Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Guainville International a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2011, de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1840 J du code général des impôts au titre de la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2011 et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement n°s 1506420, 1506577, 1700291 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance (article 1er), a déchargé la société Guainville International des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquels elle restait assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009, 2010 et 2011, des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011, du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que de l'amende qui lui était réclamée sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts au titre de la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2011 (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société (article 3).
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 mars 2019 et 28 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement portant sur les décharges accordées ;
2°) de remettre à la charge de la société Guainville International l'ensemble des impositions et des amendes en litige.
Il soutient que :
- la société Guainville International n'a pas été privée d'un débat oral et contradictoire ;
- en tout état de cause, l'absence d'un tel débat n'aurait pas pour effet d'entraîner une décharge totale des impositions en litige, mais n'aurait d'incidence que pour les seules impositions supplémentaires en résultant ;
- pour l'application de l'amende prévue à l'article 1840 J du code général des impôts, la société ne peut pas se prévaloir de l'article L. 112-7 en vigueur à compter du 1er février 2009.
......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour la société Guainville International.
Considérant ce qui suit :
1. La société Guainville International, qui exerce une activité d'achat-revente de poids lourds, véhicules légers et engins de travaux publics, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), portant sur les exercices clos les 31 mars 2007, 2008, 2009 et 2011, et d'un contrôle sur pièces en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au titre des exercices clos en 2010 et 2011. Ces contrôles ont donné lieu à des impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt, à des rappels de TVA au titre de la période allant du 1er avril 2006 au 31 mars 2011, à des cotisations de CVAE au titre des exercices clos en 2010 et 2011, ainsi qu'à l'application de l'amende prévue à l'article 1840 J du code général des impôts au titre des exercices clos les 31 mars 2008, 2009, 2010 et 2011. L'administration fiscale a en outre assorti une partie des suppléments d'impôt sur les sociétés de la majoration de 80% pour manoeuvres frauduleuses et une partie des rappels de TVA de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. Par un jugement n°s 1506420, 1506577, 1700291 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance (article 1er), a déchargé la société Guainville International des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés, auxquels elle restait assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009, 2010 et 2011, des suppléments de TVA qui lui ont été réclamés pour la période allant du 1er avril 2008 au 31 mars 2011, du supplément de CVAE auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que de l'amende qui lui était réclamée sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts au titre de la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2011 (article 2) et a rejeté le surplus de la demande de la société (article 3). Le ministre demande à la Cour d'annuler l'article 2 de ce jugement.
I Sur le motif de décharge retenu par les premiers juges :
2. Il résulte des articles L. 16 B et L. 47 du livre des procédures fiscales que si l'administration peut valablement décider d'engager une vérification de comptabilité sans avoir au préalable restitué au contribuable les pièces et documents, notamment comptables, qu'elle a saisis dans le cadre d'une opération de visite domiciliaire, elle est tenue de lui restituer ces documents en principe avant l'engagement effectif de la vérification de comptabilité, en tout état de cause dans les six mois de la visite, et, avant ce terme, dans un délai permettant au contribuable d'avoir, sur place, un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, eu égard à la teneur de ces documents, à leur portée et à l'usage que l'administration pourrait en faire à l'issue de la vérification de comptabilité. A défaut de restitution de ces pièces et documents dans ces délais, la vérification est entachée d'une irrégularité qui vicie la procédure d'imposition dès lors que les redressements contestés procèdent de cette vérification.
3. Il résulte de l'instruction que l'administration a, les 27 septembre et 11 octobre 2011, restitué les 150 carnets de commande, représentant environ 6 000 transactions, saisis dans le cadre des visites domiciliaires dans les locaux de l'entreprise et les domiciles de l'un de ses dirigeants et de l'un de ses commerciaux, en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Ces documents ont servi à reconstituer les chiffres d'affaires de la société et à lui notifier des suppléments d'impôts sur les sociétés et de contribution sur cet impôt, au titre des exercices clos les 31 mars 2008 à 2010, et des rappels de TVA au titre de la période allant du 31 mars 2008 au 31 mars 2010.
