a pas commis d'erreur d'appréciation et n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, au regard des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé, commis une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction et au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

N° 18VE04270 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04270
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: M. Fabrice MET
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : NUNES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-02;18ve04270 ?
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