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26/06/2020 | FRANCE | N°17VE03830

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 26 juin 2020, 17VE03830


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIÉTÉ ABM COMMERCE a demandé au Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise de condamner in solidum l'OPH Seine Ouest Habitat, la société Générali Iard, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 93-97 avenue de Verdun à Issy-les-Moulineaux et la société Dropsa France à lui verser la somme totale de 254 198,95 euros en réparation des préjudices d'exploitation, d'image et de réputation subis au titre des exercices 2009 à 2013 et à titre subsidiaire la somme de 172 770,85 euros en répara

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIÉTÉ ABM COMMERCE a demandé au Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise de condamner in solidum l'OPH Seine Ouest Habitat, la société Générali Iard, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 93-97 avenue de Verdun à Issy-les-Moulineaux et la société Dropsa France à lui verser la somme totale de 254 198,95 euros en réparation des préjudices d'exploitation, d'image et de réputation subis au titre des exercices 2009 à 2013 et à titre subsidiaire la somme de 172 770,85 euros en réparation de son préjudice d'exploitation subi au titre des exercices 2009 à 2013, de condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 93-97 avenue de Verdun à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des troubles de jouissance subis, de condamner la société Dropsa France à lui verser la somme de

32 259,60 euros en réparation des troubles de jouissance subis au titre des exercices 2009 et 2010, mettre in solidum à la charge de l'OPH Seine Ouest Habitat, de la société Générali Iard, du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 93-97 avenue de Verdun et de la société Dropsa France les dépens et la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1505792 du 19 octobre 2017, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître la demande de la SOCIÉTÉ ABM COMMERCE tendant à la condamnation de la société Dropsa France et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 93-97 avenue de Verdun à Issy-les-Moulineaux, condamné solidairement l'OPH Seine Ouest Habitat et la société Générali Iard à verser à la SOCIÉTÉ ABM COMMERCE une somme de 17 884 euros, et condamné la société Générali Iard à relever et garantir l'OPH Seine Ouest Habitat de la condamnation mise à sa charge à hauteur de 17 584 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 18 décembre 2017 et le 27 décembre 2019, la SOCIÉTÉ ABM COMMERCE, représentée par Me Demarigny, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation de l'OPH Seine Ouest Habitat et de la société Générali Iard à la somme de 17 884 euros ;

2° de condamner in solidum l'OPH Seine Ouest Habitat et la société Générali Iard à lui verser, à titre principal, la somme de 204 198,95 euros et à titre subsidiaire, la somme de

172 770,85 euros, en réparation de ses préjudices d'exploitation subis lors des exercices 2009 à 2013 ;

3° de condamner in solidum l'OPH Seine Ouest Habitat et la société Générali Iard à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices d'image et de réputation ;

4° de condamner la société Générali Iard à garantir l'OPH Seine Ouest Habitat des condamnations prononcées à son encontre ;

5° de mettre in solidum à la charge de l'OPH Seine Ouest Habitat et de la société Générali Iard les frais d'expertise, d'un montant de 7 068,92 euros, et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses locaux ont subi de graves infiltrations et écoulements d'eau usées nauséabondes, ainsi que des inondations ; ces désordres sont exclusivement imputables aux canalisations d'évacuation des eaux usées et à la descente d'eau pluviales de l'immeuble mitoyen appartenant à l'OPH Seine Ouest Habitat ; en sa qualité de tiers par rapport à ces ouvrages, la responsabilité sans faute de l'OPH est engagée ;

- elle a subi un préjudice d'exploitation entre 2009 et 2013 qui doit être réparé à hauteur de la somme de 204 198,95 euros ou, à tout le moins, de la somme de 172 770,85 euros ;

- elle a subi un préjudice d'image et de réputation qui doit être réparé à hauteur de la somme de 50 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement le 26 avril 2018 et le 28 janvier 2020, l'OPH Seine Ouest Habitat, représenté par Me Bernard-Fertier, avocat, demande à la Cour :

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me B..., pour la société Générali Iard.

Considérant ce qui suit :

1. La SOCIÉTÉ ABM COMMERCE a exercé jusqu'au mois de mars 2014 une activité de commerce de détail de ferronnerie, de meubles, d'accessoires de décoration et de poterie sous l'enseigne " Maison du Sud " au 93-97 avenue de Verdun à Issy-les-Moulineaux. Le local commercial de la société requérante était mitoyen d'un immeuble appartenant à l'OPH Seine Ouest Habitat, situé au 91 de cette avenue. A partir du 9 février 2009, la SOCIÉTÉ ABM COMMERCE a constaté des infiltrations importantes dans son magasin, ainsi que des débordements d'eaux usées occasionnant de fortes odeurs nauséabondes. Par une ordonnance du 29 août 2013, le juge des référés du Tribunal administratif a désigné un expert afin de déterminer, notamment, les causes et origines de ces désordres. L'expert a remis son rapport le 1er octobre 2014. La SOCIÉTÉ ABM COMMERCE relève appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 octobre 2017 en tant qu'il a limité la condamnation de l'OPH Seine Ouest Habitat et de son assureur, la société Générali Iard, à la somme de 17 884 euros, et demande à ce qu'ils soient condamnés à lui verser la somme de 254 198,95 euros ou, subsidiairement, la somme de 222 770,85 euros, en réparation de ses préjudices. Par la voie de l'appel incident, l'OPH Seine Ouest Habitat et la société Générali Iard demandent l'annulation de ce jugement en tant qu'il les a condamnés solidairement à verser la somme de 17 884 euros à la SOCIÉTÉ ABM COMMERCE.

