La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2020 | FRANCE | N°18VE04220

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 juin 2020, 18VE04220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le procès-verbal de la commission de réforme des militaires, du 24 juillet 2013, 1'arrêté du ministre de la défense portant radiation des contrôles d'office pour réforme définitive du 6 août 2013 et la décision de rejet de son recours préalable obligatoire du 7 février 2014.

Par un jugement n° 1403543 du 18 octobre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 7 février 2014 rejetant le r

ecours formé par M. A... B..., enjoint à la ministre des armées de procéder à la réin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le procès-verbal de la commission de réforme des militaires, du 24 juillet 2013, 1'arrêté du ministre de la défense portant radiation des contrôles d'office pour réforme définitive du 6 août 2013 et la décision de rejet de son recours préalable obligatoire du 7 février 2014.

Par un jugement n° 1403543 du 18 octobre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 7 février 2014 rejetant le recours formé par M. A... B..., enjoint à la ministre des armées de procéder à la réintégration juridique de l'intéressé et à la reconstitution de ses droits sociaux, notamment ses droits à pension, pour la période du 6 août 2013, date de l'éviction de l'intéressé, jusqu'au 3 mai 2016, date prévue pour la fin de son contrat d'engagement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, condamné l'État à la prise en charge des frais d'expertise pour un montant de 1 790 euros et au paiement de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 19 décembre 2018, la MINISTRE DES ARMÉES doit être regardée comme demandant à la Cour :

1° d'annuler les articles 1, 2, 3 et 4 du jugement attaqué ;

2° de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

La MINISTRE DES ARMÉES soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une d'erreur d'appréciation ; le rapport d'expertise établi le 8 juin 2018 par le Dr Gayda, désigné en qualité de médecin expert pour se prononcer sur l'état de santé de M. B... et sur lequel le jugement attaqué s'est fondé pour retenir que l'intéressé était apte à l'exercice de ses fonctions de sous-officier, a été établi sur la base des conclusions médicales de médecins civils qui étaient incompétents pour se prononcer sur l'aptitude d'un militaire à exercer son activité au sein de l'institution militaire, eu égard aux sujétions propres au statut militaire ; certains certificats médicaux sont postérieurs à la décision de radiation en litige.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2008-961 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires engagés ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Beaujard, président,

- les conclusions de Mme Aventino-Martin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., engagé volontaire dans l'armée de terre en 1998, promu sergent-chef en 2008, a été placé en congé de maladie ordinaire du 3 février au 1er août 2010 puis en congé de longue durée jusqu'au 2 février 2013. Ayant atteint la limite des droits à congé longue durée pour maladie, accordés à un militaire sous contrat, M. B... a été examiné le 8 juillet 2013 par le service de santé des armées à l'hôpital d'instruction des armées Desgennettes-Lyon qui l'a déclaré définitivement inapte à la reprise du service actif. A la suite de l'avis de la commission de réforme, qui a estimé qu'il ne présentait pas l'aptitude physique nécessaire à l'exercice effectif des fonctions afférentes aux emplois de son grade, M. B... a été radié des contrôles de l'armée active pour infirmité à compter du 17 août 2013. Le recours qu'il a formé devant la commission de recours des militaires le 2 octobre 2013 a été rejeté par une décision du ministre de la défense du 7 février 2014. Par le présent recours, la MINISTRE DES ARMÉES relève appel du jugement du 18 octobre 2018 le radiant par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 7 février 2014 rejetant le recours administratif préalable formé par M. B... contre l'arrêté du 6 août 2018 le radiant des contrôles d'office pour réforme définitive et l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite, lui a enjoint de procéder à la réintégration juridique de l'intéressé et à la reconstitution de ses droits sociaux, notamment ses droits à pension, pour la période du 6 août 2013 au 3 mai 2016, et a et a condamné l'État à la prise en charge des frais d'expertise pour un montant de 1 790 euros et au paiement de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier la portée, et ne peut, par suite, qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes l'article R. 4138-51 du code de la défense : " Le militaire en congé de longue durée pour maladie ne peut reprendre le service à l'expiration ou au cours d'une période de congé que s'il est reconnu apte à la suite d'un examen médical pratiqué par un médecin ou un chirurgien des hôpitaux des armées ". Aux termes de l'article R. 4139-55 du même code : " La commission de réforme des militaires est compétente pour émettre un avis médical portant : 1° Sur l'inaptitude définitive au service d'un militaire, quels que soient son statut et son lien au service ; (...) ". Aux termes de l'article R. 4139-60 du même code : " Le ministre de la défense (...), prend, par arrêté, une décision conforme à l'avis de la commission de réforme des militaires. ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'un militaire placé en congé de longue durée n'est pas automatiquement replacé en situation d'activité à l'expiration de la période de congé et qu'une décision doit intervenir, après avis médical donné par un médecin spécialiste des armées.