4. En premier lieu, en ce qui concerne la vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er avril 2006 au 31 mars 2010, à la suite de cette restitution, le vérificateur a adressé un courriel à l'entreprise, dès le 12 octobre, pour " faire le point sur les dépouillements en cours des différents documents saisis ", en lui proposant un choix de date d'entrevue entre le 25 et le 26 octobre 2011. Le vérificateur s'est rendu sur place le 25 octobre 2011, puis le 7 novembre 2011 pour la réunion de synthèse. La société a ainsi disposé des documents durant 14 jours avant l'entrevue du 25 octobre. Si elle affirme, sans l'établir, que cette entrevue n'aurait duré qu'une heure, elle ne soutient ni même n'allègue avoir sollicité, en vain, un délai ou une entrevue supplémentaire pour utilement débattre avec le vérificateur des documents saisis. En outre, la circonstance qu'elle a transmis de nombreux justificatifs en réponse aux propositions de rectification, ayant conduit l'administration à réduire sensiblement le montant du chiffre d'affaires dissimulé, ne permet pas d'établir, compte tenu de ce qui a été précédemment exposé, que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues sur la teneur des documents saisis et aurait, par suite, privé la société requérante d'un débat oral et contradictoire. Ainsi, alors même que la restitution des documents a été opérée après le début de la vérification de comptabilité, les conditions d'engagement de celle-ci sont régulières et n'ont privé la société d'aucune garantie.
5. En second lieu, en ce qui concerne la vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er avril 2010 au 31 mars 2011, les documents ont été restitués avant l'engagement effectif des opérations de contrôle au cours desquelles le vérificateur s'est rendu sur place les 1er et 15 décembre 2011 et les 9 mars et 24 avril 2012. La société Guainville International soutient que le caractère contradictoire de la procédure de vérification n'a pas été respecté, dès lors qu'à aucun moment, elle n'a pu nouer un débat oral et contradictoire sur les documents saisis. Cependant, elle n'établit pas que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues sur ce point en se bornant à indiquer, sans au demeurant l'établir, que la première entrevue s'est limitée à la remise de la comptabilité dématérialisée et que la réunion de synthèse n'a eu pour objet que de présenter les conclusions du contrôle. Enfin, ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'absence de débat oral et contradictoire ne saurait être regardée comme établie au motif que l'administration a sensiblement réduit le chiffre d'affaires dissimulé en tenant compte des justificatifs produits par la société en réponse aux propositions de rectification.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Guainville International ne justifie pas avoir été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur sur les pièces saisies. Le ministre est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a déchargé la société des impositions en litige au motif qu'elle avait été privée d'un tel débat.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Guainville International devant le tribunal administratif de Versailles et la cour administrative d'appel de Versailles.
II Sur les autres moyens soulevés par la société Guainville International :
II.1 Sur l'impôt sur les sociétés et la TVA :
II.1.1 Sur la charge de la preuve :
8. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ".
9. Pour rejeter la comptabilité de la société comme non probante, le vérificateur a noté, dans les propositions de rectification, que les bons de commande saisis dans le cadre des opérations de visite domiciliaire, soit mentionnaient des prix de vente et des modalités de paiement ne correspondant pas aux factures émises et comptabilisées par la société, soit retraçaient des ventes non comptabilisées. Eu égard à l'importance de ces omissions, ces constatations suffisent à démontrer que la comptabilité de la société ne retrace pas l'ensemble de ses recettes et à rejeter celle-ci comme non probante car comportant de graves irrégularités.
10. En outre, contrairement à ce que soutient la société, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a, au cours de sa séance du 18 novembre 2014, émis un avis favorable à l'ensemble des rectifications opérées par l'administration. La circonstance que dans ses motifs, elle a par ailleurs invité la société à se rapprocher du vérificateur pour identifier d'éventuels bons de commande régulièrement comptabilisés, mais retenus au titre de recettes dissimulés, ne prive pas cet avis favorable de portée. Les impositions résultant de la reconstitution des recettes non déclarées de la requérante, justifiée par le caractère non probant de sa comptabilité, ayant été établies conformément à l'avis de la commission, il appartient dès lors à la société Guainville International de rapporter la preuve de leur caractère exagéré. La circonstance que le service ne lui a pas communiqué le détail des transactions qu'il a abandonnées, à la suite des différentes explications qu'elle a fournies dans le cadre de ses observations aux propositions de rectification et de ses réclamations préalables, ne la dispense pas de fournir devant le juge l'ensemble des pièces établissant que certains bons de commande ne dissimulent pas de recettes dissimulées.
