Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Acrex Intérim a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013, pour un montant total de 203 559 euros.
Par un jugement n° 1742283 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée les 12 juillet 2018, la SARL Acrex Intérim, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en doit et pénalités, des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- les frais versés au titre des redevances de marque sont déductibles dès lors qu'elle tire un intérêt de l'exploitation de la marque " Alliance Intérim ", dont témoigne l'augmentation constante de son chiffre d'affaire sur la période en litige ;
- les frais de mise à disposition du personnel par les sociétés Alliance Gestion, Séminaire Investissement, Cash Emploi et GIE sont également déductibles dès lors que ces prestations ont effectivement été réalisées pour son compte ;
- les pénalités pour manquement délibéré et les intérêts de retard sont injustifiées.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Acrex Intérim exerce une activité de mise à disposition de personnel et de travail intérimaire. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment estimé que la société avait déduit à tort des charges en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts au titre des années 2011, 2012 et 2013. En conséquence, par une proposition de rectification du 16 décembre 2014, elle a notifié à cette SARL des rappels d'impôts sur les sociétés au titre de ces trois années, à hauteur de 203 550 euros, en droits et pénalités. La société Acrex Intérim fait appel du jugement du 16 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant [...] notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, [...] ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
3. En premier lieu, pour justifier le montant et la contrepartie de la redevance de marque " Alliance Intérim " versée à la société Séminaire Investissement SA, la SARL Acrex Intérim produit une convention de cession de marque signée le 4 mai 2010 entre la SA Oliver Holding et la société Séminaire Investissement, le contrat de sous licence de la marque " Alliance Intérim " signé le 5 décembre 2011 entre la SARL Acrex Intérim et la société Séminaire Investissement, qui prévoit une entrée en vigueur rétroactive au 1er janvier 2011, et l'établissement d'une redevance établie à 1,5 % du chiffre d'affaire hors taxe de la SARL, ainsi que deux graphiques illustrant une évolution du chiffre d'affaires et du résultat net de la société entre 2011 et 2014, une plaquette informative sur le " réseau Alliance " et des extraits d'accords conclus entre la société " Alliance Intérim " et diverses sociétés. Toutefois, elle ne produit aucune facture, et aucun de ces éléments ne permet de justifier de son utilisation de la marque " Alliance Intérim ", dans ses relations avec les tiers. Par suite, les pièces produites par la SARL Acrex ne permettent d'établir ni la nature, ni le montant effectivement acquitté au titre de la redevance de la marque " Alliance Intérim ", pas plus qu'elles ne permettent de justifier de la contrepartie que la société a retirée de l'utilisation de cette marque. Dès lors, les sommes que la société aurait exposées à ce titre ne sauraient être regardées comme des charges déductibles de son bénéfice net.
4. En deuxième lieu, pour justifier la déductibilité des dépenses correspondant à la mise à disposition de personnel par les sociétés Alliance Gestion et Séminaire Investissement, lesdites sociétés étant détenues à parts variables par les membres de la même famille, et la dernière possédant également 90 % des parts de la SARL Acrex Intérim, la requérante produit les contrats de prestation signés avec ces deux sociétés en 2012 pour la société Alliance Gestion et en 2013 pour la société Séminaire Investissement, ainsi qu'un " rapport d'activité du suivi des équipes Acrex 2013, réalisé par Alliance gestion ", qui liste sur une feuille blanche ne comportant ni en-tête, ni date, ni signature, une liste d'actions mensuelles qui auraient été menées en 2013. Ces seuls documents sont insuffisants pour établir la réalité des prestations qui auraient été fournies en application de ces conventions de prestation de service. Il en va de même des deux factures versées au dossier par l'administration, obtenues dans le cadre de l'assistance administrative exercée auprès des autorités luxembourgeoises. Ces deux factures, qui portent le même numéro, ont été établies le même jour, pour un même montant, par la société Alliance Gestion et par la société Séminaire Investissement au titre des prestations qui auraient été réalisées en 2013. Dans ces conditions, les sommes versées aux sociétés Alliance Gestion et Séminaire Investissement au titre des prestations de mise à disposition de personnel ne sauraient être analysées comme constituant des charges déductibles du bénéfice net.
5. En troisième lieu, pour justifier la déductibilité des dépenses de mise à disposition de personnel par la société Cash Emploi, qui est détenue à 25 % par la société Séminaire Investissement, laquelle est l'actionnaire majoritaire de la SARL Acrex Intérim à compter de juin 2013, et à 26 % par la personne qui était actionnaire majoritaire de la SARL avant juin 2013, la SARL Acrex Intérim verse une facture correspondant au montant dû pour le recrutement, pour le compte de la SARL, de 275 intérimaires au titre de l'année 2013, ainsi qu'une liste des personnes recrutées avec l'indication de la nature des tâches auxquelles elles ont été affectées. Le ministre fait cependant valoir, sans être contredit, que cette liste ne mentionne que 274 personnes et que 10 d'entre elles n'ont pas été salariées par la SARL Acrex Intérim au cours de l'année 2013. Par suite, en s'abstenant de produire tout autre élément de nature à justifier de la réalité des prestations facturées au titre de l'année 2013 par la société Cash Emploi, la société requérante ne peut être regardée comme établissant le caractère de charge déductible des sommes au titre de la mise à disposition de personnel par la société Cash Emploi.
6. En quatrième lieu, pour justifier la déductibilité des dépenses de mise à disposition de personnel par la société GIE, dont il résulte de l'instruction que sa gérante est la même que celle de la SARL ACREX et que cette-dernière détient, en outre, 15 % du capital social de cette société, la société requérante produit une facture établie par la société GIE le 31 décembre 2013 au titre de " l'intervention de M. C... ", dans le cadre d'un " forfait 4 jours par mois ", ainsi que des " rapports d'activité " mensuels établis par ce dernier. Le ministre fait toutefois valoir, sans être contredit, que ces prestations d'audit recoupent celles qui sont censées avoir été délivrées par les sociétés Alliance Gestion et Séminaire Investissement au cours de la même période, alors même que les salariés de la société Acrex ont indiqué lors des opérations de contrôle ne pas avoir été audités, et que la convention de mise à disposition de personnel signée entre la SARL Acrex Intérim et la société GIE prévoit une facturation établie en fonction du chiffre d'affaires de la société. Par suite, les sommes versées par la société requérante à la société GIE au titre de la mise à disposition de personnel ne sauraient être regardées comme constituant des charges déductibles du bénéfice net.
Sur les pénalités :
7. Si la SARL Acrex Intérim conteste la mise à sa charge des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts et de la pénalité pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 de ce même code, elle se borne à soutenir qu'elle a toujours mis à disposition du service l'ensemble de ses documents comptables et qu'elle a produit une explication des incohérences comptables réalisée par un comptable, expert auprès des tribunaux. Toutefois, d'une part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les intérêts de retard sont automatiquement appliqués aux sommes exigibles qui n'ont pas été acquittées dans le délai légal. D'autre part, en invoquant avec précision les nombreuses incohérences dont sont empreintes les écritures comptables de la société requérante, les montants en cause et les liens entre la société requérante et les sociétés avec lesquelles elle a conclu des contrats de prestation de service, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère délibéré des manquements observés. Les seules pièces comptables produites et mises à la disposition de l'administration sont insuffisantes pour remettre en cause l'appréciation portée sur les manquements relevés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Acrex Intérim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Acrex Intérim est rejetée.
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N° 18VE02364