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02/07/2020 | FRANCE | N°18VE01443

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 02 juillet 2020, 18VE01443


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 27 décembre 2016 par laquelle le directeur du groupement d'intérêt public (GIP) Médiation Nocturne de Saint-Denis l'a licencié à titre disciplinaire et de mettre à la charge du GIP Médiation Nocturne de Saint-Denis une somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703350 du 23 février 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la dé

cision de licenciement du 27 décembre 2016, mis à la charge du GIP MEDIATION NOCTU...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 27 décembre 2016 par laquelle le directeur du groupement d'intérêt public (GIP) Médiation Nocturne de Saint-Denis l'a licencié à titre disciplinaire et de mettre à la charge du GIP Médiation Nocturne de Saint-Denis une somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703350 du 23 février 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de licenciement du 27 décembre 2016, mis à la charge du GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS le versement à M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions présentées par le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2018, le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS, représenté par Me Colas, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter les demandes de M. A... ;

3° de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître du litige ; le contrat de travail de M. A... est un contrat de droit privé soumis aux dispositions du code du travail qui relève de la compétence du conseil des prud'hommes ;

- la procédure mise en oeuvre préalablement au licenciement était conforme au code du travail ;

- la faute commise par M. A... justifiait le licenciement ; dans son message du 14 décembre 2016, l'intéressé a dénigré le management et les décisions prises par ses supérieurs avec des termes incisifs et a ainsi manqué de loyauté et de discrétion vis-à-vis de son employeur.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2013-292 du 5 avril 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Cabon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté par le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS pour exercer les fonctions de médiateur de nuit à compter du 29 novembre 2011. Il a été licencié pour faute par un courrier du 27 décembre 2016. Le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS fait appel du jugement du 23 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la mesure de licenciement.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. D'une part, aux termes de l'article 109 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit dans leur rédaction applicable au contrat de M. A... : " Les personnels du groupement sont constitués : (...) / 3° Des personnels propres recrutés directement par le groupement, à titre complémentaire. / Sous réserve des dispositions relatives à la mise à disposition prévues par le statut général de la fonction publique, les personnels du groupement ainsi que son directeur sont, quelle que soit la nature des activités du groupement, soumis, dans les conditions fixées par la convention constitutive, aux dispositions du code du travail ou à un régime de droit public déterminé par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article 110 de la même loi : " I. _ Le régime des personnels des groupements créés antérieurement à la publication du décret en Conseil d'Etat mentionné au dernier alinéa de l'article 109 est déterminé par l'assemblée générale ou, à défaut, par le conseil d'administration, dans un délai de six mois à compter de cette publication. Les personnels en fonction à la date de promulgation de la présente loi restent régis par les dispositions qui leur sont applicables jusqu'à l'entrée en vigueur de la décision de l'assemblée générale ou de la délibération du conseil d'administration. Jusqu'à cette même date, le groupement peut également conclure ou renouveler les contrats conformément à ces dispositions (...) ".

3. Le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS soutient que le tribunal a écarté à tort son exception d'incompétence dès lors qu'il a conclu avec M. A... un contrat à durée indéterminé de droit privé soumis aux dispositions du code du travail et qu'il ressort clairement des pièces du dossier et notamment du compte-rendu du conseil d'administration du 5 janvier 2011 que la volonté du groupement était de recruter les médiateurs sous statut de droit privé.

4. Toutefois, le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS n'établit ni même n'allègue que son assemblée générale ou à défaut son conseil d'administration aurait, à la suite de la publication de la loi du 17 mai 2011, déterminé si les agents du groupement seraient soumis aux dispositions du code du travail ou à un régime de droit public. Sur ce point, le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS se prévaut des stipulations de l'article 14 de la convention aux termes desquelles " Le groupement peut recruter du personnel propre. Les conditions de recrutement et d'emploi de ce personnel sont décidées par le Conseil d'Administration, et soumises à l'approbation préalable du Commissaire du Gouvernement et du contrôleur d'Etat, en application des dispositions de l'article 7 du décret n° 093-705 du 27 mars 1993. (...) " et fait valoir que le conseil d'administration, comme cela ressort du procès-verbal de la séance du 5 janvier 2011, a fait le choix de recruter les médiateurs de nuit sous statut de droit privé. Toutefois, la décision du conseil d'administration du 5 janvier 2011, au demeurant antérieure à la loi du 17 mai 2011, ne peut être regardée comme constituant la décision du GIP de soumettre l'ensemble de ses agents à un régime de droit privé. Dans ces conditions, en l'absence de délibération formalisant ce choix, les personnels des groupements d'intérêt public préexistants restaient régis par les dispositions qui leur étaient antérieurement applicables et la qualification du contrat de travail de M. A... découle de sa participation à l'exécution d'un service public administratif ou d'un service public industriel et commercial. A cet égard, est sans incidence la circonstance que le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS ait eu l'intention de recruter les médiateurs de nuit sous un régime de droit privé.

