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30/01/2020 | FRANCE | N°18VE02732

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 30 janvier 2020, 18VE02732


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... épouse A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune d'Épinay-Sous-Sénart à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice né du harcèlement moral dont elle aurait été victime et une somme de 59 073 euros en réparation de ses préjudices nés de son licenciement abusif enfin de mettre à la charge de la commune d'Épinay-Sous-Sénart le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

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Par un jugement n°1605727 du 25 juin 2018, le Tribunal administratif de Vers...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... épouse A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune d'Épinay-Sous-Sénart à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice né du harcèlement moral dont elle aurait été victime et une somme de 59 073 euros en réparation de ses préjudices nés de son licenciement abusif enfin de mettre à la charge de la commune d'Épinay-Sous-Sénart le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1605727 du 25 juin 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 3 août et 13 septembre 2018, Mme A..., représentée par Me Moulin, avocat, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1° d'annuler le jugement ;

2° de condamner la commune d'Épinay-Sous-Sénart à lui verser une somme de 210 000 euros en réparation de son préjudice résultant du harcèlement moral dont elle a fait l'objet et de son licenciement abusif ;

3° de mettre à la charge de la commune d'Épinay-Sous-Sénart le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a subi un harcèlement moral ;

- son licenciement est abusif et lui a fait perdre une chance de bénéficier du dispositif prévu par l'article 37 de la loi n°2012-347 du 12 mars 2012.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la commune d'Épinay-Sous-Sénart.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée, en 1987, en qualité d'assistante maternelle au sein de la crèche municipale d'Épinay-Sous-Sénart, puis a exercé, à compter du 1er janvier 2004, cette même activité à domicile en vertu d'un contrat à durée indéterminée. Victime d'un accident de travail le 26 septembre 2007, elle a été placée en arrêt de travail jusqu'au 23 février 2010 et reconnue travailleur handicapé le 3 novembre 2009 par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Par un courrier du 10 février 2010, l'appelante présentait une demande de reclassement professionnel qui était rejetée par décision implicite du maire. Reconnue inapte pour exercer les fonctions d'assistante maternelle le 12 mars 2010, Mme A... sollicitait les 18 octobre et 12 novembre 2010 une nouvelle visite de reprise, puis présentait une nouvelle demande de reclassement le 8 décembre 2010. Le 11 juillet 2011, la commune d'Epinay-sous-Sénart lui proposait un poste de chargée d'accueil à l'espace Charles-de-Gaulle à temps partiel, correspondant au grade d'adjoint administratif territorial de 2ème classe, qu'elle acceptait le 18 juillet suivant. Mme A... signait le 16 août 2011 un contrat à durée déterminée à temps partiel d'une durée d'un an prenant effet le 1er septembre 2011, prolongé pour une durée de trois mois jusqu'au 30 novembre 2012. Mme A... subissait un nouvel accident le 13 septembre 2012, dont l'origine professionnelle était reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie le 24 septembre 2012. Par décision du même jour, l'autorité administrative informait Mme A... du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée. Par jugement n° 1004142, 1102025 du 20 mars 2014, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision implicite de rejet de sa demande formée le 10 février 2010 et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées en réparation du préjudice causé par la méconnaissance de l'obligation de reclassement professionnelle, dans la seule mesure où elle avait obtenu le versement d'une somme correspondant au montant de ce préjudice par la voie du référé provision. Mme A... formait un appel partiel contre ce jugement, mais celui-ci était rejeté par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles n°14VE02302 du 7 avril 2016. Par un courrier du 29 mars 2013, ainsi que par une lettre du 28 août 2014, Mme A... a demandé l'indemnisation de ses préjudices nés du non-renouvellement de son contrat et du harcèlement moral qu'elle aurait subi. Suite à la décision implicite de rejet du maire d'Epinay-sous-Senart de ces demandes, Mme A... a formé un recours devant le Tribunal administratif de Versailles tendant à la condamnation de la commune d'Épinay-Sous-Sénart à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice né du harcèlement moral, une somme de 59 073 euros en réparation de ses préjudices nés de son licenciement abusif et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n°1605727 du 25 juin 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Mme A... interjette appel de ce jugement.