5. La MINISTRE DES ARMÉES soutient que le rapport d'expertise établi le 8 juin 2018 par le Dr Gayda désigné en qualité de médecin expert pour se prononcer sur l'état de santé de M. B..., a été établi sur la base des conclusions médicales de médecins civils qui étaient incompétents pour se prononcer sur l'aptitude d'un militaire à exercer son activité au sein de l'institution militaire, eu égard aux sujétions propres au statut militaire.

6. D'une part, s'il ressort en effet des pièces du dossier que le Dr Gayda a pris connaissance du dossier médical dans lequel figuraient des certificats de médecins civils, il ne résulte ni des dispositions précitées du code de la défense ni d'aucune autre disposition que cette circonstance serait de nature à vicier l'appréciation portée par l'expert désigné par le Tribunal administratif sur l'aptitude d'un militaire à l'exercice de ses fonctions.

7. D'autre part, et en l'espèce, il ressort du rapport d'expertise du docteur Gayda, expert désigné, que M. B..., qui a été examiné à deux reprises le 1er août 2016 et le 27 novembre 2017, en présence d'un psychiatre des armées pour le second examen, a présenté " une bouffée délirante avec des mécanismes interprétatifs, une thématique persécutive et mystique, évoluant dans le contexte d'une rupture rapide de vie conjugale " au printemps 2010 pour laquelle il a refusé toute hospitalisation, toute prise en charge pharmacologique, se limitant à un suivi médical ambulatoire fait d'entretiens. L'expert relève que le diagnostic initial était partagé par le service de santé des armées et les médecins consultés par le requérant. Il constate qu'il y a ensuite une divergence entre d'une part, des certificats médicaux produits par l'intéressé de ses médecins qui sont très circonstanciés et font état d'un bon état psychique lui permettant de reprendre son activité professionnelle et le renouvellement des arrêts de travail lié selon le dossier médical produit par le service de santé des armées à ce diagnostic initial de " bouffée délirante aigüe suivie d'un apragmatisme ". L'expert constate également qu'avant l'avis de la commission de réforme, aucun bilan médical n'avait été ordonné ou effectué " pour évaluer l'évolution de la pathologie antérieure qui avait été identifiée ". Il indique qu'au cours de son examen, le sujet a présenté des attestations des stages et formations qu'il a pu effectuer depuis sa réforme militaire " montrant son adaptation à la vie sociale " et que " si le sujet a présenté une bouffée délirante aiguë " elle " s'est résolue sans séquelles importantes justifiant 1'arrêt de toute activité professionnelle " pour conclure, qu'au jour de l'examen, " le sujet ne présente pas de troubles psychiatriques ou psychologiques et n'apparaît pas inapte à exercer une activité professionnelle. Au vu des documents fournis son état psychique était redevenu normal ou proche de la normale à partir de septembre 2010. ". Si le rapport ne se prononce pas expressément sur la capacité pour l'intéressé à exercer des fonctions militaires, le rappel du contexte de sa saisine et des fonctions exercées par M. B... permet d'établir que l'expert en a nécessairement tenu compte. En outre, la MINISTRE DES ARMÉES, après s'être abstenue de présenter des observations sur le pré-rapport, ne produit aucun élément permettant à la cour d'apprécier les raisons pour lesquelles M. B... a été déclaré inapte en 2013, afin de contredire le rapport d'expertise qui relève l'absence de nouveau diagnostic entre 2010 et 2013, permettant ainsi au juge d'appel d'apprécier l'évolution de l'état de santé mentale de l'intéressé entre son placement en congé de longue durée et sa radiation des contrôles de l'armée active pour infirmité. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que le ministre de la défense a commis une erreur d'appréciation en estimant, suivant l'avis de la commission de réforme, qu'il ne présentait pas l'aptitude physique nécessaire à l'exercice effectif des fonctions afférentes aux emplois de son grade.

8. Il résulte de ce qui précède que la MINISTRE DES ARMÉES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision du 7 février 2014 et a, par voie de conséquence, enjoint à ce qu'elle procède à la réintégration juridique de M. B... et condamné l'État à la prise en charge des frais d'expertise pour un montant de 1 790 euros et au paiement de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

10. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la MINISTRE DES ARMÉES est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 18VE04220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04220
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

08-01-01-07 Armées et défense. Personnels militaires et civils de la défense. Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. Cessation des fonctions.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: Mme AVENTINO-MARTIN
Avocat(s) : DEGANDT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-09;18ve04220 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award