Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société E... ARCHITECTES a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier d'Orsay à lui payer les sommes de 100 903,50 euros hors taxe (HT) au titre des prestations supplémentaires résultant des modifications de programme et des travaux supplémentaires décidés par le centre hospitalier d'Orsay, de 123 381,80 euros HT au titre des prestations supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et de 283 842,13 euros HT au titre de l'allongement des délais d'exécution, et ce avec intérêts moratoires et capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1102556 du 24 janvier 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande et a mis les frais d'expertise à la charge de la société E... ARCHITECTES à hauteur de 70 % et du centre hospitalier d'Orsay à hauteur de 30 %.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et deux mémoires, enregistrés respectivement les 23 mars 2017, 7 juillet 2017 et 18 octobre 2019, la société E... ARCHITECTES, représenté par Me C... et Me A..., avocat[YC1]s, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner le centre hospitalier d'Orsay à lui payer les sommes de 100 903,50 euros HT au titre des prestations supplémentaires résultant des modifications de programme et des travaux supplémentaires décidés par le centre hospitalier d'Orsay, de 123 381,80 euros HT au titre des prestations supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et de 283 842,13 euros HT au titre de l'allongement des délais d'exécution, et ce avec intérêts moratoires et capitalisation des intérêts ;
3° de mettre à la charge du centre hospitaliser d'Orsay une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le protocole transactionnel signé le 27 octobre 2008 ne recouvre pas les postes figurant dans son mémoire en réclamation du 26 mai 2010 ; les chefs d'indemnité qu'elle sollicite n'ont donc pas déjà donné lieu à indemnisation ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle a produit sa réclamation du 23 janvier 2007 ;
- elle a subi un préjudice important dû à l'allongement du chantier et les prestations supplémentaires qu'elle a dû fournir ; le caractère nécessaire et indispensable des prestations n'a jamais été contesté par le centre hospitalier d'Orsay ; ces prestations supplémentaires ont bouleversé l'économie du contrat ;
- le tribunal ne pouvait, sans se contredire, à la fois mettre à la charge du centre hospitalier d'Orsay 30 % des frais d'expertise et rejeter l'ensemble de ses demandes.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour la société E... ARCHITECTES.
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier d'Orsay a confié à Mme B... E..., aux droits de laquelle est venue la société E... ARCHITECTES, une mission de maîtrise d'oeuvre pour la réalisation de travaux de restructuration et d'extension de son bâtiment par un acte d'engagement du 10 mai 2001. Le délai d'exécution initial des travaux était fixé à vingt mois, soit douze mois pour la première phase et huit mois pour la seconde, et devait commencer à courir à compter du 1er juillet 2003, conformément à l'ordre de service n° 1 du 19 juin 2003. Toutefois, les travaux ont pris du retard et le centre hospitalier d'Orsay n'a pu réceptionner les travaux effectués au titre de la première phase que le 30 juin 2007 et lancer ceux de la seconde qu'au mois de juillet 2007. Deux expertises ont été ordonnées par le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles pour évaluer les retards anormaux, donner un avis sur les causes de ce retard, dire à qui et dans quelle proportion ces retards anormaux étaient imputables et dire si ce retard justifiait tout ou partie de la demande de rémunération complémentaire sollicitée par les différents intervenants du marché. L'expert a déposé ses deux rapports respectivement les 8 décembre 2008 et 16 octobre 2012.
2. La société E... ARCHITECTES a adressé au centre hospitalier un mémoire en réclamation le 23 janvier 2007 qui a conduit les parties à conclure un accord transactionnel le 27 octobre 2008. La société E... ARCHITECTES a adressé un nouveau mémoire en réclamation le 26 mai 2010 qui a été rejeté par le centre hospitalier d'Orsay le 22 juin 2010. La société E... ARCHITECTES a alors saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Orsay à lui verser une somme totale de 508 127,43 euros HT, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts au titre de sommes qui lui seraient dues au titre de son marché de maîtrise d'oeuvre. Elle fait appel du jugement du 24 janvier 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait relevé à tort que la société requérante n'avait pas produit le mémoire en réclamation du 23 janvier 2007 est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué et n'est susceptible d'avoir d'incidence que sur son bien-fondé.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Aux termes de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre : " La mission de maîtrise d'oeuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux ". Aux termes de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " Le contrat de maîtrise d'oeuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'oeuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'oeuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel ".