II.1.2 Sur les recettes dissimulées :
II.1.2.1 La méthode de reconstitution :
11. La société soutient, en premier lieu, que les chiffres d'affaires reconstitués par le service conduisent à des taux de marge bruts irréalistes et sans commune mesure avec ceux réalisés par ses concurrents. Toutefois, la société ne précise pas en quoi les entreprises qu'elle retient, compte tenu de leurs caractéristiques, lui seraient comparables. En outre, cette comparaison est limitée au seul exercice clos en 2011 et ne saurait être extrapolée sur les autres exercices vérifiés. Enfin, ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'administration fiscale a reconstitué les chiffres d'affaires de l'entreprise à partir des données propres de celle-ci, en recoupant les éléments d'information issus des bons de commande saisis et des factures des ventes comptabilisées. Les discordances constatées ont été reprises dans des tableaux joints aux propositions de rectification et aux réponses aux observations du contribuable qui reprennent : le numéro des pièces saisies ; les numéros des bons de commande ; la date de l'opération ; le nom du client ; l'immatriculation du véhicule concerné ou l'identification de la prestation ; le montant comptabilisé et le montant des ventes. Dans ces conditions, le moyen tiré du caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode mise en oeuvre par l'administration fiscale pour reconstituer son chiffre d'affaires sur la période vérifiée doit être écarté.
II.1.2.2 Les justificatifs fournis par la société :
12. La société conteste la prise en compte, comme recettes dissimulées, de quarante-six bons de réservation - qu'elle désigne sous la référence " DNEF n° X " - et verse à l'appui de sa contestation différents justificatifs.
II.1.2.2.1 Les justificatifs à écarter :
13. Pour neuf d'entre eux, il résulte de l'instruction que l'administration a admis les explications, soit en réponse aux réclamations préalables de la société (pièces DNEF n° 2156 et n°7726), soit au cours de la procédure devant le tribunal administratif (pièces DNEF n°s 272, 634, 775, 1328, 2989, 4518 et 4630). Il n'y a donc plus lieu de les retenir.
14. Les pièces produites par la société Guainville International n'établissent pas qu'en rehaussant le chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2008 de 7 685 euros, l'administration aurait taxé trois fois la vente d'un camion benne figurant sur le bon de commande DNEF n° 213 pour 8 300 euros.
15. La société n'établit pas, par un tableau non daté qui serait un extrait de son livre de police, que l'engin ayant fait l'objet du bon de réservation n° 789245 (pièce DNEF n° 728) n'aurait pas été vendu.
16. Pour les bons de réservation référencés DNEF n°s 1619 et 7510, la société ne fournit aucun document justifiant de la différence constatée entre les montants figurant sur ces bons et les factures de vente émises.
17. Le bon de commande DNEF n° 2357 fait état d'une vente pour un montant total de 19 500 euros, dont un paiement en espèces de 9 500 euros et par chèque pour une somme non précisée. La facture produite par la société n° 47902 du 24 janvier 2008 mentionne un prix total de vente de 10 000 euros réglé par chèques, sans référence à un paiement en espèces. Il en ressort une recette dissimulée de 9 500 euros, que la seule attestation produite par le client, au demeurant non datée, faisant état du remboursement entre ses mains de la somme de 9 500 euros qui aurait correspondu à un dépôt de garantie, ne suffit pas à remettre en cause.
18. Le bon de commande DNEF n° 3432 fait état de la vente d'une mini-pelle pour un montant de 13 000 euros, dont un règlement en espèces de 6 500 euros. La facture produite par la société mentionne un paiement de 6 500 euros par virement bancaire, sans mention du premier paiement en espèces. Il en ressort une recette dissimulée de 6 500 euros que la seule attestation produite par le client, faisant état d'un paiement total de 6 500 euros, ne suffit pas à remettre en cause.
19. Le bon de commande DNEF n° 3563 fait état d'une vente pour un montant total de 8 190 euros dont 2 000 euros réglés en espèces, alors que les factures produites par la société mentionnent un prix total de 6 000 euros payé par chèque. La société ne justifie pas le prix réel acquitté par son client en se bornant à fournir une attestation non datée.
20. Le bon de commande DNEF n° 5828 fait état de deux prix pour la vente d'un camion, respectivement de 22 000 euros et 11 000 euros. La société explique cet écart par l'équipement proposé au client, mais sans le justifier. La production d'une facture comptabilisée à hauteur de 11 000 euros et l'attestation du client, non datée, ne permet pas d'établir que le prix réel de cette vente se serait élevé à 11 000 euros.
