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24/06/2020 | FRANCE | N°18VE04324

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 24 juin 2020, 18VE04324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Remtech a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1602641 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 décembre 2018, 14 juin, 9 juillet 2019 et 5 juin 2020, ce dernier mém

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Remtech a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1602641 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 décembre 2018, 14 juin, 9 juillet 2019 et 5 juin 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Remtech, représentée par Me Naïm, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas été destinataire du rapport d'expertise ;

- la vérification de comptabilité s'est déroulée sans débat oral et contradictoire ;

- le projet PA XS présente un caractère novateur et est éligible au crédit d'impôt recherche.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Tronel, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Remtech est spécialisée dans la conception, le développement et la commercialisation d'instruments de mesure de vitesse du vent et des températures. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2009 à 2011, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rehaussements d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause du crédit d'impôt recherche dont elle avait bénéficié au titre de dépenses de recherches. La société fait appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge de ces suppléments d'impôt.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'absence de notification à la société Remtech de l'avis mentionné à l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales :

2. Aux termes de cet article : " I. - La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce dernier. / L'intervention des agents du ministère chargé de la recherche peut résulter soit d'une initiative de ce ministère, soit d'une demande de l'administration des impôts dans le cadre d'un contrôle ou d'un contentieux fiscal. / (...) III. - L'avis sur la réalité de l'affectation des dépenses à la recherche est émis par les agents chargés du contrôle (...) / L'avis est notifié à l'entreprise et communiqué à la direction générale des finances publiques. (...) ".

3. La société requérante soutient qu'elle n'a pas été destinataire du rapport de l'expertise réalisée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche le 11 juillet 2013. Il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, qu'il est mentionné dans le courrier adressé par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche à la direction départementale des finances publiques des Yvelines du 11 juillet 2013, que ce rapport a été transmis à l'entreprise. D'autre part, la proposition de rectification du 5 août 2013 mentionne explicitement qu'un expert scientifique, mandaté par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, a établi un rapport d'expertise le 11 juillet 2013, dont le contenu est repris pour l'essentiel dans ladite proposition. En outre, dans sa demande de première instance, la société indique elle-même que " l'avis de l'expert a conclu que les travaux entrepris ne constituaient pas une innovation au sens du régime de faveur". Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la société aurait sollicité la communication de ce rapport alors qu'elle avait connaissance de son existence. L'ensemble de ces éléments permettent d'établir que l'avis de l'expert scientifique formulé le 11 juillet 2013 a été régulièrement notifié à la société Remtech.

En ce qui concerne l'absence de débat oral et contradictoire :

4. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée dans ses locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire, de justifier que l'administration aurait refusé un tel débat. En l'espèce, il n'est pas contesté que la vérification de comptabilité s'est déroulée au siège de la société et que le vérificateur a eu plusieurs entretiens en présence de représentants de la société. La société requérante, en se bornant à affirmer que le service vérificateur n'avait aucune connaissance technique de l'activité concernée par le crédit d'impôt recherche, alors qu'il avait sollicité et obtenu un avis du ministère chargé de la recherche, n'apporte aucun élément de nature à justifier que lors de cette vérification, elle n'aurait pas pu s'entretenir normalement avec le vérificateur.

Sur l'éligibilité des travaux de la société Remtech au crédit d'impôt recherche :

5. Aux termes du I de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par ces dispositions.

6. La société Remtech conçoit, développe et commercialise une gamme de " SODAR " (" Sound Accoustic Detection et Ranging "), qui sont des appareils de télémesure de la vitesse et de la direction du vent, utilisant les ondes acoustiques et lumineuses. Le projet " PA XS " (PA eXtra Small) au titre duquel la société requérante a sollicité le bénéfice du crédit d'impôt recherche, consiste à développer un " SODAR " de dimensions très réduites destiné au marché éolien. Il résulte de l'instruction que cette société commercialise une gamme de " SODAR " dont un modèle de petite taille " PA 0 " de 800 mètres de portée. Ainsi qu'il est précisé dans le rapport de la nouvelle expertise réalisées le 27 novembre 2013 par les services du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le projet " PA XS " nécessite de " repenser ", par rapport à la technologie du " PA 0 ", les transducteurs piezo-électriques, la conception et le mode de fabrication de l'antenne, le logiciel de traitement pour compenser la réduction de la taille de l'antenne et la miniaturisation du système informatique et électronique. La société produit en appel un audit scientifique et technique de son programme et de recherche et développement, portant sur la période allant de 2009 à 2011, où il est notamment indiqué que la miniaturisation du modèle " SODAR ", compte tenu de la faible connaissance physique des basses couches de l'atmosphère, qui sont les phénomènes météorologiques ciblés par ces modèles, n'est pas suffisamment connue pour que la miniaturisation d'une technologie existante relève d'une simple application de méthodes d'ingénierie connues de l'homme de l'art dans les domaines de l'électronique, de la modélisation acoustique, de la transduction, de la conception et de l'assemblage des transducteurs, du packaging antibruit et anti humidité, de la modélisation du bruit, de la stratégie d'émission, et des algorithmes de traitement du signal. Toutefois, ni cet audit, ni les autres pièces produites en appel, de portée très générale, ne remettent en cause le contenu du rapport de contre-expertise, selon lequel, d'une part, les informations transmises par la société requérante ne permettent pas de conclure, en l'absence de connaissance nouvelle mise en évidence, à une activité de recherche et de développement dans la mise au point des transducteurs et de l'antenne. D'autre part, les travaux portant sur le logiciel de traitement relèvent, selon le rapport, " des activités classiques maîtrisées par le spécialiste ".

7. Il résulte de ce qui précède que les travaux de la société Remtech ne présentent pas de caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F précité, mais ont seulement contribué à améliorer les savoirs et la technologie existants dans le domaine des " SODAR ". L'administration n'a donc pas fait une inexacte application de ces dispositions et de celles de l'article 244 quater B du code général des impôts en ne regardant pas le projet " PA XS " comme constituant une opération de recherche scientifique ou technique ouvrant doit au crédit d'impôt recherche.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Remtech n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Remtech est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04324
Date de la décision : 24/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : CABINET F. NAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-24;18ve04324 ?
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