5. Il résulte des dispositions précitées que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'oeuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seule une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. En outre, le maître d'oeuvre qui effectue des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'oeuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage n'a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations que lorsque, soit elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, soit le maître d'oeuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.
6. Dans l'hypothèse où une modification de programme ou de prestations a été décidée par le maître de l'ouvrage, le droit du maître d'oeuvre à l'augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l'existence de prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître de l'ouvrage. En revanche, ce droit n'est subordonné, ni à l'intervention de l'avenant qui doit normalement être signé en application des dispositions précitées de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993, ni même, à défaut d'avenant, à celle d'une décision par laquelle le maître d'ouvrage donnerait son accord sur un nouveau montant de rémunération du maître d'oeuvre.
En ce qui concerne l'accord transactionnel du 27 octobre 2008 :
7. En vertu de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître et qui a, entre les parties, en vertu de l'article 2052 du même code, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.
8. Il ressort de l'instruction du dossier qu'un accord transactionnel a été signé le 27 octobre 2008 ayant pour objet de " mettre fin à la réclamation de l'architecte en date du 23 janvier 2007 sauf en ce qui concerne la mise en place d'un escalier provisoire et de passerelles suspendues au bâtiment USN (montant réclamé 4 500 euros HT) et l'allongement de la durée du chantier au-delà des sept mois visés ci-après ainsi qu'en annexe 2 des présentes ".
9. A cet égard, il résulte de l'instruction que les demandes formulées par la société requérante au titre de prestations supplémentaires résultant de modification de prestations décidées par le maître d'ouvrage dans son mémoire en réclamation du 23 janvier 2007 et dans son mémoire en réclamation du 26 mai 2010 ne sont pas identiques et que les conclusions présentées à ce titre dans la présente instance ne se heurtent pas à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la transaction du 27 octobre 2008.
10. Il en va de même pour les demandes formulées au titre de prestations supplémentaires d'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) qui auraient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art dès lors qu'il ressort du mémoire en réclamation du 23 janvier 2007 et de la transaction elle-même que la société requérante n'avait pas dans ce cadre demandé de somme au titre de prestations d'OPC mais seulement une somme de 24 000 euros HT correspondant à 200 heures de travail pour la réalisation de dix-sept plans et coupes et dix-huit images de synthèse.
En ce qui concerne les prestations supplémentaires résultant des modifications de programme et des travaux supplémentaires décidés par le centre hospitalier d'Orsay (100 903,50 euros HT) :
11. La société E... ARCHITECTES soutient qu'au cours de la phase II le centre hospitalier d'Orsay a conclu vingt-six avenants avec les entreprises et que ces travaux supplémentaires ont entraîné des prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître de l'ouvrage. Toutefois, le maître d'oeuvre ne saurait déduire de la seule conclusion d'avenants aux marchés de construction l'existence de prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître de l'ouvrage. D'ailleurs, les stipulations de l'article 1.6.7 du CCAP du marché de maîtrise d'oeuvre mettaient à la charge du maître d'oeuvre l'élaboration des avenants dans le cadre du prix global et forfaitaire de son marché. En outre, il résulte de l'instruction que ces avenants, en particulier les avenants n° 1 et 2, concernaient des travaux supplémentaires de faible importance (demande de grilles de caniveau pour l'avenant n° 1 et pose d'un contact à clé en lieu et place du bouton dans un ascenseur pour l'avenant n° 2) dont il est impossible de déduire qu'ils auraient nécessité l'intervention du maître d'oeuvre au-delà de ce qui était déjà inclus dans le prix forfaitaire du marché. Il résulte de ce qui précède que la société E... ARCHITECTES ne démontre pas en quoi ces travaux demandés aux entreprises auraient eu des répercussions sur ses prestations de maîtrise d'oeuvre, rémunérées de façon forfaitaire, ni qu'ils aient généré des prestations supplémentaires pour elle. Les conclusions présentées à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées.
En ce qui concerne les prestations supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art (123 381,80 euros HT) :
12. La société E... ARCHITECTES soutient qu'en méconnaissance des stipulations de l'article 1.11 du CCAP du marché de maîtrise d'oeuvre, le centre hospitalier d'Orsay s'est abstenu de confier la mission d'OPC à une personne ou un organisme habilité et qu'elle a été de fait conduite à remplir cette mission. Elle demande à ce titre la condamnation du centre hospitalier d'Orsay à lui verser la somme de 123 381,80 euros HT.