21. Le bon de commande DNEF n° 6271 fait état d'une vente de matériel pour un montant total de 52 500 euros et d'une reprise de véhicules auprès du client pour une somme de 44 500 euros. Les factures produites et comptabilisées ne mentionnent pas ces montants et l'attestation du client faisant état du prix convenu n'est pas datée. La société ne peut utilement soutenir que, quels que soient les montants retenus, son bénéfice net demeure de 8 000 euros, dès lors qu'il s'agit non pas de déterminer ce bénéfice, mais l'existence ou non de recettes dissimulées.
22. Si la société fait valoir qu'elle n'a pas retrouvé la pièce référencée DNEF n° 6670, elle n'indique pas à quel exercice le redressement correspondant aurait été rattaché.
23. L'attestation de son client qu'elle produit pour justifier que la vente d'une semi-remorque, le 20 mai 2010, pour un prix de 5 500 euros HT n'est pas datée. Elle ne peut donc être prise en compte pour remettre en cause le prix de 6 600 euros figurant sur le bon de commande référencé DNEF n° 7059 et le rehaussement corrélatif de 1 000 euros de son chiffre d'affaires.
24. Les dates de paiement figurant sur la facture n° 55249 du 20 avril 2011 comptabilisée par la société et le bon de commande référencé DNEF n° 7315 du 11 juin 2010 ne correspondent pas. La société n'établit donc pas que la vente en cause aurait été régulièrement comptabilisée.
25. Le bon de commande DNEF n° 7853 fait état de la vente d'un camion pour 16 000 euros. Il n'indique pas que ce prix incluait des frais de réparation. La société n'établit donc pas que la différence entre ce montant et le prix de 7 000 euros facturé le 26 juillet 2010 correspondrait à l'absence de réalisation de ces réparations.
26. En se bornant à soutenir que le prix de 3 000 euros figurant sur le bon de commande DNEF n° 7914 n'était que purement informatif, sans autre justificatif qu'une attestation non datée de son client, la société ne démontre pas que la vente aurait été effectuée au prix de 400 euros mentionné sur la facture n° 53712 du 29 juillet 2010.
27. Le bon de commande DNEF n° 7931 fait état d'une vente de matériel pour un montant total de 10 000 euros et d'une reprise de véhicules auprès du client pour une somme de 5 500 euros. Les factures produites et comptabilisées ne mentionnent pas ces montants. La société ne peut utilement soutenir que, quels que soient les montants retenus, son bénéfice net demeure de 4 500 euros, dès lors qu'il s'agit non pas de déterminer ce bénéfice, mais l'existence ou non de recettes dissimulées.
28. En se bornant à soutenir que le prix de 42 000 euros figurant sur le bon de commande DNEF n° 8926 n'était qu'indicatif, sans autre précision qu'une attestation non datée de son client, la société ne démontre pas que la vente aurait été effectuée au prix de 27 000 euros mentionné sur la facture n° 54669 du 2 février 2011.
29. La société ne justifie pas, par la production d'une attestation non datée de son client, que celui n'aurait finalement acheté qu'un lot de cinq moteurs pour un montant de 6 000 euros, tel que cela est indiqué dans la facture n° 54591 du 17 janvier 2011, alors que le bon de commande DNEF n° 8955 fait état d'une commande plus conséquente avec des paiements en espèces à hauteur de 23 100 euros.
30. Le bon de commande référencé DNEF n° 9757 fait état de la vente d'un " manitou " pour 6 500 euros, tandis que la facture jointe mentionne un prix de 2 500 euros. Comme l'indique la société, le redressement retenu par l'administration est de 4 000 euros. Elle ne justifie pas que l'administration aurait retenu un montant supplémentaire de 4 000 euros faisant doublon avec le redressement précédent.
31. Contrairement à ce qu'elle soutient, la pièce référencée DNEF n° 9822 est un bon de réservation et pas seulement un devis.
32. La société soutient que la facture de vente n° 54924 du 15 mars 2011 afférente au véhicule immatriculé AR-017-RB pour un prix de 6 000 euros, correspond en fait à la vente pour un montant de 11 500 euros du véhicule immatriculé 912 BWA 78 figurant sur le bon de commande DNEF n° 16856. Cependant, elle ne justifie, ni qu'il s'agit du même véhicule avec une nouvelle immatriculation, ni de la différence de prix.
