Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le proviseur du lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres sur la demande indemnitaire formée le 6 mars 2015, de condamner le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres à lui verser une somme globale de 23 753,56 euros en réparation des préjudices financier et moral subis en raison de l'illégalité de la décision de non-renouvellement de son contrat de travail et de mettre à la charge du lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens de l'instance.
Par un jugement n° 1505691 du 19 décembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février et 19 août 2018, M. D... C..., représenté par Me A..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres à lui verser les sommes de 13 753,56 euros en réparation de son préjudice financier et de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
3° de mettre à la charge du lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 11 mai 2015 ne présente pas de caractère confirmatif car le courrier du 13 décembre 2010 ne constitue pas une décision ; la Cour administrative d'appel de Versailles, dans son arrêt du 22 janvier 2015, a estimé qu'il n'avait formé aucune demande indemnitaire préalable en 2010 ; dans ces conditions, le proviseur du lycée Jean-Pierre Vernant ne peut avoir rejeté une demande indemnitaire inexistante ;
- les circonstances de fait et de droit avaient évolué entre 2010 et 2015 ;
- la confirmation du jugement attaqué conduirait à un déni de justice ;
- l'administration a commis une faute engageant sa responsabilité ;
- son préjudice financier correspond aux douze mois de salaire qu'il aurait pu percevoir du 1er septembre 2009 au 31 août 2010, soit la somme de 13 753,56 euros ; son préjudice moral peut être évalué à la somme de 10 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée par l'ordonnance n° 2020-405 du 8 avril 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,
- les observations de Me A..., pour M. C... et de Me B..., pour le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., qui a exercé les fonctions d'assistant d'éducation au lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres jusqu'au 31 août 2009, fait appel du jugement en date du 19 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait du non-renouvellement de son contrat pour l'année scolaire 2009/2010.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a adressé au proviseur du lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres un courrier le 18 juin 2010 indiquant qu'il ne pourrait " accepter dès lors qu'une décision réparant le préjudice qui [lui] a été causé " et qu'il a contesté devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, puis devant la Cour administrative d'appel de Versailles la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur cette demande. Par un jugement du 18 avril 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande au motif que les conclusions indemnitaires n'étaient assorties d'aucune précision ou justification permettant d'établir l'existence des préjudices allégués et du lien de causalité. Sur appel formé par M. C..., la Cour de céans a, par un arrêt du 22 janvier 2015, annulé le jugement et rejeté la demande du requérant au motif que le courrier du 18 juin 2010 ne pouvait pas être regardé comme une demande indemnitaire préalable, qu'il n'avait pu faire naître aucune décision implicite de rejet et qu'en l'absence de liaison du contentieux, la demande présentée devant le tribunal administratif était irrecevable.
3. M. C... a adressé un nouveau courrier au proviseur du lycée le 16 octobre 2010 dans lequel il précise demander la réparation de son préjudice matériel, à hauteur des salaires de l'année scolaire 2009/2010 et de son préjudice moral. Par un courrier daté du 6 mars 2015,
M. C... a de nouveau adressé une demande indemnitaire en réparation des préjudices découlant du refus de renouvellement de son contrat et a contesté la décision implicite de rejet née le 11 mai 2015 du silence gardé par le proviseur du lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres. Par le jugement contesté du 19 décembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande au motif que, par une décision expresse du 13 décembre 2010, la directrice du lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres avait rejeté la demande indemnitaire préalable du 16 octobre 2010 et que la décision implicite du proviseur du Lycée Jean-Pierre Vernant, née le 11 mai 2015 présentait ainsi le caractère d'une décision purement confirmative de la décision du
13 décembre 2010. Toutefois, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la décision du 13 décembre 2010, dépourvue de la mention des voies et délais de recours, n'est pas devenue définitive et ne peut donc faire obstacle à la recevabilité des conclusions de M. C... dirigées contre la décision née le 11 mai 2015.
4. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi et à demander pour ce motif l'annulation du jugement du 19 décembre 2017.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. C... devant le tribunal administratif.
Sur l'autorité de la chose jugée :
6. Le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres soutient que la demande indemnitaire de
M. C..., présentée le 6 mars 2015, se heurte à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du 22 janvier 2015. Toutefois, dans cet arrêt, la Cour a seulement constaté, d'une part, que le courrier du 18 juin 2010 ne pouvait être qualifié de demande indemnitaire préalable et, d'autre part, que les conclusions présentées sur le fondement de l'existence d'un refus implicite suite au courrier du 16 octobre 2010 sont nouvelles en appel et par suite irrecevables. Dans ces conditions, l'exception de chose jugée ne s'oppose pas à ce que la Cour de Céans examine le bien-fondé de la nouvelle demande indemnitaire de
M. C....
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses, si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service.
8. Il résulte de l'instruction qu'à compter du 8 septembre 2004, M. C... avait signé plusieurs contrats avec le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres prévoyant qu'ils pourraient être renouvelés dans la limite de six années, soit jusqu'en septembre 2010. Toutefois, il est constant que c'est à la suite d'une erreur matérielle que le proviseur a indiqué en juin 2009 qu'il n'était pas possible de reconduire le contrat dès lors que M. C... " arrivait en fin de contrat d'assistant d'éducation (2 x 3 ans) " et qu'il a été mis fin aux fonctions du requérant en septembre 2009 alors qu'il était de la commune intention du requérant et de son employeur de renouveler le contrat jusqu'à l'échéance de la période de six ans. Dans ces conditions, dès lors qu'il ressort sans ambiguïté des pièces du dossier que le non-renouvellement du contrat du requérant n'était pas justifié par l'intérêt du service et que ce contrat aurait été reconduit en l'absence de cette erreur de calcul, M. C... est fondé à soutenir que l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
9. Le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres souligne que M. C... n'a pas émis de réserve, ni de contestation lors du non-renouvellement de son contrat. Toutefois, il ne saurait être fait grief au requérant de ne pas avoir réagi dès lors que le dernier contrat de M. C..., qui était employé par le lycée depuis 1978, avait été conclu pour une durée d'un an pour l'année scolaire 2008/2009 et se bornait à indiquer " le présent contrat peut être renouvelé dans la limite d'une période d'engagement de six ans " sans préciser le terme de cette période de six années. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. C... aurait lui-même confirmé ou acquiescé au calcul opéré par le proviseur du lycée.
10. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises.
11. Compte tenu de l'ancienneté de l'intéressé, qui avait précédemment exercé les fonctions de maître de demi-pension de 1978 à 2004 au sein de l'établissement, de sa rémunération nette mensuelle de 1 127,09 euros nets à la date du non-renouvellement de son contrat et des conditions de son éviction, il sera fait une juste appréciation de son préjudice financier et de son préjudice moral en les évaluant respectivement à la somme de 8 000 euros et à la somme de 2 000 euros.
12. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler la décision implicite de rejet de la demande indemnitaire de M. C... du 6 mars 2015 et de condamner le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres à verser à M. C... une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis, tous intérêts compris au jour du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres le versement d'une somme de 2 000 euros à M. C... sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1505691 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : Le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres est condamné à verser à M. C... la somme de 10 000 euros, tous intérêts compris au jours du présent arrêt.
Article 3 : Le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres versera la somme de 2 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 18VE00559