13. Toutefois, la seule circonstance que le maître d'ouvrage, qui assurait la conduite d'opération selon les stipulations de l'article 1.8 du CCAP du marché de maîtrise d'oeuvre, n'ait pas désigné un responsable de la mission d'OPC comme le prévoyait le marché et qu'un responsable OPC ait été désigné pour la phase II ne permet pas à d'établir que la société E... ARCHITECTES aurait rempli la mission d'OPC durant la phase I. A cet égard, la société requérante, en se bornant à ajouter des mentions " OPC " en marge de certains passages des comptes-rendus de chantier, sans apporter aucun élément détaillé sur le contenu et l'importance de ces prestations d'OPC qu'elle aurait réalisées, n'en démontre pas la réalité. Au demeurant, il résulte de l'instruction que la désorganisation du chantier et le retard pris dans les travaux proviennent, selon l'expert, en très grande partie des fautes commises par la maîtrise d'oeuvre elle-même, à savoir une insuffisance de préparation des travaux avant le démarrage, l'absence de remise d'un calendrier détaillé d'exécution à la personne responsable du marché avant le démarrage des travaux, l'émission d'un ordre de service identique à toutes les entreprises leur demandant de commencer leur prestation à la même date et un manque de rigueur dans la direction de l'exécution des contrats de travaux dont elle était chargée en application des stipulations de l'article 1.6.7 du CCAP du marché de maîtrise d'oeuvre.
14. Dans ces conditions, la société E... ARCHITECTES n'est pas fondée à demander la condamnation du centre hospitalier à lui verser une somme supplémentaire au titre de missions d'OPC qu'elle aurait effectuées sans rémunération.
En ce qui concerne l'allongement des délais d'exécution (283 842,13 euros HT) :
15. La société E... ARCHITECTES demande la condamnation du centre hospitalier d'Orsay au titre de l'allongement des délais d'exécution de la phase II. Elle fait valoir que contractuellement, la phase II devait durer huit mois et aurait dû ainsi s'achever en mars 2008 alors qu'elle ne s'est finalement achevée qu'en septembre 2009 avec dix-neuf mois de décalage. Toutefois, il résulte de l'instruction et du rapport d'expertise qu'à la demande de l'expert, les entreprises ont établi et signé un planning de la phase II, que ce planning a été respecté et qu'il n'y a donc pas eu de retard dans l'exécution de la phase II, le décalage de la date d'achèvement de la phase II provenant du retard de près de trois ans qui a affecté le déroulement de la phase I. Or, à cet égard, il résulte de l'instruction que la société E... ARCHITECTES avait déjà sollicité l'indemnisation de l'allongement des travaux lors de sa réclamation portant sur la première phase des travaux et que le centre hospitalier d'Orsay a accepté, dans le cadre de la transaction du 27 octobre 2008, de verser une somme de 48 272 euros HT correspondant à l'indemnisation de sept mois d'allongement. En outre, il résulte des opérations d'expertise que la majeure partie du retard pris dans le déroulement des travaux de la phase I est imputable à des fautes professionnelles et à un manque de rigueur dans la direction du chantier imputable à la maîtrise d'oeuvre. L'expert a estimé que la part de responsabilité de la société E... ARCHITECTES s'élevait à 70 % du retard pris. Enfin, la société E... ARCHITECTES, titulaire d'un marché de maîtrise d'oeuvre rémunéré par un prix forfaitaire, qui se borne à faire valoir que l'allongement des délais d'exécution lui ouvrirait droit à une rémunération complémentaire, n'établit ni que la prolongation de sa mission a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage, ni que s'agissant de prestations non commandées par le maître d'ouvrage, elles auraient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou qu'elles résultent de sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat. Dans ces conditions, la société E... ARCHITECTES n'est pas fondée à demander la condamnation du centre hospitalier d'Orsay à lui verser la somme de 283 842,13 euros HT au titre de l'allongement de la durée des travaux.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société E... ARCHITECTES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Orsay.
Sur les frais d'expertise :
17. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
18. En mettant à la charge du centre hospitalier d'Orsay 30 % des frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 18 885,45 euros TTC et en rejetant les conclusions principales de la demande de la société E... ARCHITECTES, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.
Sur les frais liés à l'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Orsay, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à la société requérante.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société E... ARCHITECTES est rejetée.
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N°17VE00967