33. Ce même bon de commande mentionne en outre la vente d'un moteur " FH Novo " pour 4 500 euros et de deux moteurs avec boîtes de vitesse complètes pour 14 000 euros. La société ne justifie pas que ces ventes auraient été régulièrement comptabilisées en produisant la facture n° 55030 du 19 mars 2011 qui ne reprend ni les références du bon de commande, ni les montants précédemment évoqués, mais mentionne la vente d'un moteur complet pour 7 000 euros, une boîte de vitesse pour 2 000 euros, ainsi que deux tonnelets de graisse, deux bidons d'huile et des pièces diverses neuves.
34. L'attestation de son client qu'elle produit pour justifier l'annulation des frais de transport du véhicule vendu à hauteur de 2 750 euros n'est pas datée. Elle ne peut donc être prise en compte pour remettre en cause la différence à due concurrence entre le montant de 10 750 euros figurant sur le bon de commande DNEF n° 16993 et celui de 8 000 euros figurant sur la facture n° 55046 du 30 mars 2011.
35. Il en va de même pour les bons de commande DNEF n° 9957 et n° 16716 pour lesquels la société n'établit pas, par la production de deux attestations non datées de ses clients, que la différence entre les montants des bons de commande et les factures émises s'expliquerait par le fait que ceux-ci auraient renoncé aux convoyages des véhicules achetés jusqu'à leur port d'embarquement.
36. La société soutient que l'administration a taxé deux fois la vente d'un même véhicule. Cependant, les bons de commande DNEF n° 30628 et n° 3164, dont elle se prévaut, ne font pas état de deux ventes, mais du paiement d'un acompte réglé en espèces (bon de commande DNEF n° 30628) déduit du montant total de la vente figurant sur le bon de commande DNEF n° 3164.
II.1.2.2.2 Les justificatifs à retenir :
II.1.2.2.2.1 Au titre de l'exercice clos en 2008 :
37. Le bon de commande DNEF n° 94 mentionne une vente pour un montant total de 9 500 euros, dont un règlement en espèce de 500 euros et par chèques de 9 000 euros. Il résulte de la facture n° 48042 du 19 février 2008 produite par la société, dont les mentions ne sont pas contestées par le service, que la société a comptabilisé un prix de vente de 6 500 euros. Il y a lieu, dès lors, de réduire le rehaussement de 9 500 euros pour le fixer à la somme de 3 000 euros.
38. Le bon de commande DNEF n° 2001 du 23 juillet 2008 mentionne notamment la vente de deux camions immatriculés 1260 ZM 57 et 6362 TP 76 pour une somme totale de 60 000 euros, que l'administration a retenue comme recettes dissimulées. La société produit toutefois deux factures n° 49458 et n° 50014 datées des 1er octobre et 30 décembre 2008 justifiant de la passation en comptabilité de la vente de ces deux camions pour la somme de 35 500 euros. Il y a donc lieu de réduire le montant des recettes dissimulées à due concurrence.
39. Le bon de commande DNEF n° 3065 mentionne la vente de deux véhicules immatriculés 4132 WV 49 et 1948 XD 49 pour des prix de 11 000 euros, soit un total de 22 000 euros. Les factures produites par la société n° 49577 et n° 49578 du 15 octobre 2008 font état d'une comptabilisation de ces ventes à concurrence de 8 400 euros et 7 400 euros. En l'absence de contestation de l'administration, il y a dès lors lieu de réduire le montant des recettes dissimulées de 15 800 euros.
40. La société justifie qu'elle a facturé et régulièrement comptabilisé, non pas seulement 3500 euros, comme l'a retenu l'administration, mais bien le montant de 35 000 euros figurant sur le bon de commande DNEF n° 4571. Elle établit donc, à concurrence de 31 500 euros, l'absence de recettes dissimulées.
41. Il résulte de ce qui précède que le chiffre d'affaires reconstitué par l'administration au titre de l'exercice clos en 2008, établi en dernier lieu à 1 405 227 euros ainsi que le précise la société dans ses écritures enregistrées le 1er avril 2020, doit être diminué de la somme de 89 300 euros pour être fixé à 1 315 927 euros.
