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28/02/2020 | FRANCE | N°17VE03845

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 28 février 2020, 17VE03845


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFDT Interco 92 a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération n° 236 du 9 février 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Levallois a décidé la suppression de deux postes de psychologues et d'un poste de médecin territorial, ensemble la délibération n° 80 du 22 juin 2015 confirmant la suppression de ces postes et la décision révélée par un message électronique du 17 juillet 2015 émanant de l'adjoint au maire délégué aux finances et au

x ressources humaines portant suppression de la médiathèque Gabriel Péri.

Par un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFDT Interco 92 a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération n° 236 du 9 février 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Levallois a décidé la suppression de deux postes de psychologues et d'un poste de médecin territorial, ensemble la délibération n° 80 du 22 juin 2015 confirmant la suppression de ces postes et la décision révélée par un message électronique du 17 juillet 2015 émanant de l'adjoint au maire délégué aux finances et aux ressources humaines portant suppression de la médiathèque Gabriel Péri.

Par un jugement n° 1507123 du 19 octobre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise après avoir annulé la décision révélée par un message électronique du 17 juillet 2015 émanant de l'adjoint au maire a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 19 décembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 mars 2018, le syndicat CFDT Interco 92, représenté par Me A..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement en tant que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2° d'annuler les délibérations du 9 février 2015 et du 22 juin 2015 ;

3° de mettre à la charge de la commune de Levallois une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier faute de lui avoir communiqué des pièces obtenues de la commune par une mesure d'instruction en méconnaissance des principes du contradictoire et des droits de la défense ;

- l'intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation des délibérations ressort de ce que les délibérations en cause doivent être obligatoirement soumises au comité technique de la commune au sein duquel il a désigné des membres ainsi que le prévoient les articles 33 du statut de la fonction publique territoriale et 30-1 du décret n° 85-565 du 30 mai 1985 relatif aux comités techniques des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;

- les deux délibérations sont entachées d'une méconnaissance de la procédure instituée par les articles 26 et 30-1 du décret n° 85-565 du 30 mai 1985 ; le comité aurait dû être reconsulté avant la délibération du 9 février 2015 ; le délai maximal de trente jours entre les deux consultations des 29 janvier et 4 juin 2015 a été méconnu ; la collectivité n'a pas procédé à un véritable réexamen du projet de suppression de postes entre les différentes consultations ; la commune a privé ses représentants du personnel de la garantie tenant à la possibilité d'émettre un nouvel avis dans un délai raisonnable (délai fixé de façon règlementaire à un mois) et de voir leurs revendications prises en considération ;

- l'obligation de réexamen prévue à l'article 30-1 du décret n°85-565 du 30 mai 1985 imposait nécessairement de modifier le contenu du projet soumis à l'avis du comité technique ou d'expliquer pourquoi il n'a pas été modifié, sauf à lui faire perdre tout effet utile et d'entrer, en conséquence, en contradiction avec les objectifs posés par la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique ;

- les deux délibérations litigieuses sont entachées d'erreur d'appréciation de l'intérêt du service.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale

- la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

- le décret n°85-565 du 30 mai 1985 relatif aux comités techniques des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour le syndicat CFDT Interco 92, et de Me B..., substituant Me D..., pour la commune de Levallois-Perret.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat CFDT Interco 92, relève appel de l'article 4 du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté pour irrecevabilité ses conclusions tendant à l'annulation des délibérations n° 236 du 9 février 2015 et n° 80 du 22 juin 2015 par lesquelles le conseil municipal de la commune de Levallois a décidé de supprimer deux postes de psychologues de classe normale et un poste de médecin territorial de 2ème classe, au motif de ce que le syndicat ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour déférer au juge de l'excès de pouvoir ces décisions.

Sur l'intérêt à agir :

2. Le syndicat CFDT Interco 92 a notamment pour buts, en vertu de l'article 3 de ses statuts, " de regrouper les agents publics et salarié-es d'un même secteur d'activités en vue d'assurer la défense individuelle et collective de leurs intérêts professionnels, sociaux et économiques par les moyens les plus appropriés ".

3. Aux termes de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1° A l'organisation et au fonctionnement des services ; /2° Aux évolutions des administrations ayant un impact sur les personnels ;/ 3° Aux grandes orientations relatives aux effectifs, emplois et compétences ;(...) 6° Aux sujets d'ordre général intéressant l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail. (...) Les incidences des principales décisions à caractère budgétaire sur la gestion des emplois font l'objet d'une information des comités techniques. (...) ". Aux termes de l'article 12 du décret du 30 mai 1985 relatif aux comités techniques des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dans sa version applicable : " Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui, dans la fonction publique territoriale, remplissent les conditions fixées à l'article 9 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée. (...) ".

4. Le syndicat requérant soutient que sa demande de première instance était recevable en sa qualité de membre délibérant du comité technique de la commune dans la mesure où les décisions en cause ont fait l'objet d'une consultation préalable obligatoire auprès de ce comité au sein duquel il a désigné " certains de leurs membres en qualité de représentants du personnel ". Il ressort des pièces du dossier que la commune a décidé de soumettre au vote préalable du comité technique qui s'est tenu les 24 janvier et 4 juin 2015, la mise à jour du tableau des effectifs de la commune par la suppression, motivée par un souci d'économie, de deux postes de psychologue de classe normale et d'un poste de médecin territorial de classe normale. Le syndicat départemental requérant qui a proposé une liste de candidats aux élections pour le comité technique de la commune dans les conditions prescrites par l'article 32 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, est ainsi recevable à demander l'annulation des délibérations prises à la suite de ces avis du comité technique.