5. D'autre part, sauf disposition législative contraire, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'objet du GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS est de " Contribuer à l'application des actions du Contrat Local de Sécurité concernant la Sécurité des espaces publics et particulièrement ceux du Centre-Ville de Saint-Denis. Mettre en oeuvre selon des modalités cohérentes, définies en étroite concertation avec l'ensemble des partenaires concernés, un dispositif partagé de Médiation Nocturne assurant une mission d'apaisement et de régulation des usages du centre-ville avec un objectif visant à restaurer le respect dû à la tranquillité de chacun. (...) " (article 3 de la convention constitutive du GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS). Ces missions de préservation de la tranquillité publique et de la prévention de troubles à l'ordre public conduisent M. A... à participer à l'exécution d'un service public administratif. Ainsi, quels que soient les termes de son contrat, M. A... est un agent de droit public désormais soumis aux dispositions d'ordre public du décret n° 2013-292 du 5 avril 2013 relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public. La juridiction administrative est donc compétente pour connaître des litiges nés à l'occasion de l'exécution d'un tel contrat. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté l'exception d'incompétence soulevée par le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS.

Sur la légalité de la mesure de licenciement litigieuse :

7. Aux termes de l'article 1er du n° 2013-292 du 5 avril 2013 relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public : " I. _ Le présent décret détermine le régime de droit public, mentionné au dernier alinéa de l'article 109 de la loi du 17 mai 2011 susvisée (...) / II. (...) les personnels d'un groupement d'intérêt public relevant du I sont régis par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 susvisé à l'exception des articles 5, 6, 8, 27, 28, 28-1, 29, 30, 31 et 42-1 à 42-7, sous réserve des dispositions du titre Ier du présent décret. ". Aux termes de l'article 43-1 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent non titulaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal. ". Aux termes de l'article 43-2 du même décret : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. (...) ".

8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a adressé le 14 décembre 2016 un message électronique à M. D... et à M. B..., deux élus de la commune de Saint-Denis. Ce message relate de manière critique l'intervention d'un formateur en médiation venu au sein du GIP et met en cause certains des choix de la direction du groupement. M. A... a réitéré ses critiques dans un message du 17 décembre suivant. Le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS soutient que le licenciement est justifié par le fait que, dans son message, M. A... dénigrait et discréditait sa hiérarchie, critiquait les décisions prises par son employeur en des termes accusateurs et avait manqué de loyauté et de discrétion à l'égard de son employeur notamment en adressant l'un des messages à M. B... qui, en sa qualité d'élu chargé des sports, n'était pas concerné par le fonctionnement du groupement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'objet de ce message, rédigé en des termes mesurés, était d'alerter les élus des méthodes de ce formateur qui, selon M. A..., mettaient en cause la sécurité des médiateurs, et de les informer de ce que ce formateur imposait la présence de son fils et de sa compagne pendant les maraudes. En outre, si M. B... n'était pas directement concerné par la gestion du GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS, il est constant qu'il s'agissait d'un élu de la commune de Saint-Denis, membre du groupement en cause. Par ailleurs, il est constant que M. A... a donné toute satisfaction dans l'exercice de ses fonctions depuis son recrutement en novembre 2011. Dans ces conditions, le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a estimé que la sanction de licenciement était disproportionnée et qu'il a, pour ce motif, annulé la décision du 27 décembre 2016.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme qui est demandée à ce titre par le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS le versement de la somme de 2 000 euros à M. A..., au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS est rejetée.

Article 2 : Le GIP MEDIATION NOCTURNE A SAINT-DENIS versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 18VE01443


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01443
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Qualité de fonctionnaire ou d'agent public - Qualité d'agent public - Ont cette qualité.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : BOUKHELOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-02;18ve01443 ?
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