II.1.2.2.2.2 Au titre de l'exercice clos en 2009 :
42. Le bon de commande DNEF n° 4897 mentionne deux prix de vente du camion immatriculé 743 DHX 95, s'élevant respectivement à 45 000 euros et 23 000 euros. Le prix mentionné dans la facture n° 51679 du 18 septembre 2009 s'établit à 23 000 euros. La société produit une attestation datée du 12 février 2015 émanant de son client faisant état d'une vente à ce prix. L'administration ne remet pas en cause le caractère probant de cette attestation. Il n'y a donc pas lieu de retenir, au titre des recettes dissimulées, la somme de 22 000 euros correspondant à la différence entre les deux prix figurant sur le bon de commande.
43. Le bon de commande DNEF n° 12849 mentionne un prix de vente du véhicule immatriculé 7225 VF 72 de 10 707 euros. La société soutient, sans être contredite, que le service a rehaussé son chiffre d'affaires de 13 500 euros au titre de cette vente. Il y a donc lieu de réduire le montant des recettes dissimulées de la différence entre ces deux montants, soit la somme de 2 793 euros.
44. Par les factures n° 50513, n° 50517 n° 50535 des 17 et 23 mars 2019, la société justifie de la comptabilisation régulière de la vente des deux véhicules immatriculés 7288 TJ 61 et VI-84-17 figurant sur le bon de commande DNEF n°30779. Il y a donc lieu de ne pas tenir compte de ces ventes dans les recettes dissimulées pour le montant retenu par l'administration, que la société précise être, sans être contredite, de 26 100 euros.
45. Il résulte de ce qui précède que le chiffre d'affaires reconstitué par l'administration au titre de l'exercice clos en 2009, établi en dernier lieu à 2 503 313 euros, ainsi que le précise la société dans ses écritures enregistrées le 1er avril 2020, doit être diminué de la somme de 50 893 euros pour être fixé à 2 452 420 euros.
II.1.2.2.2.3 Au titre de l'exercice clos en 2010 :
46. La société justifie, par la production de la facture n° 53095 du 30 avril 2010, de la comptabilisation régulière de la vente de 75 euros figurant sur le bon de commande DNEF n° 6854.
47. La société produit la pièce référencée DNEF n° 7156 qui correspond à un chèque et non à un bon de commande d'une vente dissimulée de 1000 euros.
48. Le bon de commande initial DNEF n° 8603 fait état d'un prix de vente d'un véhicule de marque Volvo de 16 000 euros. La société produit toutefois le bon de commande définitif, remplaçant le précédent et mentionnant un prix de vente final de 15 000 euros d'un véhicule de marque Volvo régulièrement comptabilisé. L'administration, qui avait rehaussé le chiffre d'affaires de 1 000 euros, correspondant à la différence de prix entre le bon de commande initial et le prix facturé, ne remet pas en cause la validité de ce bon de commande définitif. La société établit donc l'absence de recettes dissimulées à hauteur de 1 000 euros.
49. Le bon de commande DNEF n° 17880 fait état d'une vente totale de 57 015 euros de plusieurs produits. La société soutient, sans être contredite, que seule la vente des 34 pneus au prix initial de 2 euros a été retenue comme dissimulée par l'administration, qui a toutefois confondu le prix de vente total et le prix de vente des pneus, qui s'établit à 68 euros. Il y a lieu dès lors, de retenir au titre des recettes dissimulées, que la somme de 68 euros et non celle de 57 015 euros, soit une réduction de 56 947 euros.
50. La société justifie, par une facture n° 53027 émise le 16 avril 2010, qu'elle a régulièrement comptabilisé le montant de 10 938 euros figurant sur le bon de commande DNEF n° 35111.
51. Il résulte de ce qui précède que le chiffre d'affaires reconstitué par l'administration au titre de l'exercice clos en 2010, établi en dernier lieu à 2 082 500 euros, ainsi que le précise la société dans ses écritures enregistrées le 1er avril 2020, doit être diminué de la somme de 69 960 euros pour être fixé à 2 012 540 euros.
II.1.3 Sur les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :
52. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".
53. Les impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration des recettes dissimulées ont été assorties de la majoration pour manoeuvres frauduleuses. L'administration fait valoir que la société Guainville International a dissimulé une partie de ses recettes et a établi des factures pour des montants ne correspondant pas aux prix réels des ventes. Elle établit ainsi l'existence d'agissements de la société destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. Il suit de là que l'administration était fondée à appliquer la majoration de 80 %.