Sur la responsabilité de l'OPH Seine Ouest Habitat :

2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

3. Il résulte de l'instruction que la SOCIÉTÉ ABM COMMERCE a subi, d'une part, en particulier en février et octobre 2009, des débordements d'eaux usées occasionnant de fortes odeurs nauséabondes dans ses locaux et, d'autre part, des infiltrations importantes dans ses locaux notamment en juin et juillet 2010. Il résulte du rapport d'expertise que ces désordres ont été causés par la défectuosité de conduits d'évacuation d'eaux usées, ainsi que par une descente d'eau pluviale défectueuse relevant de l'immeuble mitoyen appartenant à l'OPH Seine Ouest Habitat, lequel a procédé aux réparations nécessaires en janvier 2010 et décembre 2010. Ainsi, et nonobstant la circonstance que l'expert a accompli sa mission après la disparition des désordres, l'existence d'un lien de causalité direct entre le fonctionnement de ces ouvrages appartenant à l'OPH Seine Ouest habitat et les dommages invoqués doit être regardée comme établie. Toutefois, l'expert a également relevé dans son rapport que les dommages subis par la SOCIÉTÉ ABM COMMERCE résultaient partiellement d'écoulements naturels divers dus à l'importante déclivité du terrain sur lequel a été construit l'immeuble dans lequel se trouvaient les locaux de la requérante, en l'absence de précautions suffisantes prises lors de son édification afin de le protéger d'éventuelles infiltrations ou de la vétusté des dispositifs installés à l'époque. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité incombant à l'OPH Seine Ouest Habitat en lui faisant supporter la moitié des conséquences dommageables subies par la SOCIÉTÉ ABM COMMERCE entre février 2009 et décembre 2010.

Sur les préjudices :

4. En premier lieu, si la société requérante soutient qu'elle a subi un préjudice d'exploitation, ainsi qu'un préjudice d'image et de réputation, entre 2009 et 2013, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la période à prendre en compte au titre de l'évaluation de ces préjudices court seulement du mois de février 2009 au mois de décembre 2010, les désordres ayant cessé à cette date.

5. En deuxième lieu, la société requérante soutient que son préjudice d'exploitation doit être réparé à hauteur de la somme de 204 198,95 euros ou, à tout le moins, de la somme de 172 770,85 euros, en faisant valoir notamment qu'elle a dû procéder à un licenciement économique le 26 mai 2009 et qu'elle a été finalement contrainte de fermer son magasin en mars 2014. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que le chiffre d'affaires de la société requérante réalisé dans son magasin d'Issy-les-Moulineaux s'est élevé en 2008 à 160 190 euros, soit une hausse de 21,47 % par rapport à l'année précédente. L'intéressée a réalisé en 2009 un chiffre d'affaires de 119 583 euros, soit une baisse de 25,35 %, et un chiffre d'affaires de 94 304 euros en 2010, soit une baisse de 21,14 %. La perte totale au cours de ces deux années s'élève ainsi, par rapport à l'année 2008, à la somme de 65 886 euros. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le taux de marge de la société requérante était en moyenne, au cours de ces années, de 46,7 %. Dans ces conditions, la perte de celle-ci s'élève, pour la période considérée, au montant de 30 769 euros. Par suite, l'OPH Seine Ouest Habitat, dont la responsabilité est engagée à hauteur de la moitié, doit être condamné à verser à la SOCIÉTÉ ABM COMMERCE une somme de 15 384 euros.

6. Enfin, il résulte de l'instruction que les désordres subis par la société requérante pendant deux ans, en particulier les odeurs nauséabondes ayant envahi ses locaux, ont porté atteinte à son image et à sa réputation. Il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en les évaluant à la somme de 5 000 euros. Par suite, l'OPH Seine Ouest Habitat, dont la responsabilité est engagée à hauteur de la moitié, doit être condamné à verser à la SOCIÉTÉ ABM COMMERCE une somme de 2 500 euros.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société ABM COMMERCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a condamné l'OPH Seine Ouest Habitat et la société Générali Iard à lui verser la somme de 17 884 euros. Par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident de l'OPH Seine Ouest Habitat et de la société Générali Iard doivent être rejetées. Le présent arrêt n'aggrave pas la situation de l'OPH Seine Ouest Habitat. Par suite, ses conclusions dirigées contre la société Générali Iard, qui ont le caractère d'appel provoqué, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les dépens de première instance :

8. L'OPH Seine Ouest Habitat n'établit et n'allègue d'ailleurs pas que le tribunal aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative en mettant à sa charge les frais d'expertise.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce point par la société ABM COMMERCE. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de même nature présentées par l'OPH Seine Ouest Habitat et de la société Générali Iard peuvent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société ABM COMMERCE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'OPH Seine Ouest Habitat et de la société Générali Iard sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03830
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-01 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Notion de dommages de travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : SALR A.M.E

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-26;17ve03830 ?
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