Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Joaquim Augusto Soares Ribeiro a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2008 et le 30 septembre 2011 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2008, 2009 et 2010, ainsi que de l'amende prévue au 4. de l'article 1788 A du code général des impôts.
Par un jugement n° 1707680 du 2 juillet 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 août 2018 et le 5 mars 2020, l'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro, représentée par Me Hoin, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son droit à un débat oral et contradictoire a été méconnu ;
- le service ne pouvait, s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office ;
- le constat de la situation de taxation d'office résulte de la vérification de comptabilité ;
- la réponse aux observations du contribuable relative aux impositions mises à sa charge par la proposition de rectification du 14 décembre 2012 ne lui a pas été notifiée ;
- elle n'a pas été régulièrement convoquée à la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 20 novembre 2013 ;
- l'avis de cette commission ne lui a pas été notifié ;
- les pénalités prévues par le code général des impôts ne peuvent être infligées à une entité de droit portugais exploitant en France un établissement stable en l'absence de toute stipulation de la convention franco-portugaise le prévoyant expressément ;
- les dispositions du a. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts méconnaissent les stipulations de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- aucun retard dans le dépôt de ses déclarations permettant l'infliction de cette majoration ne lui est imputable ;
- aucun manquement délibéré de nature à justifier l'infliction de la majoration du a. de l'article 1729 du code général des impôts ne lui est imputable.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-portugaise signée à Paris le 14 janvier 1971 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Illouz, conseiller,
- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro, qui est une entité de droit portugais exploitant un établissement stable en France, ayant pour objet la réalisation de prestations de plomberie et de chauffage, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ultérieurement étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 septembre 2011. A l'issue des opérations de vérification, l'administration fiscale lui a notifié, dans un premier temps et par une proposition de rectification du 16 décembre 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2008, assortis de la majoration du a. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, et des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2008, puis, dans un second temps et par une proposition de rectification du 14 décembre 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2011, assortis des majorations du a. du 1. de l'article 1728 et du a. de l'article 1729 du code général des impôts, des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que de l'amende prévue au 4. de l'article 1788 A du code général des impôts. A la suite d'un abandon partiel des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2008, les impositions restant en litige afférentes à cet impôt ont été soumises à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lors de sa séance du 20 novembre 2013. L'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro fait régulièrement appel du jugement du 2 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". L'utilisation de déclarations abrégées prévues pour les contribuables soumis au régime simplifié d'imposition par un redevable de la taxe sur la valeur ajoutée qui relève du régime normal d'imposition est assimilable à un défaut de déclaration de chiffre d'affaires pour l'application de ces dispositions.
3. En premier lieu, il est constant que l'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro s'est bornée à déposer au cours de la période vérifiée des déclarations CA 12, prévues au 3. de l'article 287 du code général des impôts pour les contribuable relevant du régime simplifié d'imposition, et non les déclarations mensuelles CA 3 prévues au 2. de cet article, alors qu'elle a réalisé, au cours de chacun des exercices clos durant cette période, un chiffre d'affaires supérieur au seuil de ce régime simplifié fixé par le I de l'article 302 septies A du code général des impôts, ce qu'elle ne conteste pas. Si l'appelante fait valoir que le service des impôts des entreprises du lieu de son établissement l'aurait induite en erreur, en continuant à lui adresser des formulaires de déclaration pré-imprimés correspondant au régime simplifié d'imposition en dépit du chiffre d'affaires qu'elle déclarait, cette circonstance, à la supposer établie, est en tout état de cause sans incidence sur l'étendue de ses obligations déclaratives. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office sur le fondement du 3° de de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
4. En second lieu, lorsque la situation d'imposition d'office d'un contribuable n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité dont celui-ci a fait l'objet, les irrégularités qui ont pu entacher cette vérification sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé à l'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro une mise en demeure de satisfaire à ses obligations déclaratives, par la souscription de déclarations mensuelles CA 3, le 25 octobre 2011, soit le même jour que l'envoi de l'avis de vérification. Il en résulte que, contrairement à ce qu'elle soutient, la situation de taxation d'office de l'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet. Il suit de là que les irrégularités qui ont pu entacher cette vérification tenant à la violation du droit à un débat oral et contradictoire, au défaut de notification de la réponse aux observations du contribuable, au défaut de convocation régulière à la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 20 novembre 2013 et au défaut de notification de l'avis de cette commission sont, en tant qu'elles sont invoquées contre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition.
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
5. Aux termes de l'article R. 60-3 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : " L'avis (...) de la commission départementale (...) des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) est notifié au contribuable par l'administration des impôts. ". La notification de cet avis constitue une formalité substantielle. A défaut d'accomplissement de cette formalité préalablement à la mise en recouvrement des impositions, la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité.
