La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2020 | FRANCE | N°18VE03939

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 25 février 2020, 18VE03939


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier de Versailles à lui verser la somme totale de 80 531,16 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'intervention chirurgicale du 6 mars 2015.

Par un jugement n° 1605745 du 23 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier de Versailles à verser à la requérante la somme de 20 490 euros et à la caisse locale déléguée pour la sécurité s

ociale des travailleurs indépendants la somme de 1 686,06 euros en réparation des pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier de Versailles à lui verser la somme totale de 80 531,16 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'intervention chirurgicale du 6 mars 2015.

Par un jugement n° 1605745 du 23 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier de Versailles à verser à la requérante la somme de 20 490 euros et à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants la somme de 1 686,06 euros en réparation des préjudices subis et à cette dernière la somme de 562,03 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 novembre 2018, 6 mars et 3 juillet 2019, Mme B..., représentée par Me Bensa-Troin, avocat, demande à la Cour :

1° de réformer le jugement ;

2° de condamner le centre hospitalier de Versailles à lui verser, en réparation de ses préjudices, 80 531,16 euros et les montants correspondant aux frais futurs pour une opération future, pour des consultations d'ostéopathie, pour des semelles et des chaussures ;

3° de condamner le centre hospitalier à rembourser les frais d'expertise pour un montant de 1 548 euros ;

4° de mettre à la charge du centre hospitalier de Versailles les dépens ;

5° de mettre à la charge du centre hospitalier de Versailles la somme de 3 000 euros en application du L. 716-1 du code de justice administrative.

Mme B... soutient que les sommes qui lui ont été accordées par les premiers juges sont insuffisantes à réparer les préjudices subis.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance en date du 2 janvier 2017 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Versailles a, sur requête n°1607298-12 présentée par Mme B..., ordonné une expertise et désigné le docteur Chaussard en qualité d'expert ;

- l'ordonnance du 6 janvier 2017 accordant au docteur Chaussard une allocation provisionnelle de 1 400 euros à faire valoir sur le montant des frais d'expertise ;

- le rapport d'expertise établi par le docteur Chaussard et déposé au greffe du tribunal le 22 février 2017.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... avait consenti à subir, au centre hospitalier de Versailles, une exostosectomie dorsale du pied droit. Le 6 mars 2015, elle été opérée d'un hallux valgus et d'une exostose interne, dont elle n'était pas porteuse, tandis que l'exostosectomie dorsale n'a pas été réalisée. Par jugement n° 1605745 du 23 octobre 2018, dont Mme B... relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier de Versailles, sur le fondement de la responsabilité pour faute posé à l'article

L. 1142-1 du code de la santé publique, à verser à la requérante la somme de 20 490 euros et à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants la somme de 1 686,06 euros en réparation des préjudices subis et à cette dernière la somme de 562,03 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Mme B... conteste l'évaluation des frais d'assistance d'une tierce personne qu'elle a exposés en raison du déficit fonctionnel temporaire dont elle a souffert entre le 6 mars et le 1er octobre 2015 des suites de l'intervention qu'elle a subie le 6 mars 2015 en ce qui concerne le taux horaire de rémunération retenu par les premiers juges. Or eu égard au niveau de technicité requis, ce préjudice doit être évalué sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, fixé à 13 euros. Mme B... n'est donc pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont retenu un taux horaire de rémunération de 14,5 euros.

3. Mme B... soutient qu'en lui allouant la somme de 1 941 euros au titre des dépenses de santé qu'elle a exposées à la suite de l'intervention du 6 mars 2015 et qui sont restées à sa charge, les premiers juges auraient insuffisamment indemnisé ces dernières. Elle justifie avoir acquitté 70 euros pour une consultation d'ostéopathie en date du 15 décembre 2015, 70 euros pour une consultation en technique énergétique en date du 3 juillet 2017, 35,92 euros pour des frais d'ostéopathie et de mésothérapie en date du 30 novembre 2015, 1 430 euros pour des consultations de psychothérapie en 2015 et en 2016, 160 euros pour des consultations chez un pédicure-podologue en date du 22 décembre 2016, 120 euros pour des matériels orthopédiques en date du 19 novembre 2015 et 85,62 euros pour des traitements de mésothérapie, soit un total de 1 901,54 euros. Si elle produit des justificatifs relatifs à des frais de transport et de parking, elle ne justifie pas que ces derniers résulteraient de la faute commise. Mme B... n'est donc pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges lui ont alloué à ce titre la somme de 1 941 euros. Si elle demande l'indemnisation de frais de santé futurs, elle n'apporte aucune précision à l'appui de ces conclusions, au demeurant non chiffrées. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont refusé de lui allouer une indemnisation à ce titre.

4. Mme B... soutient que la faute commise par le centre hospitalier de Versailles a engendré des périodes d'arrêt de travail et de travail à temps partiel à l'origine de pertes de revenus. Il résulte de l'instruction qu'entre l'année 2014 et l'année 2015, au cours de laquelle est survenu le dommage, la requérante a subi une perte de revenus d'environ 23 000 euros. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice en lui allouant cette somme.

