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27/05/2020 | FRANCE | N°18VE02395

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 27 mai 2020, 18VE02395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Solutions a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2012, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et en 2013.

Par une ordonnance n° 1703917, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis le dossier de s

a demande au tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 1743917 du 14 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Solutions a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2012, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et en 2013.

Par une ordonnance n° 1703917, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis le dossier de sa demande au tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 1743917 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2018, la SARL Solutions, représentée par Me Horrie, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le coût de la formation IFNOR aux déclarations uniques d'embauche ayant été exposé dans son intérêt, c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le montant de la facture correspondante ;

- le service a procédé à une analyse erronée de sa comptabilité en identifiant une écriture de charges relative aux redevances d'utilisation de la marque " Alliance Intérim " ;

- cette redevance d'utilisation présente un intérêt pour l'exercice de son activité ;

- c'est, dès lors, à tort que l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible des charges afférentes à cette redevance d'utilisation ;

- ni un quelconque manquement, ni le caractère délibéré de ce prétendu manquement ne lui étant imputables, il convient de la décharger de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer des conclusions à l'audience, en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le rapport de M. Illouz, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Solutions, qui exerce une activité d'agence de travail temporaire, a été avertie par un avis du 9 février 2015 de ce qu'elle faisait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notamment notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des deux exercices clos au cours de la période vérifiée, assortis de l'intérêt de retard, ainsi que de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. La SARL Solutions a demandé au tribunal administratif de Lille de la décharger de ces impositions supplémentaires. Cette société fait régulièrement appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, auquel le président de la section du contentieux du Conseil d'État avait transmis le dossier de sa demande, a rejeté celle-ci.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes du 1. du I. de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. ". Le 2. du III de l'article 206 à l'annexe 2 à ce code, dans sa version applicable au litige, dispose que : " Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. ".

3. Il résulte de l'instruction que le service a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé une facture IFNOR, d'un montant de 2 788 euros toutes taxes comprises, datée du 24 septembre 2012, relative à une prestation de formation d'une durée de deux jours d'un membre du personnel de la SARL Solutions à la gestion électronique des déclarations uniques d'embauche, au motif que cette prestation ne répondait à aucun besoin de l'appelante. Celle-ci se borne à produire la facture litigieuse et à faire valoir qu'il lui était nécessaire de se mettre en conformité avec une législation devant entrer en vigueur relative à l'envoi électronique des déclarations uniques d'embauche. Le ministre de l'action et des comptes publics soutient quant à lui, sans être contredit, que le fonctionnement de l'application informatique permettant cet envoi électronique, aisément prise en main par les différents salariés de la société, ne nécessitait aucune action de formation spécifique sur une durée de deux jours. C'est, par suite, à bon droit que l'administration fiscale a regardé le coût de cette formation comme n'ayant pas été exposé dans l'intérêt de la SARL Solutions pour remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le montant de la facture correspondante.

En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés :

4. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. (...) ". L'article 39 du même code dispose que : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) ".

5. En premier lieu, la SARL Solutions fait valoir que les sommes en litige, portées en charge dans ses écritures comptables, auraient été annulées par des écritures créditrices d'un montant équivalent et qu'aucune somme n'aurait, en définitive, été comptabilisée comme une charge afférente aux redevances d'utilisation de la marque " Alliance Intérim ". Il résulte cependant de l'instruction qu'au cours des opérations de vérification, le service a identifié, au titre de chacun des deux exercices vérifiés, trois écritures comptables de montants équivalents, la première, inscrite dans un compte de charges, étant extournée par une deuxième de même montant, avant qu'une troisième ne soit inscrite dans un compte distinct venant en déduction du résultat net. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait fait une analyse erronée de la comptabilité de la SARL Solutions en identifiant l'existence de telles charges manque en fait.

6. En second lieu, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité quand bien même, en raison de la procédure mise en oeuvre, il n'eût pas été, à ce titre, tenu d'apporter pareille justification. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

7. Il résulte de l'instruction que la société de droit luxembourgeois Oliver Holding SA a déposé, le 13 avril 2010, auprès de l'institut national de la propriété intellectuelle, la marque " Alliance Intérim ", dont elle est alors devenue titulaire du droit d'utilisation, avant de concéder ce droit d'utilisation à la société Séminaire Investissement SA, autre société de droit luxembourgeois, que la SARL Solutions présente comme le bénéficiaire des redevances d'utilisation versées en vertu d'une convention de sous-licence d'utilisation de la marque conclue entre elles. L'appelante se borne toutefois à faire valoir que le droit d'utilisation de la marque " Alliance Intérim " constituerait un atout pour son activité au regard de la renommée de cette marque vis-à-vis de grandes entreprises, et à produire des pièces révélant l'existence de relations commerciales entre certaines sociétés commerciales et la société Alliance, également détentrice du droit d'utilisation de la marque " Alliance Intérim ". Toutefois, ces éléments ne sont pas de nature à révéler l'utilisation effective de cette marque par la SARL Solutions, ni le bénéfice commercial que celle-ci aurait directement retiré de la détention du droit d'utilisation de celle-ci. Le ministre de l'action et des comptes publics fait en outre valoir que le droit de communication exercé par ses services a révélé que cinq des principaux clients de la société appelante n'entretenaient aucun rapport commercial avec la marque " Alliance Intérim ", dont ils n'ont fait aucune utilisation, au cours de la période vérifiée. Dès lors, la SARL Solutions ne justifie pas de l'existence d'une contrepartie qu'elle aurait retiré de la redevance d'utilisation de la marque en cause. Par suite, ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause du caractère déductible de cette charge et de sa réintégration au sein de son résultat doivent être rejetées.

Sur les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

9. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le caractère inexact des déclarations de résultat souscrites par l'appelante au titre des exercices clos en 2012 et en 2013 doit être tenu pour établi. D'autre part, le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir, ainsi qu'il a été dit au point 7, que la SARL Solutions ne justifie pas de l'utilisation effective de la marque " Alliance Intérim ". Il ajoute que cette société ne pouvait ignorer qu'elle ne faisait aucune utilisation effective de la marque pour laquelle elle a versé une redevance d'utilisation de manière répétée au cours de l'ensemble de la période vérifiée. Le ministre se prévaut, enfin, des liens étroits existant entre la SARL Solutions et les sociétés Oliver Holding SA et Séminaire Investissement SA, immatriculées au Luxembourg et percevant les redevances versées par la SARL Solutions, ces trois sociétés ayant pour actionnaires et représentants légaux des membres de la même famille. Dans ces conditions, le ministre de l'action et des comptes publics doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré du manquement déclaratif commis par l'appelante. Les conclusions de cette dernière tendant à la décharge de la majoration mise à sa charge sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts doivent, par suite, être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Solutions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Solutions est rejetée.

2

N° 18VE02395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02395
Date de la décision : 27/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Établissement de l'impôt.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : SELARL GUY FARCY - OLIVIER HORRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-05-27;18ve02395 ?
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