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02/06/2020 | FRANCE | N°19VE02885

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 02 juin 2020, 19VE02885


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1901491 du 2 juillet 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 août 2019, Mme E..., représentée par Me Gonzales, avocat, demande à la Cour :

1° de lui accorder le

bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2° d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1901491 du 2 juillet 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 août 2019, Mme E..., représentée par Me Gonzales, avocat, demande à la Cour :

1° de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2° d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas la note en délibéré produite en première instance ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle remplit toutes les conditions pour rester en France ; la préfecture a agi sans certitude quant à ses ressources ; elle ne constitue pas une charge déraisonnable pour l'Etat français ;

- la décision attaquée a été édictée à un autre nom que le sien de sorte qu'il est impossible d'identifier l'administré et les conséquences pour l'enfant ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de la directive n° 2014/54/UE du 16 avril 2014 ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la directive n° 2014/54/UE du 16 avril 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... E... épouse B..., ressortissante roumaine, née le 5 mars 1979, a fait l'objet le 9 janvier 2019 d'un arrêté du préfet de police l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Elle a demandé l'annulation de cet arrêté au Tribunal administratif de Montreuil qui, par jugement n° 1901491 du 2 juillet 2019, a rejeté sa demande. Mme E... relève appel de ce jugement.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Selon l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, susvisée : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. ".

3. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de prononcer l'admission de Mme E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 précité.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. / Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite. / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que le magistrat rapporteur en première instance avait clôt l'instruction au 26 avril 2019, postérieurement à l'audience du 18 juin 2019, le conseil de la requérante a produit une note en délibéré. Or les visas du jugement ne font pas état de cette note en délibéré. Il est ainsi entaché d'irrégularité. Il y a donc lieu d'annuler le jugement attaqué et de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Montreuil, ainsi que sur ses autres conclusions présentées en appel.

Au fond :

6. En premier lieu, le moyen tenant à l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, présenté pour la première fois postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux, alors que la demande n'était assortie que de moyens de légalité interne est irrecevable.

7. En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la décision attaquée, prise à l'encontre de Mme B..., a été édictée à un autre nom que le sien, il est constant, ainsi qu'en attestent ses écritures, qu'elle utilise indifféremment les deux patronymes : E... et B.... Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V. ". Aux termes de l'article L. 121-4-1 du même code : " Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, les citoyens de l'Union européenne, les ressortissants d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de leur famille tels que définis aux 4° et 5° de l'article L. 121-1, ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français. ". Aux termes de l'article R. 121-4 de ce code : " Les ressortissants qui remplissent les conditions mentionnées à l'article L. 121-1 doivent être munis de l'un des deux documents prévus pour l'entrée sur le territoire français par l'article R. 121-1. L'assurance maladie mentionnée à l'article L. 121-1 doit couvrir les prestations prévues aux articles L. 321-1 et L. 331-2 du code de la sécurité sociale. Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour. En cas de doute, le préfet peut, sans y procéder de façon systématique, vérifier que les conditions mentionnées aux articles L. 121-1, R. 121-6 et R. 121-7 sont satisfaites (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 (...) ".

9. Mme E... soutient vivre en concubinage avec un compatriote, M. C... A..., et que de leur union est née une petite fille le 1er juin 2015. Elle soutient que M. A... dispose d'un contrat à durée indéterminée, déclare ses revenus, dispose d'un logement stable dans le cadre d'un dispositif Solibail. Mme E... produit également une attestation de SG Santé attestant de leur affiliation à un régime de sécurité sociale qui prend en charge toutes les prestations classiques. Toutefois, le concubinage allégué n'est pas établi par les pièces du dossier alors que la requérante a déclaré, lors de son audition par les services de police, après son interpellation le 9 janvier 2019, résider à Paris et que, si elle a fait état de con concubinage, elle a également déclaré vivre de la mendicité. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir qu'elle justifie disposer de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale. Les moyens tirés de que ce Mme E... justifierait remplir les conditions pour rester en France, de ce que la préfecture aurait agi sans certitude quant à ses ressources, et, en tout état de cause, de ce qu'elle ne constituerait pas une charge déraisonnable pour l'Etat français ne peuvent donc qu'être écartés.

10. En quatrième lieu, si Mme E... se prévaut des dispositions de la directive n° 2014/54/UE du 16 avril 2014, elle ne précise pas de quelles dispositions de ce texte elle entend se prévaloir. Le moyen n'est donc pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. En cinquième lieu, si Mme E... soutient que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990, ces moyens, que la requérante n'assortit au demeurant d'aucune précision, ne peuvent, au vu de la situation familiale décrite au point 9 du présent arrêt, qu'être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du préfet de police du 9 janvier 2019. Sa demande de première instance doit donc être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, l'ensemble des conclusions de sa requête d'appel, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 et de celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'aide juridictionnelle provisoire est accordée à Mme D... E....

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1901491 du 2 juillet 2019 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme D... E... devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

N° 19VE02885 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02885
Date de la décision : 02/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : GONZALEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-02;19ve02885 ?
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