II.1.4 Sur les provisions pour dépréciation des stocks :
54. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) ". Aux termes de l'article 38 du même code : " 3. (...) les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock ou une catégorie déterminée d'entre eux a, à la date de clôture de l'exercice, un cours inférieur au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation. Pareille provision ne peut, cependant, être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante.
55. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la société n'a pas individualisé son stock en fonction de la nature des biens vendus, notamment les pièces détachées et d'autre part, qu'elle a appliqué un taux forfaitaire de dépréciation augmentant de manière linéaire et sans relations avec les données propres de son activité, de 30% au bout de 12 mois, 40 % au bout de 24 mois, 50 % au bout de 36 mois, 60 % au bout de 48 mois et 70 % au bout de 36 mois. Ainsi, la société Guainville International ne justifie ni de la probabilité du risque de vente à un prix inférieur au prix de revient, ni d'une appréciation suffisante du montant de la perte prévisible.
II.1.5 Sur l'exonération de la TVA à l'exportation :
56. Aux termes du I de l'article 262 du code général des impôts : " I. Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne (...) ". Aux de l'article 74 de l'annexe III à ce code : " 1. Les livraisons réalisées par les assujettis et portant sur des objets ou marchandises exportés sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à condition : / (...) c. que l'assujetti exportateur établisse pour chaque envoi une déclaration d'exportation, conforme au modèle donné par l'administration (...) / d. que, dans les cas où l'assujetti exportateur ne produit pas les justificatifs prévus au c (...), il mette à l'appui de sa comptabilité (...) l'un des éléments de preuve alternatifs ci-après, pour justifier de la sortie des biens expédiés vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne : (...) / 1° La déclaration en douane authentifiée par l'administration des douanes du pays de destination finale des biens ou une attestation de cette administration accompagnée, le cas échéant, d'une traduction officielle ; / 2° Tout document de transport des biens vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, (...) / 3° Tout document douanier visé par le service des douanes compétent (...) et utilisé pour la surveillance de l'acheminement des biens vers leur destination finale hors de la Communauté, lorsqu'il s'agit de biens soumis à des contrôles particuliers ; / 4° Les documents mentionnés à l'article 302 M du code général des impôts (...) / 5° (...) lorsqu'il s'agit d'une livraison effectuée dans les conditions prévues au premier alinéa du 2° du I de l'article 262 du code général des impôts, une déclaration du transporteur ou du transitaire qui a pris en charge les biens, accompagnée de la preuve du paiement des biens par le client (...) ".
57. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
58. La société Guainville International a soumis au régime d'exonération de TVA prévu par les dispositions précitées des opérations d'exportation de véhicules. Ce régime a été remis en cause par l'administration faute de justificatifs produits. Les copies des factures de vente accompagnées des certificats d'immatriculation que la société a produit en première instance ne sont pas au nombre des justificatifs permettant d'établir la réalité de l'exportation des biens vendus. La société Guainville International n'apporte aucun justificatif supplémentaire devant la Cour. Elle ne peut donc bénéficier de l'exonération prévue au I de l'article 262 du code général des impôts.
II.2 Sur les rappels de CVAE au titre de l'année 2011 :
59. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". En application de ces dispositions, compte tenu de ce que la société Guainville International n'a pas accepté les rectifications à l'issue de la procédure de rectification contradictoire dont elle a fait l'objet au titre de la CVAE de l'année 2011, il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé de l'imposition.
60. Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I - Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies (...) ". Aux termes du I de l'article 1586 sexies du même code : " (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré (...) b) Et, d'autre part : / (...) les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus (...) ".
61. En premier lieu, les vices qui entacheraient la décision par laquelle la réclamation d'un contribuable est rejetée sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ou le bien-fondé de l'imposition contestée. Par suite, la société Guainville International ne peut utilement invoquer, devant le juge de l'impôt, l'insuffisance de motivation de la décision du 1er avril 2016 d'admission partielle de sa réclamation préalable, faute pour celle-ci de ne pas détailler les montants abandonnés.
62. En second lieu, ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'administration fiscale a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise à partir des données propres de celle-ci. Elle justifie ainsi du montant du chiffre d'affaires qu'elle a retenu pour le calcul de la CVAE. La société ne renverse pas cette preuve en comparant des taux de marge brute avec des entreprises concurrentes, sans préciser les caractéristiques de ces entreprises.
