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22/04/2020 | FRANCE | N°18VE04226

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 22 avril 2020, 18VE04226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... J... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 26 octobre 2017 par laquelle le préfet des Yvelines a ordonné de procéder sans délai aux perquisitions de son appartement situé avenue Joseph Kessel à Montigny-le-Bretonneux et de son véhicule.

Par un jugement n° 18000951 du 15 juin 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2018, M. J..., représent

é par Me Kempf, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision ordonnant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... J... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 26 octobre 2017 par laquelle le préfet des Yvelines a ordonné de procéder sans délai aux perquisitions de son appartement situé avenue Joseph Kessel à Montigny-le-Bretonneux et de son véhicule.

Par un jugement n° 18000951 du 15 juin 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2018, M. J..., représenté par Me Kempf, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision ordonnant les perquisitions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée en fait, dès lors qu'il n'est pas précisé les motifs ayant présidé au choix de la date de la perquisition ;

- il ne présente aucune menace pour l'ordre et la sécurité publics au 26 octobre 2017 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;

- la loi n° 2017-1154 du 11 juillet 2017 ;

- le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;

- le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. I...,

- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Yvelines a, par une décision du 26 octobre 2017, ordonné les perquisitions du logement de M. J..., situé avenue Joseph Kessel à Montigny-le-Bretonneux et de son véhicule de marque Citroën. M. J... relève appel du jugement du 15 juin 2018 par lequel le ribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. L'état d'urgence a, en application de la loi du 3 avril 1955 modifiée, été déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015, à compter du même jour à zéro heure, sur le territoire métropolitain. Il a été, en dernier lieu, prorogé par l'article 1er de la loi du 11 juillet 2017 jusqu'au 1er novembre 2017. Le II de cet article précise que la prorogation " emporte, pour sa durée, application du I de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ". Aux termes de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence : " I. - Le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peut, par une disposition expresse, conférer aux autorités administratives mentionnées à l'article 8 le pouvoir d'ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile (...), lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. / La décision ordonnant une perquisition précise le lieu et le moment de la perquisition. La perquisition ne peut avoir lieu entre 21 heures et 6 heures, sauf motivation spéciale de la décision de perquisition fondée sur l'urgence ou les nécessités de l'opération. Le procureur de la République territorialement compétent est informé sans délai de cette décision. La perquisition est conduite en présence d'un officier de police judiciaire territorialement compétent. Elle ne peut se dérouler qu'en présence de l'occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins. Lorsqu'une perquisition révèle qu'un autre lieu répond aux conditions fixées au premier alinéa du présent I, l'autorité administrative peut en autoriser par tout moyen la perquisition. Cette autorisation est régularisée en la forme dans les meilleurs délais. Le procureur de la République en est informé sans délai ".

3. En premier lieu, les décisions qui ordonnent des perquisitions sur le fondement de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 présentent le caractère de décisions administratives individuelles défavorables qui constituent des mesures de police. Elles doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. La motivation exigée par ces dispositions doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit, ainsi que des motifs de fait faisant apparaître les raisons sérieuses qui ont conduit l'autorité administrative à penser que le lieu visé par la perquisition est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Dès lors que la perquisition est effectuée dans un cadre de police administrative, il n'est pas nécessaire que la motivation de la décision qui l'ordonne fasse état d'indices d'infraction pénale. Le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié en tenant compte des conditions d'urgence dans lesquelles la perquisition a été ordonnée, dans les circonstances exceptionnelles ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Outre l'énoncé de ses motifs, la décision qui ordonne une perquisition doit, en vertu des dispositions expresses de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955, porter mention du lieu et du moment de la perquisition. L'indication du lieu a pour objet de circonscrire les locaux devant être perquisitionnés de façon à permettre de les identifier de façon raisonnable. Le moment indiqué dans la décision est celui à compter duquel la perquisition peut être mise à exécution, en fonction des contraintes opérationnelles. Si la loi prévoit que doit être indiqué le moment de la perquisition, elle n'impose pas que la décision, par une motivation spéciale, fasse apparaître les raisons qui ont conduit à retenir ce moment.