6. L'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro soutient que l'avis rendu par la commission mentionnée à l'article 1651 du code général des impôts ne lui a pas été notifié avant la mise en recouvrement des impositions en litige. Si l'administration fiscale a produit devant les premiers juges une copie de cet avis, elle ne verse pas davantage aux débats d'appel, qu'à ceux de première instance, la moindre preuve de la réception effective de cet avis par l'appelante ou son conseil. L'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro est, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête en tant qu'ils sont dirigés contre ces impositions, fondée à soutenir que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, en 2009 et en 2010 ont été mis à sa charge au terme d'une procédure irrégulière et à en solliciter la décharge.
Sur les pénalités :
7. En premier lieu, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
8. Il n'est pas sérieusement contesté que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro, qui exploite un établissement stable en France, ont, sans préjudice de ce qui a été dit au point 11 du présent arrêt, été valablement établis en vertu des dispositions combinées de l'article 256 A, du b) du 2° de l'article 259 et du 2° de l'article 259 A du code général des impôts. Aucune stipulation de la convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu, conclue entre la France et le Portugal le 14 janvier 1971, ne fait obstacle à l'application, ni de ces dispositions, ni de celles des articles 1728 et 1729 du code général des impôts instaurant des pénalités susceptibles d'être infligées par l'administration fiscale français à l'occasion d'un rehaussement fondé sur ces mêmes dispositions. La circonstance que cette convention n'ait pas expressément prévu la faculté, pour l'administration fiscale française, d'infliger des pénalités aux entités de droit portugais exploitant un établissement stable en France ne saurait, à elle seule, révéler que les stipulations de cette convention feraient obstacle à l'application de la loi fiscale. Ce moyen doit, par suite, être écarté.
9. En second lieu, aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) ".
10. D'une part, les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts proportionnent la pénalité à la gravité des agissements du contribuable en prévoyant des taux de majoration différents selon que le défaut de déclaration dans le délai est constaté sans mise en demeure de l'intéressé ou après une ou deux mises en demeure infructueuses. Le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir le taux auquel l'administration s'est arrêtée, soit de lui substituer un taux inférieur parmi ceux prévus par le texte s'il l'estime légalement justifié, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s'il estime que ce dernier ne s'est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal. Le juge dispose ainsi d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'impliquent pas que le juge puisse moduler l'application du barème résultant de l'article 1728 du code général des impôts. Le moyen tiré de la méconnaissance, par ces dispositions, de ces stipulations doit, par suite, être écarté.
11. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, l'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro n'a pas déposé au cours de la période comprise du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2011, comme elle y était tenue, les déclarations mensuelles CA 3 prévues au 2. de l'article 287 du code général des impôts dans le délai qui lui était prescrit pour ce faire. La circonstance qu'elle ne s'est pas bornée à déposer ces déclarations au-delà du délai légal mais qu'elle s'est abstenue de procéder à toute déclaration de cette nature est sans incidence sur la faculté, pour l'administration fiscale, de lui infliger la majoration prévue au a. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts. Le service vérificateur pouvait, dès lors, assortir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'ensemble de la période vérifiée de cette majoration, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, à la supposer établie, que le service des impôts des entreprises du lieu de son établissement l'aurait induite en erreur en continuant à lui adresser des formulaires de déclaration pré-imprimés correspondant au régime simplifié d'imposition en dépit du chiffre d'affaires qu'elle déclarait.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
13. Le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir sans être contredit que l'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro a omis de déclarer l'encaissement de nombreuses créances détenues sur ses clients, représentant d'importants montants, au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2011. Il ajoute que le montant de son chiffre d'affaires réel, et que l'appelante ne pouvait ignorer avoir encaissé, est nettement supérieur à celui mentionné sur les déclarations souscrites au titre de cette période, conduisant à une importante minoration du montant de taxe sur la valeur ajoutée à régler pendant trois années consécutives. Dès lors, le ministre de l'action et des comptes publics apporte la preuve, qui lui incombe, de l'insuffisance des déclarations souscrites ainsi que de l'intention de l'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro d'éluder l'impôt. Les conclusions de l'appelante tendant à la décharge de la majoration afférente aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été infligée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2011 sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts doivent, par suite, être rejetées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2008, 2009 et 2010.
Sur les frais liés au litige :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'EURL Joaquim Augusto Soares Ribeiro est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, en 2009 et en 2010.
Article 2 : Le jugement tribunal administratif de Montreuil n° 1707680 du 2 juillet 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 18VE03026