Sur les conclusions indemnitaires, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête ;

En ce qui concerne le licenciement abusif :

2. Aux termes de l'article 3-4 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée: " Lorsqu'un agent non titulaire recruté pour pourvoir un emploi permanent sur le fondement des articles 3-2 ou 3-3 est inscrit sur une liste d'aptitude d'accès à un cadre d'emplois dont les missions englobent l'emploi qu'il occupe, il est, au plus tard au terme de son contrat, nommé en qualité de fonctionnaire stagiaire par l'autorité territoriale. II. - Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée. La durée de six ans mentionnée au premier alinéa du présent II est comptabilisée au titre de l'ensemble des services accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement dans des emplois occupés sur le fondement des articles 3 à 3-3. Elle inclut, en outre, les services effectués au titre du deuxième alinéa de l'article 25 s'ils l'ont été auprès de la collectivité ou de l'établissement l'ayant ensuite recruté par contrat. Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps non complet et à temps partiel sont assimilés à des services effectués à temps complet. Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée des interruptions entre deux contrats n'excède pas quatre mois. Lorsqu'un agent remplit les conditions d'ancienneté mentionnées aux deuxième à quatrième alinéas du présent II avant l'échéance de son contrat en cours, les parties peuvent conclure d'un commun accord un nouveau contrat, qui ne peut être qu'à durée indéterminée. ".

3. Mme A... soutient qu'en rejetant plusieurs de ses candidatures à différents postes en 2010 et 2011 et en la reclassant sur un poste en contrat à durée déterminée au 1er septembre 2011, l'autorité administrative l'a privée d'une chance de bénéficier d'un reclassement sur un contrat à durée indéterminée sur le fondement de l'article 6-bis de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi du 12 mars 2012 susvisée et que, par suite, son licenciement présenterait un caractère abusif. Toutefois, en admettant même que Mme A... ait entendu se prévaloir des dispositions précitées de l'article 3-4 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, seules applicables aux agents publics territoriaux, dans leur rédaction résultant de l'article 41 de la loi du 12 mars 2012 précitée, il est constant qu'elles n'étaient pas applicables à la date de son reclassement en septembre 2011. Par ailleurs elle ne conteste pas le bien-fondé des rejets de ses candidatures à différents postes et fait d'ailleurs grief à la collectivité de ne pas lui avoir accordé de formation pour lui permettre d'y accéder. Enfin, Mme A... ne démontre ni même n'allègue que la décision de ne pas renouveler son contrat n'aurait pas été prise dans l'intérêt du service, alors qu'elle reconnait elle-même dans ses écritures que cette décision résulte de la fermeture de l'espace Charles de Gaulle où elle était affectée en qualité d'agent d'accueil. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont rejeté à tort ses conclusions indemnitaires fondées sur la rupture abusive du contrat de travail.

En ce qui concerne le harcèlement moral :

4. Aux termes des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. /(...). ".

5. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

7. Mme A... soutient faire l'objet d'un harcèlement moral, dès lors qu'elle n'a obtenu son reclassement professionnel par voie judiciaire et que l'administration a multiplié les erreurs pour lui communiquer les documents en fin de contrat. Toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi que du jugement n° 1004142, 1102025 du Tribunal administratif de Versailles du 20 mars 2014, confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles N°14VE02302 du 7 avril 2016, que la commune d'Épinay-Sous-Sénart a procédé d'elle-même au reclassement de Mme A..., même si elle a satisfait tardivement à cette obligation. Si l'autorité administrative a ainsi commis une faute de gestion de carrière, pour laquelle elle a été condamnée à verser à Mme A... une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle a été commise dans la volonté de lui nuire. Il en va de même en ce qui concerne les erreurs commises par l'autorité administrative dans la délivrance des documents de fin de contrat, alors que l'appelante ne faisait alors plus partie de l'effectif. Si Mme A... soutient, en outre, que les faits de harcèlement seraient révélés par un rejet implicite opposé à une demande de formation présentée le 9 mai 2012, ce refus présente un caractère isolé et ne saurait faire présumer, à lui seul, de l'existence d'un harcèlement. Enfin, si Mme A... fait valoir que son contrat n'aurait pas été renouvelé en raison de son nouvel accident en date du 13 septembre 2012, il résulte de l'instruction que cette décision a été prise dans l'intérêt du service, en raison de la fermeture de l'espace Charles de Gaulle où elle était affectée et cela le jour même où le caractère professionnel de cet accident a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie.

8. Il ressort des motifs exposés au point 7 que les éléments de fait allégués par

Mme A... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

9. Par suite, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation de préjudices causés par des faits de harcèlement moral.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

11. La commune d'Épinay-Sous-Sénart n'étant pas la partie perdante, les conclusions de Mme A... tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme à verser à la commune d'Epinay-Sous-Sénart en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Épinay-Sous-Sénart tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 18002732


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02732
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Auxiliaires - agents contractuels et temporaires.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Marc FREMONT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SELARL LIBERLEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-30;18ve02732 ?
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