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11/02/2020 | FRANCE | N°18VE03738

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 11 février 2020, 18VE03738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 11 avril 2018 par lequel la préfète de l'Essonne a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n°1803351 du 9 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt

e, enregistrée le 9 novembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., avocate, demande à la Cour : ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 11 avril 2018 par lequel la préfète de l'Essonne a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n°1803351 du 9 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., avocate, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de le mettre, dans l'attente, en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se croyant, à tort, en situation de compétence liée pour lui refuser un titre de séjour sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord

franco-algérien, en raison de l'avis défavorable rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du

27 décembre 1968 modifié ;

- elle méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du

27 décembre 1968 modifié et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, en ce que la préfète s'est cru à tort en situation de compétence liée pour prononcer son éloignement ;

- elle est entachée d'illégalité dès lors qu'il peut prétendre à la délivrance, de plein droit, d'un titre de séjour sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant le renouvellement de son titre et l'obligeant à quitter le territoire français.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les observations de Me B..., avocat, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 31 janvier 1949, fait appel du jugement du

9 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2018 par lequel la préfète de l'Essonne a refusé de renouveler le certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dont il était titulaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Sur la légalité des décisions attaquées :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 :

" (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7° Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résident à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affectation en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., a dû subir une chimiothérapie en 2014, en raison d'une pathologie hématologique chronique lymphomateuse. Par un avis du

8 janvier 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existait un traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, M. A... produit un certificat médical daté du

19 avril 2018 d'un praticien hospitalier indiquant que son état de santé nécessite une surveillance clinique et biologique régulière, un certificat médical en date du 13 octobre 2018 d'un hématologue algérien indiquant que le ripuximab-bendamustine n'est pas disponible en Algérie, un certificat du chef de service du laboratoire d'analyses médicales de l'établissement public de santé de proximité de Boghni du 24 octobre 2018 mentionnant que les analyses " EPP, EAL, (suivi Waldenstrom) " ne sont pas disponibles au sein de cet hôpital, ainsi qu'un article tiré du périodique médical algérien intitulé " la Presse Médicale " faisant état des difficultés de prise en charge des hémopathies malignes en Algérie et mentionnant spécifiquement l'indisponibilité en Algérie, à la date de cet article rédigé le 11 juillet 2017, du ripuximab-bendamustine, molécule de référence pour traiter les hémopathies malignes du type de la maladie de Waldenström chez les patients âgés de plus de soixante-quinze ans. Compte tenu de l'ensemble de ces documents précis et concordants, M. A... doit être regardé comme démontrant qu'il ne pourrait avoir effectivement accès à un traitement approprié en Algérie. Par suite, et dès lors qu'il n'est pas contesté que l'absence de traitement est susceptible d'avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il est fondé à soutenir que la décision de refus de renouvellement de son certificat de résidence est intervenue en méconnaissance des stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par suite, il est également fondé à en demander l'annulation, ainsi, par voie de conséquence, que des décisions l'obligeant à quitter le territoire français, lui assignant un délai de départ volontaire et fixant son pays de destination, dont elle est le support nécessaire.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".

6. Eu égard au moyen d'annulation retenu au point 3., le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à M. A... le certificat de résidence dont il demandait le renouvellement dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1803351 du Tribunal administratif de Versailles du 9 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : L'arrêté de la préfète de l'Essonne du 11 avril 2018 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à M. A... le certificat de résidence sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

N° 18VE03738 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03738
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : GASMI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-11;18ve03738 ?
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