5. Par suite, le syndicat requérant justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour contester ces délibérations, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen d'irrégularité du jugement, l'article 4 du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté pour irrecevabilité les conclusions tendant à l'annulation des délibérations des 9 février et 22 juin 2015 du conseil municipal de Levallois doit être annulé.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer par voie d'évocation sur la demande du syndicat CFDT Interco 92 tendant à l'annulation des délibérations des 9 février et 22 juin 2015 du conseil municipal de Levallois.

Sur l'exception de non-lieu opposée par la commune de Levallois à la demande tendant à l'annulation de la délibération du 9 février 2015 du conseil municipal de Levallois :

7. Si postérieurement à l'édiction de la délibération du 9 février 2015, le conseil municipal de la commune de Levallois-Perret a adopté, le 22 juin 2015, une seconde délibération la confirmant, la première délibération n'a pas pour autant fait l'objet d'un retrait. Ainsi, la délibération du 9 février 2015 subsistant dans l'ordonnancement juridique, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la délibération du 9 février 2015 conservent un objet et il y a lieu pour le juge d'y statuer.

Sur la légalité de la délibération du 9 février 2015 :

8. Aux termes de l'article 30-1 du décret du 30 mai 1985 relatif aux comités techniques des collectivités territoriales et de leurs établissements publics : " Lorsqu'une question à l'ordre du jour dont la mise en oeuvre nécessite une délibération de la collectivité ou de l'établissement recueille un avis défavorable unanime des représentants du personnel, cette question fait l'objet d'un réexamen et donne lieu à une nouvelle consultation du comité technique dans un délai qui ne peut être inférieur à huit jours et excéder trente jours. La convocation est adressée dans un délai de huit jours aux membres du comité. / Le comité technique siège alors valablement sur cette question quel que soit le nombre de membres présents. Il ne peut être appelé à délibérer une nouvelle fois suivant cette même procédure. ".

9. Ces dispositions imposent à la collectivité, lorsqu'une délibération a fait l'objet d'un vote défavorable unanime des représentants du personnel du comité technique sur la question mise à l'ordre du jour, de la réexaminer et, à moins qu'elle ne renonce à son projet, de la soumettre à nouveau au comité technique, dans un délai compris entre huit et trente jours à compter de la première délibération.

10. En l'espèce, à la suite de l'avis défavorable unanime émis par le comité technique compétent réuni le 29 janvier 2015 sur le projet de délibération, la collectivité n'a pas procédé à une nouvelle consultation du comité technique avant d'adopter la délibération du 9 février 2015. Les représentants du personnel ont ainsi été effectivement privés de la garantie, résultant de l'article 30-1 du décret du 30 mai 1985, de réexamen de la question par la collectivité avant de la soumettre à une nouvelle consultation du comité technique. Par suite, le syndicat requérant est fondé à soutenir que, faute d'avoir engagé une nouvelle consultation sur le projet de délibération après le premier avis du comité technique, la procédure d'adoption de cette délibération est entachée d'irrégularité.

Sur la légalité de la délibération du 22 juin 2015 :

11. Le délai de trente jours prévu par l'article 30-1 du décret du 30 mai 1985 n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure d'adoption de la délibération. En l'espèce, la collectivité a entendu remédier au vice entachant la première délibération en organisant la seconde consultation du comité technique compétent prévue par l'article 30-1, le 4 juin 2015 alors que la première consultation avait eu lieu le 29 janvier 2015. Par suite, le moyen tiré du dépassement du délai de trente jours entre les deux consultations du comité technique doit être écarté dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que la circonstance que cette seconde consultation est intervenue le 4 juin 2015 a été de nature à exercer une influence sur le sens de la délibération attaquée.

12. Il ne résulte ni des dispositions rappelées au point 8 ni d'aucune règle ou d'aucun principe que l'administration serait tenue de négocier avec les organisations syndicales et donc de modifier un projet sur lequel le comité technique compétent a émis un avis défavorable, même à l'unanimité. Elle n'est pas davantage dans l'obligation d'apporter des éléments tangibles montrant qu'elle a procédé à un réexamen effectif de son projet. Par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que la délibération du 22 juin 2015 serait illégale en raison de l'absence de réexamen de son projet avant de le soumettre à la deuxième consultation du comité technique. Il ne peut non plus utilement faire valoir que la commune de Levallois aurait méconnu les principes de modernisation du dialogue social.

13. Si le syndicat requérant soutient que la collectivité a méconnu l'intérêt du service, la commune de Levallois se prévaut sans être contestée de ce que la suppression des postes qui étaient vacants n'a donc entrainé ni mutation ni licenciement. Par ailleurs, les allégations d'atteinte à la continuité du service public de la santé au sein de la commune et de surcharge de travail des psychologues et des médecins ne sont pas étayées. Par suite, le moyen doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CFDT Interco 92 est seulement fondé à demander l'annulation de la délibération n° 236 du 9 février 2015 et que ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération n° 80 du 22 juin 2015 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 4 du jugement n° 1507123 du 19 octobre 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté pour irrecevabilité les conclusions tendant à l'annulation des délibérations des 9 février et 22 juin 2015 du conseil municipal de Levallois est annulé.

Article 2 : La délibération du 9 février 2015 est annulée.

Article 3 : Le surplus de la demande de première instance et des conclusions d'appel du syndicat CFDT Interco 92 est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Levallois présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 17VE03845 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03845
Date de la décision : 28/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales - Budget.

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir - Existence d'un intérêt - Intérêt lié à une qualité particulière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SCP ARVIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-28;17ve03845 ?
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