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27/02/2020 | FRANCE | N°18VE04100

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 27 février 2020, 18VE04100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 6 mai 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier Sud Francilien l'a affectée comme agent administratif au service d'accueil des urgences adultes.

Par un jugement n° 1605253 du 9 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 décembre 2018, 25 janvier 2019 et 3 décembre 2019, Mme A

..., représentée par Me Arvis, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 6 mai 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier Sud Francilien l'a affectée comme agent administratif au service d'accueil des urgences adultes.

Par un jugement n° 1605253 du 9 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 décembre 2018, 25 janvier 2019 et 3 décembre 2019, Mme A..., représentée par Me Arvis, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision en litige ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Sud Francilien une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas l'ensemble des écrits et des conclusions des parties ;

- la décision en litige lui fait grief et porte atteinte à ses droits statutaires ;

- cette décision doit être regardée comme constituant une décision de mutation ayant entraîné une modification substantielle de ses fonctions ;

- cette décision constitue une sanction déguisée, visant à la punir de s'être plaint du comportement de ses collègues, pourtant constitutif de harcèlement moral ;

- cette décision a été signée par la coordinatrice générale des soins qui n'était pas compétente pour signer une telle décision ;

- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure dès lors que le comité médical n'a pas été saisi précédemment à celle-ci conformément aux dispositions de l'article 7 du décret du 19 avril 1988 ;

- elle entachée d'un autre vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été auscultée par le médecin du travail dans le cadre de l'examen médical de reprise préalable à toute modification d'affectation, conformément aux dispositions de l'article R. 4624-23 du code du travail ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire, dès lors qu'elle n'a pas été informée de la possibilité de demander la consultation de son dossier et l'assistance d'un conseil ;

- elle n'a pas été précédée de la publication d'une vacance de poste et constitue, à ce titre, une " nomination pour ordre " ;

- le centre hospitalier a méconnu les dispositions de l'article 71 de la loi n° 86-33 en procédant à un reclassement sans qu'elle ait demandé un tel reclassement et sans qu'elle ait été reconnue apte à exercer ces nouvelles fonctions ;

- la décision litigieuse est entachée d'un détournement de pouvoir, dès lors qu'elle n'a pas été prise dans l'intérêt du service mais en rétorsion de ses plaintes déposées pour harcèlement moral et racisme.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour Mme A... et celles de Me E... pour le centre hospitalier Sud Francilien.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a été recrutée par le centre hospitalier Sud Francilien comme auxiliaire de puériculture contractuelle le 30 juillet 2001, puis a été titularisée à compter du 1er octobre 2003. Ayant envisagé une reconversion professionnelle comme diététicienne, Mme A... a été affectée au service diététique de l'établissement à compter du 8 juillet 2013. Toutefois, elle n'est pas parvenue à obtenir le diplôme nécessaire et par une décision du 6 mai 2016, le centre hospitalier l'a affectée à l'accueil des urgences adultes à compter du 10 mai 2016. Mme A... fait appel du jugement du 9 octobre 2018, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le motif d'annulation retenu :

2. D'une part, aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. /Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. "

3. D'autre part, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de graves problèmes de santé, qui ont donné lieu à plusieurs congés maladie, Mme A... n'a plus exercé ses fonctions à partir de 2009, et a, alors, entrepris une reconversion professionnelle. La décision contestée du 6 mai 2016 par laquelle Mme A... a été affectée à l'accueil du services urgences adultes, en qualité d'adjoint administratif, est consécutive à son échec au brevet de technicien supérieur en diététique et à des restrictions médicales qui l'empêchent d'exercer ses fonctions d'auxiliaire en puériculture, lesquelles ont été rappelées par le médecin du travail en novembre 2015. Si ce changement d'affectation est intervenu au sein du même établissement et n'a entraîné pour l'intéressée ni perte de rémunération, ni changement substantiel dans ses responsabilités, il a consisté à affecter Mme A... dans un emploi relevant d'un autre corps que le sien et doit, dès lors, être regardé comme constituant un reclassement. Cette décision a ainsi porté atteinte aux droits statutaires de Mme A... et ne peut être qualifiée de mesure d'ordre intérieur. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevable la demande d'annulation dont ils étaient saisis. Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 9 octobre 2018 doit, dès lors, être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Versailles.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier devant le tribunal administratif :

6. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " [...] La requête [...] contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". Après l'expiration du délai de recours contre un acte administratif, sont irrecevables, sauf s'ils sont d'ordre public, les moyens soulevés par le demandeur qui relèvent d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués dans sa demande avant l'expiration de ce délai. Ce délai de recours commence, en principe, à courir à compter de la publication ou de la notification complète et régulière de l'acte attaqué. Toutefois, à défaut, il court, au plus tard, à compter, pour ce qui concerne un demandeur donné, de l'introduction de son recours contentieux contre cet acte.

7. La demande de première instance de Mme A..., enregistrée au greffe du tribunal administratif le 20 juillet 2016, tendait à l'annulation de la décision du 6 mai 2016, laquelle ne comportait pas la mention des voies et délais de recours, et reposait sur deux moyens tirés de ce que cette décision conduisait à la placer dans une fonction qui ne correspond pas à son statut et qu'elle faisait l'objet d'un harcèlement moral. En outre, l'intéressée a produit un mémoire complémentaire comportant plusieurs autres moyens de légalité externe et interne à l'encontre de cette décision, qui a été enregistré au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2016. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête de Mme A... serait dépourvue de moyens doit être écartée.

Sur la légalité de la décision attaquée :

8. Aux termes de l'article 7 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Les comités médicaux [...] consultés obligatoirement en ce qui concerne : / [...] 7. Le reclassement dans un autre emploi à la suite d'une modification de l'état physique du fonctionnaire, [...] ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 4, en affectant Mme A..., auxiliaire de puériculture relevant du corps des aides-soignants, à l'accueil du service des urgences adultes sur un poste relevant du corps des adjoints administratifs, le centre hospitalier Sud Francilien a procédé à un reclassement de l'intéressée. Il est constant que l'intéressée n'a pas introduit de demande de reclassement à son employeur. En outre, cette décision n'a pas été précédée d'une consultation du comité médical d'établissement. Cette décision litigieuse méconnaît donc les dispositions précitées de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 et de l'article 7 du décret du 19 avril 1988 et doit être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Sud Francilien la somme de 1 500 euros, à verser à Mme A... au titre des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par ce centre hospitalier sur le même fondement ne peuvent, en revanche, qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles n°1605253 du 9 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : La décision du 6 mai 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier Sud Francilien a affecté Mme A... comme agent administratif au service d'accueil des urgences adultes est annulée.

Article 3 : Le centre hospitalier Sud Francilien versera à Mme A... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Sud Francilien sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 18VE04100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04100
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Changement de cadres - reclassements - intégrations - Changement de corps.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Affectation.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : SCP ARVIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-27;18ve04100 ?
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