5. Mme B... soutient qu'en raison de l'opération effectuée, qui a occasionné une période d'arrêt de travail, de malaise et de douleurs, elle n'a pu suivre les cours ni réviser les examens du diplôme de master 1 qu'elle préparait à l'Université Paris 8 et n'a, par suite, obtenu ce dernier qu'avec un retard d'une année, comme retenu par l'expert. Le centre hospitalier de Versailles fait toutefois valoir à juste titre que l'intéressée ne justifie pas, par les pièces produites, de son inscription au titre de l'année universitaire 2014-2015 et que par suite la réalité du préjudice allégué n'est pas établie. Il en résulte que sa demande d'indemnisation de ce dernier doit être rejetée.

6. Mme B... soutient que l'incidence professionnelle du dommage qu'elle a subi n'a pas été suffisamment indemnisée par les premiers juges, auxquels elle reproche de n'avoir tenu compte que de l'aggravation de la pénibilité de son travail, qu'ils ont évaluée à 5 000 euros, et non du retard d'une année dans l'obtention de son diplôme de master 1. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit au point 5 du présent arrêt, ce dernier n'est pas établi. Il convient donc de confirmer l'indemnisation accordée par les premiers juges.

7. Les premiers juges ont évalué les déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées et préjudices esthétiques en déduisant de ceux résultant de l'intervention du 6 mars 2015 les conséquences qui auraient résulté de l'exostosectomie dorsale du pied droit, à laquelle la requérante avait consenti. Or il résulte de l'instruction, plus précisément du rapport d'expertise, que cette dernière opération, qui était justifiée compte tenu de l'état de santé de l'intéressée, n'a pas été réalisée à l'occasion de l'intervention fautive du 6 mars 2015. C'est donc à tort que les premiers juges ont opéré cette déduction. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire subi, dont il résulte de l'instruction, et plus précisément du rapport d'expertise, qu'il a été de 50 % du 7 mars au 20 avril 2015, de 25 % du 21 avril au 5 mai 2015 et de 10 % du 6 mai au 1er octobre 2015 en l'évaluation à 687 euros. Il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées que l'expert a évaluées à 3,5/7 en les évaluant à 5 400 euros. Il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique temporaire, évalué par l'expert à 2,5 sur 7 et du préjudice esthétique permanent, évalué par l'expert à 0,5 sur 7, en les fixant respectivement à 2 500 euros et à 475 euros soit un total de 2 975 euros.

8. Mme B... soutient que les premiers juges auraient insuffisamment indemnisé son préjudice d'agrément résultant de l'impossibilité de poursuivre la pratique de certains sports en l'évaluant à 5 000 euros, au motif qu'il serait injustifié de tenir compte de son arthropathie qui, selon l'expert, l'aurait à terme, même en l'absence de faute, empêchée de pratiquer certains de ces sports. Or il résulte de l'instruction, plus précisément des termes du jugement attaqué, que ce dernier n'a pas tenu compte de cette appréciation de l'expert dans l'évaluation du préjudice. Celle-ci doit donc être confirmée.

9. Mme B... invoque un défaut et un retard d'information sur la nature de l'opération réalisée le 6 mars 2015 qui serait à l'origine d'une perte de chance et d'un préjudice d'impréparation. Toutefois, comme le fait valoir le centre hospitalier de Versailles, l'intéressée ne saurait être indemnisée au titre d'une perte de chance d'échapper à son dommage, dès lors que c'est ce dernier qui a été réparé dans son intégralité par les premiers juges. D'autre part, indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée. Toutefois, en l'espèce, ainsi qu'il vient d'être dit, les conséquences de l'intervention fautive du 6 mars 2015 doivent être intégralement réparées et non pas seulement celles résultant du défaut d'information. Il n'y a donc pas lieu de fonder l'indemnisation sur le préjudice d'impréparation. De troisième part, il résulte, en revanche, de l'instruction que Mme B... a subi un préjudice moral résultant de ce que l'intervention du 6 mars 2015 a été pratiquée en violation de son consentement, dont le principe est rappelé à l'article

L. 1111-4 du code de la santé publique, aux termes duquel " aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ". Enfin, il résulte de l'instruction qu'elle n'a été informée de la nature exacte de l'intervention dont elle a fait l'objet le 6 mars 2015 que deux mois plus tard et que ce retard dans l'information a été à l'origine d'un surcroît d'anxiété. Par suite, il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 6 000 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'évaluation des préjudices subis par Mme B... telle que fixée par les premiers juges doit être modifiée pour être fixée à 23 000 euros au titre des pertes de gains professionnels, à 687 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, à 5 400 euros au titre des souffrances endurées, à 2 975 euros au titre des préjudices esthétiques, 6 000 euros au titre du préjudice moral.

Sur les dépens :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 548 euros par ordonnance de la présidente du Tribunal administratif de Versailles en date du 5 avril 2017, à la charge définitive du centre hospitalier de Versailles.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Versailles la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Versailles versera à Mme B... les sommes de 23 000 euros au titre des pertes de gains professionnels, de 687 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 5 400 euros au titre des souffrances endurées, de 2 975 euros au titre des préjudices esthétiques et de 6 000 euros au titre du préjudice moral.

Article 2 : Le centre hospitalier de Versailles versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n° 1605745 du 23 octobre 2018 rendu par le Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.

N° 18VE03939 5

5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03939
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Caroline GROSSHOLZ
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : CABINET JEAN CLAUDE BENSA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-25;18ve03939 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award