4. En l'espèce, la décision attaquée indique que M. J... a été identifié comme membre de la mouvance islamiste radicale de Trappes et est connu pour ses liens réguliers avec des individus notoires de cette mouvance, notamment MM. A... H... et E... L..., facilitateurs présumés de départs de candidats au djihad, ainsi qu'avec M. N... O..., ex-membres du réseau terroriste " Ansar Al Fath ", expulsé vers l'Algérie en 2015. La décision contestée précise que M. J... est en relation avec des combattants djihadistes sur zone, en particulier M. C... G..., qui a rejoint la Syrie en 2013, ainsi qu'avec MM. M... F..., K... F... et D... B..., qui ont fait l'objet d'arrêtés ministériels d'expulsion pris en urgence absolue le 17 août 2017 et mis en oeuvre le 24 août 2017, au regard de la gravité de la menace pour l'ordre et la sécurité publics que représentait leur présence sur le territoire national au vu de leurs comportements apparaissant comme liés à des activités à caractère terroriste. La décision précise enfin qu'au regard de investigations menées, M. J... semble adhérer à l'idéologie djihadiste de l'Etat Islamique et qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il fréquente depuis peu le logement situé avenue Joseph Kessel à Montigny-le-Bretonneux, ce qui le rapproche ipso facto de Trappes et du foyer connu de la mouvance pro-djihadiste. La décision précise enfin qu'il sera procédé à la perquisition " sans délai " du logement fréquenté par M. J..., le cas échéant de ses dépendances, ainsi qu'au véhicule de l'intéressé, dont la marque et l'immatriculation sont précisées. Dans le contexte de l'état d'urgence pendant lequel elle a été édictée, cette décision est suffisamment motivée.

5. En second lieu, il appartient au juge administratif d'exercer un entier contrôle sur le respect de la condition posée par l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 modifiée pour ordonner une perquisition, afin de s'assurer que la mesure ordonnée était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, dans les circonstances particulières qui ont conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Ce contrôle est exercé au regard de la situation de fait prévalant à la date à laquelle la mesure a été prise, compte tenu des informations dont disposait alors l'autorité administrative, sans que des faits intervenus postérieurement, notamment les résultats de la perquisition, n'aient d'incidence à cet égard.

6. En l'espèce, le préfet des Yvelines s'est fondé sur une note blanche des services du renseignement, qui a été versée au dossier en première instance le 17 avril 2018 et soumise au débat contradictoire. Cette note fait notamment état, de manière précise et circonstanciée, des relations que M. J... entretient avec MM. H..., L..., B... et les frères F.... Elle précise en outre que l'intéressé a été mis en cause avec ces personnes dans le cadre d'une enquête préliminaire diligentée du chef d'association de malfaiteurs terroriste avant d'être libéré, qu'il semble adhérer à l'idéologie djihadiste et est soupçonné de s'impliquer, à titre personnel, dans une filière d'acheminement de combattants djihadistes. M. J... ne conteste pas connaître ces individus, et se borne à soutenir qu'il s'agit de simples connaissances rencontrées lors de sa scolarité ou de son voisinage, sans fournir d'éléments suffisamment circonstanciés de nature à infirmer le contenu de cette note. Il résulte de ce qui précède que, dans le contexte de l'état d'urgence créé par la survenance sur le territoire national d'actes terroristes d'une extrême gravité et compte tenu des informations précitées dont disposaient alors les autorités de police, le préfet des Yvelines a pu, à la date à laquelle il s'est prononcé, sans commettre d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation, estimer que M. J... pouvait constituer une menace pour la sécurité et l'ordre publics justifiant une perquisition de son domicile et de son véhicule, ladite mesure étant adaptée, nécessaire et proportionnée. La circonstance, à la supposer établie, que M. J... ne connaîtrait pas M. O... et G... est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Yvelines n'aurait pas pris la même décision en se fondant sur les seules relations de l'intéressé avec MM. H..., L..., B... et F....

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. J... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. J... est rejetée.

N° 18VE04226 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04226
Date de la décision : 22/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-06-01 Police. Aggravation exceptionnelle des pouvoirs de police. État d'urgence.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : KEMPF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-04-22;18ve04226 ?
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