II.3 Sur l'amende prévue à l'article 1840 J du code général des impôts :
63. Il appartient au juge du fond, saisi d'une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, de prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration et, le cas échéant, de faire application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue. Par suite, compte tenu des pouvoirs dont il dispose ainsi pour contrôler une sanction de cette nature, le juge se prononce sur la contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux.
64. Aux termes de l'article 1840 J du code général des impôts : " Les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier sont passibles d'une amende conformément aux dispositions des deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du même code ". L'article L. 112-6 du code monétaire et financier prévoit que ne peut être effectué en espèces le paiement d'une dette supérieure à un montant, fixé par l'article D. 112-3 du même code, à 3 000 euros lorsque le débiteur agit pour les besoins d'une activité professionnelle. Dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 janvier 2009, l'article L. 112-7 de ce code prévoyait que " les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 sont constatées par des agents désignés par arrêté du ministre chargé du budget. Les contrevenants sont passibles d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indûment réglées en numéraire. Cette amende, qui est recouvrée comme en matière de timbre, incombe pour moitié au débiteur et au créancier ; mais chacun d'eux est solidairement tenu d'en assurer le règlement total ". Dans sa version issue de l'ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, cet article prévoit désormais que seul le débiteur ayant procédé à un paiement en violation des dispositions de l'article L. 112-6 est passible d'une amende et que le débiteur et le créancier sont solidairement responsables du paiement de cette amende. Il en résulte qu'à l'égard du créancier, qui ne peut plus être recherché comme auteur de l'infraction, l'ordonnance du 30 janvier 2009 a le caractère d'une loi nouvelle plus douce d'application immédiate. A compter de cette date, si l'administration peut s'adresser au créancier du débiteur auquel a été infligée l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts, en vue d'obtenir le paiement de l'amende, dès lors qu'il en est solidairement responsable, la garantie que constitue, pour le Trésor public, l'existence de personnes tenues solidairement au paiement d'une créance fiscale ne peut être mise en oeuvre, lorsqu'il existe un débiteur principal de l'impôt ou de la pénalité fiscale qui est le contribuable, que si cette créance a été régulièrement établie à son égard et, en particulier, s'il a été destinataire d'un avis de mise en recouvrement régulièrement notifié dans le délai de reprise. Par suite, la personne qui est recherchée en paiement solidaire d'une imposition ou d'une pénalité mise à la charge d'un débiteur principal est fondée à soutenir que l'imposition ou la pénalité n'a pas été régulièrement établie si l'administration n'a pas, avant l'expiration du délai de reprise, régulièrement notifié au débiteur principal un avis de mise en recouvrement.
65. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait notifié aux débiteurs de la société Guainville International des avis de mise en recouvrement de l'amende prévue à l'article 1840 J du code général des impôts. Celle-ci n'ayant pas été régulièrement établie, la société Guainville International est fondée à en demander la décharge, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens qu'elle invoque.
66. Il résulte de tout ce qui précède, qu'à concurrence d'une réduction des bases d'impositions à l'impôt sur les sociétés, à la contribution sur cet impôt et de la TVA, de 89 300 euros au titre de l'exercice clos en 2008, 50 893 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et 69 960 euros au titre de l'exercice clos en 2010 et pour l'amende infligée à la société sur le fondement de l'article 1840 J du code général des impôts, le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé des décharges. En revanche, pour le surplus des impositions, il est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a fait droit aux demandes de la société Guainville International.
III Sur les frais de procès :
67. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que la société Guainville International demande en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE:
Article 1er : La base imposable de la société Guainville International, tant en matière d'impôt sur les sociétés, de contribution sur cet impôt, que de taxe sur la valeur ajoutée, est réduite de 89 300 euros au titre de l'exercice clos en 2008, 50 893 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et 69 960 euros au titre de l'exercice clos en 2010.
Article 2 : La société Guainville International est déchargée des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition décidée à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : La société Guainville International est déchargée de l'amende prévue à l'article 1840 J du code général des impôts.
Article 4 : Sous réserve de ce qui a été dit aux articles 1er, 2 et 3 ci-dessus, les impositions mises à la charge de la société Guainville International, dont le jugement attaqué du 4 décembre 2018 avait prononcé la décharge par son article 2, sont rétablies.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n°s 1506420, 1506577, 1700291 du 4 décembre 2018, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 7 : Les conclusions de la société Guainville International tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 19VE01087 2