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10/03/2020 | FRANCE | N°16VE01598

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 10 mars 2020, 16VE01598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite du ministre du travail de rejet du recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine en date du 12 juillet 2012 autorisant son licenciement pour motif économique, ensemble la décision de l'inspecteur du travail en date du 12 juillet 2012.

Par un jugement n°1301583 du 31 mars 2016 le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 mai 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite du ministre du travail de rejet du recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine en date du 12 juillet 2012 autorisant son licenciement pour motif économique, ensemble la décision de l'inspecteur du travail en date du 12 juillet 2012.

Par un jugement n°1301583 du 31 mars 2016 le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 mai 2016, et un mémoire enregistré le 10 mai 2019, M. C..., représenté par Me Brun, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du 31 mars 2016 ;

2° d'annuler la décision implicite du ministre du travail de rejet du recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine en date du 12 juillet 2012 autorisant son licenciement pour motif économique, ensemble la décision de l'inspecteur du travail en date du 12 juillet 2012 ;

3° de condamner l'État à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'inspecteur du travail n'a pas opéré un contrôle du respect de l'obligation légale de reclassement au motif qu'il appartenait au mandataire de rechercher un reclassement éventuel au sein des sociétés détenant des participations financières au sein de la société holding financière SERNAM et notamment de l'actionnaire majoritaire Butler Capital Partners ainsi que des autres sociétés du groupe ;

- l'inspecteur du travail n'a pas opéré un contrôle du respect de l'obligation conventionnelle de reclassement.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... occupait à la société Sernam Services les fonctions "de chef de quai" et occupait un mandat de délégué du personnel titulaire. La SERNAM, pionnière dans le transport de colis et bagages express en France, a été privatisée en 2005. Le groupe SERNAM qui en est issu se compose d'une société par actions simplifiées, la Financière SERNAM détenue à plus de 80% par le fond d'investissement Butler Capital, qui a une activité de holding, et deux sociétés détenues à 100 % par la holding, SERNAM Services, d'une part, qui employait 1 385 salariés pour les activités le groupage, d'affrètement et de transport routier et la société ASTER, d'autre part, qui employait 140 salariés pour une activité de sous-traitante de transport routier au profit de la précédente. Le groupe exploitait son activité via un réseau composé de 49 agences et 9 hubs répartis sur le territoire national. Suite à des difficultés financières, les sociétés Financière SERNAM et SERNAM Services ont été placées en redressement judiciaire par jugement du 31 janvier 2012 du Tribunal de commerce de Nanterre, et la société Aster a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 3 février 2012 du même tribunal. Par un jugement du 13 avril 2012, le tribunal a acté la cession d'une partie de l'activité de la société SERNAM SERVICES aux sociétés Calberson et BMVIROLLE appartenant au groupe Calberstone SAS avec reprise d'environ 600 salariés et a autorisé le licenciement des 750 autres. Le liquidateur et l'administrateur judiciaires ont fait homologuer par la direction régionale entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (DIRECCTE) un plan de sauvegarde de l'emploi en ce sens. Puis il a sollicité auprès de cette même administration, par lettre du 31 mai 2012, l'autorisation de licencier pour motif économique les salariés non repris, dont MM. C..., A... et D... qui étaient employés par contrats à durée indéterminée et détenaient des mandats de syndicats qui en faisaient des salariés protégés. Le poste de M. C... relève d'une catégorie professionnelle dans son intégralité non reprise par la société Calberson. Par un courrier en date du 31 mai 2012, l'administrateur judiciaire a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de M. C.... Par une décision en date du 12 juillet 2012, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine a autorisé le licenciement de M. C... pour motif économique. Par un courrier en date du 4 septembre 2012, M. C... a formé un recours hiérarchique contre la décision autorisant son licenciement auprès du ministre du travail. Ce dernier ayant gardé le silence pendant 4 mois, une décision implicite de rejet est née le 5 janvier 2013. M. C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, la décision implicite du ministre du travail de rejet du recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine en date du 12 juillet 2012 autorisant son licenciement pour motif économique, et, d'autre part, la décision de l'inspecteur du travail en date du 12 juillet 2012. Par un jugement du 31 mars 2016, ce tribunal a rejeté sa requête. M. C... relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière, y compris lorsque l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement ou en cas de liquidation judiciaire, et de s'assurer que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire.

3. En premier lieu, M. C... soutient que c'est à tort que l'inspecteur du travail n'a pas relevé un manquement, par l'employeur, à l'obligation légale de reclassement posée par l'article L.1233-4 du code du travail, dès lors que le mandataire n'a effectué aucune recherche de reclassement dans les sociétés détenant des participations financières au sein de la société holding Financière Sernam et notamment de l'actionnaire majoritaire Butler Capital Partners.

4. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".

5. Les possibilités de reclassement offertes au salarié doivent être contrôlées par l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique, dans le cas d'une société appartenant à un groupe, au niveau de ce groupe. Un tel groupe est constitué des seules entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Notamment, ni la détention d'une partie du capital de la société employeur par d'autres sociétés, ni la détention indirecte par un groupe bancaire d'une participation dans le capital d'une société au moment où elle rachète la société employeur n'impliquent, à elles seules, la possibilité d'effectuer entre elles la permutation de tout ou partie de leur personnel et ne caractérise pas l'existence d'un groupe au sein duquel le reclassement devait s'effectuer.

