Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Solutions a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, en 2010 et en 2011.
Par une ordonnance du 13 février 2018, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis le dossier de sa demande au tribunal administratif de Montreuil.
Par un jugement n° 1548017 du 4 juin 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2018, la SARL Solutions, représentée par Me Horrie, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle justifie du caractère régulier, sincère et probant de sa comptabilité ;
- la redevance d'utilisation de la marque " Alliance Intérim ", régulièrement inscrite en comptabilité, présente un intérêt pour l'exercice de son activité ;
- c'est, dès lors, à tort que l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible des charges afférentes à cette redevance d'utilisation ;
- ni un quelconque manquement, ni le caractère délibéré de ce prétendu manquement ne lui étant imputables, il convient de la décharger de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer des conclusions à l'audience, en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le rapport de M. Illouz, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Solutions, qui exerce une activité d'agence de travail temporaire, a été avertie par un avis du 1er juin 2012 de ce qu'elle faisait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notamment notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de chacun des trois exercices clos au cours de la période vérifiée, résultant de la remise en cause du caractère déductible de charges relatives aux redevances d'utilisation de la marque " Alliance Intérim ", assorties de l'intérêt de retard, ainsi que de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. La SARL Solutions a demandé au tribunal administratif de Lille de la décharger de ces impositions. Cette société fait régulièrement appel du jugement du 4 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, auquel le président de la section du contentieux du Conseil d'État avait transmis le dossier de sa demande, a rejeté celle-ci.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. (...) ". L'article 39 du même code dispose que : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) ".
3. En premier lieu, s'il résulte de l'instruction que le service a estimé que la comptabilité des exercices vérifiés était irrégulière, dépourvue de caractère probant et ne pouvait être tenue pour sincère, le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir qu'aucune conséquence n'en a été tirée s'agissant des rehaussements en litige. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale n'a en effet ni dressé de procès-verbal de rejet de la comptabilité de la SARL Solutions, ni procédé à la reconstitution de son résultat. Si elle s'est fondée, parmi d'autres éléments, sur certaines incohérences dans la comptabilisation de la charge en litige, dont le caractère déductible est examiné au point 5 du présent arrêt, pour remettre en cause cette déductibilité, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à révéler que ce rehaussement serait fondé sur le rejet dans son ensemble de la comptabilité de l'appelante par le service vérificateur. Le moyen tiré de ce que cette comptabilité présenterait un caractère régulier, sincère et probant doit, dès lors, être écarté comme inopérant.
4. En second lieu, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, quand bien même, en raison de la procédure mise en oeuvre, il n'eût pas été, à ce titre, tenu d'apporter pareille justification. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
5. Il résulte de l'instruction que la société de droit luxembourgeois Oliver Holding SA a déposé le 13 avril 2010 auprès de l'institut national de la propriété intellectuelle la marque " Alliance Intérim ", dont elle est alors devenue titulaire du droit d'utilisation, avant de concéder ce droit d'utilisation à la société Séminaire Investissement SA, autre société de droit luxembourgeois, que la SARL Solutions présente comme le bénéficiaire des redevances d'utilisation versées en vertu d'une convention de sous-licence d'utilisation de la marque conclue entre elles. Le service vérificateur a constaté qu'en dépit de la comptabilisation de cette redevance comme une charge au cours de chacun des exercices vérifiés, aucun règlement effectif des sommes correspondantes n'est intervenu. L'appelante ne verse aux débats aucun élément de nature à attester de la réalité de ces versements, circonstance qu'il lui appartient d'établir pour justifier du caractère déductible des sommes portées en charges au titre de chacun des trois exercices vérifiés, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle tienne une comptabilité d'engagement. Par ailleurs, la SARL Solutions se borne à faire valoir que le droit d'utilisation de la marque " Alliance Intérim " constituerait un atout pour son activité au regard de la renommée de cette marque vis-à-vis de grandes entreprises, et à produire des pièces révélant l'existence de relations commerciales entre certaines sociétés commerciales et la société Alliance, également détentrice du droit d'utilisation de la marque " Alliance Intérim ". Toutefois, ces éléments ne sont pas de nature à révéler l'utilisation effective de cette marque par la SARL Solutions, ni le bénéfice commercial que celle-ci aurait directement retiré de la détention du droit d'utilisation de celle-ci. Enfin, les copies de captures d'écran qu'elle verse aux débats ne sont pas de nature à établir que la détention de ce droit lui aurait personnellement octroyé un droit d'accès au réseau intranet du groupe Alliance. Dès lors, la SARL Solutions ne justifie ni du montant de la charge en cause, ni de l'existence d'une contrepartie qu'elle en aurait retirée.
Sur les pénalités :
6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
7. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le caractère inexact des déclarations de résultat souscrites par l'appelante au titre des exercices clos en 2009, en 2010 et en 2011 doit être tenu pour établi. D'autre part, le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir, ainsi qu'il a été dit au point 5, que la SARL Solutions ne justifie pas de l'utilisation effective de la marque " Alliance Intérim ". Il ajoute que cette société, qui a porté en charges la redevance d'utilisation de cette marque dès l'exercice clos en 2009, ne pouvait ignorer qu'elle était dans l'impossibilité d'utiliser cette marque avant son dépôt à l'institut national de la propriété intellectuelle par la société Oliver Holdings SA le 13 avril 2010, que les montants de ces redevances portées en charges ont excédé ceux contractuellement stipulés avec la société Séminaire Investissement SA, et que l'inscription de ces redevances au compte n° 611 " sous-traitance " révèle sa volonté de dissimuler la nature véritable de celles-ci. En se bornant à produire une attestation d'un expert-comptable indiquant que l'administration fiscale aurait cru déceler certaines écritures comptables pourtant inexistantes, alors que celles-ci sont reproduites dans la proposition de rectification, la SARL Solutions ne conteste pas sérieusement la pertinence des différents éléments avancés par le ministre de l'action et des comptes publics, lesquels ne reposent au demeurant pas exclusivement sur des constatations d'ordre comptable. Dans ces conditions, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré du manquement déclaratif commis par l'appelante. Les conclusions de cette dernière tendant à la décharge de la majoration mise à sa charge sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts doivent, par suite, être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Solutions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Solutions est rejetée.
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N° 18VE02376