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27/05/2020 | FRANCE | N°18VE03006

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 27 mai 2020, 18VE03006


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nitrente SAS a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée au titre de l'année 2010 en applicati

on de l'article 1759 du code général des impôts, d'autre part, de prononcer, à titre su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nitrente SAS a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée au titre de l'année 2010 en application de l'article 1759 du code général des impôts, d'autre part, de prononcer, à titre subsidiaire, la réduction, pour un montant total de 182 530 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de TVA, et enfin, de condamner l'État à lui verser la somme de 345 520 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qu'elle a subi du fait des fautes commises par l'administration dans le traitement de son dossier.

Par un jugement n° 1507329 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2018, la société Nitrente SAS, représentée par Me Allam, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, des rappels de TVA qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée au titre de l'année 2010 en application de l'article 1759 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration a reconstitué son chiffre d'affaires en réintégrant celui généré par l'exploitation du site internet " gboy " dont les droits d'exploitation appartiennent à la société Dreamlight Media, qui a une existence effective, et vis-à-vis de laquelle elle n'intervient qu'en tant que prestataire technique ;

- le fait qu'elle soit considérée comme non assujettie à la TVA par la société Mobiquid, est neutre au niveau des recettes de TVA, qui ont été bien versées au Trésor public par la société Mobiquid ;

- les sommes versées par la société Nitrente SAS à la société Dreamlight Media ne sont pas des distributions occultes et ne peuvent donner lieu à l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Tronel, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Nitrente SAS, qui exerce une activité d'exploitation de sites internet de rencontres, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, par une proposition de rectification datée du 11 décembre 2012, d'une part, selon la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 2009 à 2011 et de rappel de TVA pour l'année 2011 et, d'autre part, selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre précité, des rappels de TVA pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. La société requérante s'est vue, en outre, appliquer l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts pour défaut de désignation des bénéficiaires de distributions occultes. La société Nitrente a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la décharge de ces impositions et de l'amende et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 345 520 euros en raison des préjudices subis. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par jugement du 29 juin 2018, rejeté la demande de la société Nitrente. Celle-ci demande à la Cour d'annuler ce jugement et de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige.

Sur l'étendue du litige :

2. L'administration fiscale a, par une décision du 20 décembre 2019 intervenue postérieurement à l'introduction de l'instance devant la Cour, prononcé la remise automatique, en application des dispositions de l'article 1756 du code général des impôts, des intérêts de retard et de l'amende infligée à la société Nitrente sur le fondement des dispositions de l'article 1759 du même code, au titre des années 2009 et 2010. Les conclusions de la requête aux fins de décharge de ces amendes sont donc devenues sans objet.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. D'une part, les suppléments d'impôts sur les société et le rappel de TVA pour la période correspondant à l'année 2011 résultant de la mise en oeuvre de la procédure contradictoire ayant été établis conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires, la société Nitrente, qui ne conteste pas que sa comptabilité était irrégulière et non probante, ne peut, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, obtenir la décharge ou la réduction de ces impositions qu'en apportant la preuve de leur exagération.

4. D'autre part, la société ne conteste pas la régularité de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du libre des procédures fiscales pour établir les rappels de TVA qui lui ont été notifiés au titre la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. Elle ne peut dès lors, obtenir la décharge ou la réduction de ces rappels qu'en apportant également la preuve de leur exagération par application de l'article L. 193 du même livre.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

5. La société Nitrente conteste la réintégration dans son chiffre d'affaires de celui généré, en 2010 et 2011, par l'exploitation du site internet " gboy ". Elle soutient que si son dirigeant, M. A..., lui en avait concédé, en 2006, les droits d'exploitation, il a mis unilatéralement fin à cette concession le 30 mars 2010 et a attribué, à compter du 1er avril 2010, à la société Dreamlight Media, dont il est également le dirigeant, une licence d'exploitation de ce site. La société Nitrente fait valoir qu'elle a alors conclu, le 15 mars 2010, un contrat avec la société Dreamlight Media aux termes duquel elle prend en charge l'hébergement et la modération du site " gboy " et encaisse les sommes provenant des utilisateurs de ce site pour le compte de la société Dreamlight Media. Elle soutient que cette société a une existence réelle, attestée par son immatriculation à Gibraltar, son compte bancaire, la souscription de contrats d'hébergement et d'enregistrement de noms de domaine, d'un compte développeur auprès de la société Apple et la détention de marques déposées auprès de l'Office européen de propriété intellectuelle. Pour démontrer la réalité des relations d'affaires qu'elle entretient avec la société Dreamlight Media, outre le contrat conclu le 15 mars 2010, la société Nitrente verse à l'instance diverses factures et s'appuie sur ses propres écritures comptables faisant état des flux de trésorerie entre les deux sociétés.

6. Toutefois, d'une part, la société Nitrente ne peut pas, pour établir l'exagération des impositions mises à sa charge, se prévaloir de sa comptabilité dès lors que celle-ci est, ainsi qu'il a été précédemment exposé, dépourvue de valeur probante. D'autre part, ainsi que le relève le ministre, la société Dreamlight Media ne dispose ni de moyen humain ou matériel à Gibraltar, ni de partenaires commerciaux lui permettant d'exercer une quelconque activité. En outre, le compte bancaire de la société Dreamlight est domicilié à Brighton, à l'adresse personnelle de M. A.... Les conditions générales d'utilisation du site " gboy " renvoient également à une autre adresse que celle de Gibraltar, située à Londres. Par ailleurs, la société Dreamlight n'a effectué aucune démarche en France pour désigner un représentant fiscal en application des article 289 A et 298 sexies F du code général des impôts. Les tarifs du site ne font pas référence à la TVA, alors qu'elle est exigible en France en application de l'article 259 D du code général des impôts lorsque le prestataire est établi en dehors de l'Union européenne et que le preneur non assujetti est établi en France. Enfin, il n'existe aucune trace d'échange de correspondance entre les deux sociétés. Eu égard à ces éléments, la société Nitrente ne peut être regardée comme apportant la preuve d'une activité réelle de la société Dreamlight Media. La société Nitrente encaissant sur ses comptes bancaires le chiffre d'affaires résultant de l'exploitation du site " gboy " et en l'absence de relations d'affaires avec la société Dreamlight Media, l'administration a dès lors pu, à bon droit, réintégrer dans le chiffre d'affaires de la société requérante, celui généré par l'exploitation du site " gboy ".

En ce qui concerne les rappels de TVA procédant d'une insuffisance de TVA collectée :

7. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes du 1. de l'article 266 du même code : " La base d'imposition est constituée : / a. Pour (...) les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que la société Nitrente a souscrit aux services de la société Mobiquid, qui, via son système de paiement sécurisé " Allopass ", a collecté pour le compte de la société requérante les paiements effectués par les utilisateurs des sites internet exploités par celle-ci. La société Nitrente ne conteste pas que ces paiements fussent soumis à la TVA et qu'elle devait la reverser au Trésor public, mais soutient que cette taxe a été effectivement collectée par la société Mobiquid et reversée au Trésor public, que la somme qu'elle a perçue de cette société est nette de taxe et que le Trésor public n'a, en tout état de cause, pas été lésé. Cependant, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la TVA collectée auprès des utilisateurs des sites via le système " Allopass " a été effectivement reversée au Trésor public.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nitrente SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de TVA en litige. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des intérêts de retard et de l'amende infligée à la société Nitrente en application des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Nitrente est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03006
Date de la décision : 27/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Personnes morales et bénéfices imposables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : CABINET ACHILLE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-05-27;18ve03006 ?
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