6. Il ressort des pièces du dossier que la société Sernam Services était une filiale à 100 % de la holding Financière Sernam, cette dernière société étant elle-même une filiale à 83,32 % du fonds d'investissement Butler Capital Partners, à 10,76 % de la société PHC Management et à 8,62 % de la société Managers Sernam. Cette prise de participation du fonds d'investissement Butler Capital Partners, à elle seule, n'implique pas, la possibilité d'effectuer avec la société Sernam Services la permutation de tout ou partie des personnels et ne caractérise pas l'existence d'un groupe au sein duquel le reclassement devait s'effectuer. Au contraire, il ressort des pièces du dossier que ces entreprises présentaient une organisation, et des activités ne permettant pas d'y effectuer la permutation de tout ou partie des personnels. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que la société avait satisfait à son obligation légale de reclassement.

7. En deuxième lieu, l'administration vérifie, notamment, sous le contrôle du juge, que l'effort de reclassement mené par l'employeur a été effectif et sérieux et que les offres proposées par l'employeur sont concrètes, précises et personnalisées. L'employeur doit rechercher des emplois disponibles, de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à l'évolution de leur emploi.

8. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la société Financière SERNAM était en redressement judiciaire et n'employait aucun salarié, et que la société ASTER était en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité dont il a été mis fin le 7 mai 2012. Toutefois, des emplois maintenus pour les besoins de la liquidation de l'activité, après la mise en liquidation judiciaire d'une société, ne sont pas des emplois disponibles pour des reclassements. D'autre part, une recherche de poste a été faite au sein de la société Eurodis GMBH, seule filière étrangère, avec un seul poste identifié, mais nécessitant de parler allemand et des connaissances en comptabilité, toutes compétences non détenues par les trois salariés. Enfin, les sociétés financières d'investissement ne pouvaient être regardées comme faisant partie du groupe et il n'y avait donc pas à rechercher les possibilités de reclassement en leur sein ou dans les autres sociétés dans lesquelles elles auraient des participations. Il en résulte donc que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que la société avait satisfait à son obligation légale de reclassement.

9. En troisième lieu, M. C... soutient que l'inspecteur du travail n'a pas contrôlé si l'employeur avait respecté son obligation conventionnelle de reclassement prévu par l'accord interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi, qui prévoit notamment la saisie des commissions paritaires de l'emploi compétentes et que ces commissions s'efforcent d'élaborer un plan comportant des propositions de reclassement ou de formation, dès lors que la commission paritaire de l'emploi et le comité d'entreprise n'ont pas été saisis en même temps.

10. Aux termes de l'article 1er de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi : " En vue de contribuer à améliorer la situation de l'emploi, les parties signataires décident que des commissions paritaires de l'emploi devront être instituées avant le 31 mai 1969 dans les différentes professions. ". L'article 2 de ce texte dispose que " Les commissions paritaires de l'emploi seront constituées au niveau national dans chaque profession ou groupe de professions. Les commissions nationales professionnelles ainsi créées auront la faculté de mettre en place des commissions régionales professionnelles dans les régions où la densité d'une profession le rendrait possible et souhaitable. Dans le cas où l'institution d'une commission nationale professionnelle se heurterait à des difficultés tenant aux structures de la profession, des commissions régionales professionnelles devront être constituées. ". Enfin, aux termes de l'article 15 dudit accord " Lorsqu'une entreprise est amenée à envisager un licenciement collectif d'ordre économique, elle doit : - s'efforcer de réduire autant qu'il est possible le nombre des licenciements ; - utiliser les possibilités offertes à cet égard par une politique de mutations internes soit à l'intérieur de l'établissement concerné, soit d'un établissement à un autre établissement de l'entreprise ; - mettre à l'étude les suggestions présentées par le comité d'entreprise ou d'établissement en vue de réduire le nombre des licenciements. Dans la mesure où des solutions satisfaisantes ne pourraient intervenir au plan de l'entreprise, les commissions paritaires de l'emploi compétentes seront saisies. ".

11. Les clauses conventionnelles prévoyant des règles de procédure s'imposent, sous le contrôle du juge, à l'administration du travail. Pour juger remplie une obligation conventionnelle de reclassement, l'employeur doit avoir informé la commission paritaire territoriale de l'emploi, saisie suffisamment en amont des demandes d'autorisation administrative de licenciement auprès de l'inspecteur du travail, de sa cessation d'activité ou de son projet de licenciement. Une telle commission doit s'être engagée à recenser auprès de ses adhérents les offres d'emploi disponibles, à diffuser les candidatures des salariés licenciés auprès des recruteurs.

12. Il ressort des pièces du dossier que la société employeur a adressé le 12 avril 2012 un courrier à l'attention de la commission nationale paritaire professionnelle de l'emploi et de la formation professionnelles des transports routiers CNPE UFT ainsi qu'à l'ensemble des fédérations d'employeurs comme en attestent les copies des différents courriers communiquées dans le cadre de la présente instance par l'administrateur judiciaire et le liquidateur. Ces organismes ont participé à l'accord intervenu le 3 avril 2013 en prenant des engagements d'action précis. Notamment, l'OPCA a financé de nombreuses formations et une cellule de reclassement dédiée a été mise en place avec l'aide des fédérations d'employeurs dès avant les licenciements. Les demandes d'autorisation de licenciement ont été faites le 31 mai 2012, soit un mois et demi après la saisine de la commission et des fédérations. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail n'aurait pas opéré un contrôle du respect de l'obligation conventionnelle de reclassement.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement litigieux, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite du ministre du travail de rejet du recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine en date du 12 juillet 2012 autorisant son licenciement pour motif économique, et de la décision de l'inspecteur du travail en date du 12 juillet 2012.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

N°16VE01598 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01598
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : CABINET BRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-03-10;16ve01598 ?
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