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24/06/2020 | FRANCE | N°19VE01199

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 24 juin 2020, 19VE01199


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée d'un an.

Par ordonnance n° 1900866 du 25 janvier 2019, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis le dossier de sa demande au tribunal administrat

if de Montreuil.

Par un jugement n° 1900938 du 15 mars 2019, le magistrat désigné ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée d'un an.

Par ordonnance n° 1900866 du 25 janvier 2019, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis le dossier de sa demande au tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 1900938 du 15 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2019, M. B..., représenté par Me Ormillien, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et méconnait donc les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet ne pouvait lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire en l'absence de risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- cette interdiction est entachée d'une erreur dans l'appréciation des différents critères qu'il appartenait au préfet de prendre en compte ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnait dès lors les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Illouz, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant égyptien, né le 5 décembre 1988, entré en France le 15 juin 2011 selon ses déclarations, fait régulièrement appel du jugement du 15 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 21 janvier 2019 l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée d'un an.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est maintenu sur le territoire national de manière continue depuis plus de sept ans à la date de l'arrêté attaqué. Toutefois, l'appelant, qui est célibataire et sans enfant, n'invoque d'aucune attaches familiales ou personnelles en France et n'allègue pas être dépourvu de telles attaches dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans. Dans ces conditions, en dépit de l'insertion professionnelle invoquée par l'intéressé depuis 2018, le préfet des Hauts-de-Seine a pu, sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, l'obliger à quitter le territoire français. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

4. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a présenté une demande d'asile lors de son entrée en France. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a déclaré devant les services de police souhaiter rester en France, cette déclaration, formulée avant l'adoption de la mesure d'éloignement en litige, ne saurait, à elle seule, révéler une intention explicitement exprimée par l'appelant de ne pas se conformer à cette mesure. Par suite, la décision refusant à M. B... l'octroi d'un délai de départ volontaire ne pouvait être prise sur les fondements des dispositions du a) et du h) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français au cours de l'année 2014, ainsi que l'intéressé l'a spontanément déclaré lors de son audition devant les services de police. Il ressort également des pièces du dossier que celui-ci justifie d'une présence continue en France depuis 2011. Cette circonstance révèle que l'appelant s'est nécessairement soustrait à l'exécution de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet en 2014. Ainsi, la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, motivée par le risque que M. B... se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français du 21 janvier 2019, trouve son fondement légal dans les dispositions du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles du a) et du h) du 3° du II du même article, dès lors que M. B... se trouvait dans la situation où, en application de ces dispositions, le préfet des Hauts-de-Seine pouvait décider de lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie, et que l'autorité préfectorale dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer les dispositions du a) ou du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le préfet des Hauts-de-Seine aurait fait une inexacte application des dispositions précitées en se fondant sur l'existence d'un risque que M. B... se soustraie à l'exécution de sa mesure d'éloignement pour lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire ne peut être accueilli.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine, qui a mentionné dans les motifs de son arrêté plusieurs éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. B..., a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé avant de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

10. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, a pu n'être légalement assortie d'aucun délai de départ volontaire. L'intéressé ne justifie par la production d'aucune pièce des circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français dont il se prévaut. Par suite, c'est à bon droit que le préfet des Hauts-de-Seine a décidé d'assortir l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français.

13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle en France, a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement au cours de l'année 2014 à l'exécution de laquelle il s'est soustrait. Dans ces conditions, et en dépit de la durée de présence en France de l'intéressé et de l'absence de menace à l'ordre public qu'il représente, le préfet des Hauts-de-Seine, en fixant à un an la durée de sa mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, n'a pas entaché cette décision d'une inexacte application des dispositions précitées du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En troisième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an porterait au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

2

N° 19VE01199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01199
Date de la décision : 24/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : ORMILLIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-24;19ve01199 ?
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