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28/01/2020 | FRANCE | N°17VE02790

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 28 janvier 2020, 17VE02790


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) NOVARTIS PHARMA a, par deux instances distinctes, demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, de prononcer le remboursement d'un crédit de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises acquittée au titre de l'année 2012 à hauteur de 1 276 454 euros, le versement des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code

civil et la mise à la charge de l'État d'une somme de 5 000 euros au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) NOVARTIS PHARMA a, par deux instances distinctes, demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, de prononcer le remboursement d'un crédit de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises acquittée au titre de l'année 2012 à hauteur de 1 276 454 euros, le versement des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil et la mise à la charge de l'État d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, d'autre part, de prononcer le remboursement d'un crédit de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises acquittée au titre de l'année 2013 à hauteur de 1 721 616 euros, le versement des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil et la mise à la charge de l'État d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Par un jugement nos 1505726 et 1505728 du 22 juin 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 août 2017, 5 juin 2018, 12 juillet 2019 et 10 janvier 2020, la SAS NOVARTIS PHARMA, représentée par Mes Robert et Damiano, avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer les restitutions sollicitées, assorties des intérêts moratoires ;

3° d'inviter, en tant qu'amicus curiae, sur le fondement des articles R. 625-2 et R. 625-3 du code de justice administrative, le CEPS en tant que partie aux accords contractuels de prix et de " remises conventionnelles " en cause à confirmer (i) la distinction entre les " remises conventionnelles " et les versements de la contribution ONDAM visée à l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, sous forme de " remises ", et (ii) la nature juridique de réductions rétroactives de prix des " remises conventionnelles " en litige ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5° de condamner l'État aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut de base légale ;

- le service a, à tort, refusé, pour l'application de l'article 1586 sexies du code général des impôts, l'exclusion des " remises conventionnelles " ou " remises produits " du chiffre d'affaires réalisé, alors, d'une part, qu'il s'agit, en tant que ristournes, de réductions du prix des médicaments et que seul le chiffre d'affaires net doit être pris en compte, d'autre part, que tant le droit de l'Union européenne que la Cour de justice de l'Union européenne prévoient qu'une société ne peut être imposée que sur du chiffre d'affaires effectivement perçu et, enfin, que cela conduit à une discrimination au sein de l'Union européenne contraire au principe d'égalité de traitement issu du droit de l'Union, à une discrimination à rebours contraire aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, ainsi qu'à une imposition revêtant un caractère confiscatoire au regard du droit national et européen.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me Damiano, avocat de la SAS NOVARTIS PHARMA.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS NOVARTIS PHARMA, qui a pour activité le commerce de gros de spécialités pharmaceutiques, a, par deux réclamations datées du 31 décembre 2014, sollicité la restitution partielle des cotisations de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013, correspondant à la déduction, pour le calcul de sa valeur ajoutée, des remises conventionnelles visées aux articles L. 138-10 et L. 162-18 du code de la sécurité sociale. L'administration ayant rejeté les réclamations présentées par la SAS NOVARTIS PHARMA, cette dernière a saisi, par deux instances distinctes, le Tribunal administratif de Montreuil de demandes en restitution de ces impositions à hauteur des sommes de 1 276 454 euros au titre de l'année 2012 et de 1 721 616 euros au titre de l'année 2013 assorties des intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales avec capitalisation de ces derniers. Par un jugement du 22 juin 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. La SAS NOVARTIS PHARMA fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En indiquant, dans son point 8, que " si la société Novartis Pharma soutient que la prise en compte des remises conventionnelles dans la base d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée conduirait à une discrimination au sein de l'Union européenne, elle ne l'établit pas ", le Tribunal a, compte tenu de la teneur de l'argumentation invoquée devant lui tenant seulement au fait que d'autres États de l'Union européenne admettent la déductibilité de telles remises pour le calcul de cette taxe, suffisamment motivé son jugement sur ce point. Par ailleurs, cette argumentation était, en tout état de cause, inopérante dès lors que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est distincte de la taxe sur la valeur ajoutée et uniquement régie par la loi fiscale interne. Il ressort également du point 5 du jugement attaqué, que les premiers juges ont énoncé de façon suffisamment complète et précise le motif pour lequel les remises conventionnelles ne pouvaient être prises en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle est déterminée la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué sur ces deux points ne peuvent donc qu'être rejetés.

3. En second lieu, si la SAS NOVARTIS PHARMA fait valoir que les premiers juges auraient commis une erreur manifeste d'appréciation et entaché leur jugement d'un défaut de base légale, de tels moyens ont trait au bien-fondé du jugement et ne sont donc pas susceptibles d'en affecter la régularité.

Sur bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I. - Les personnes (...) morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. (...) 2. La fraction de la valeur ajoutée mentionnée au 1 est obtenue en multipliant cette valeur ajoutée par un taux égal à 1, 5 %. (...) ". Aux termes de l'article 1586 sexies du même code : " I.-Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : (...): / 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1 (...) / b) Et, d'autre part : /-les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; /-diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ; /-la variation négative des stocks ; /-les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces biens lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance ; toutefois, lorsque les biens pris en location par le redevable sont donnés en sous-location pour une durée de plus de six mois, les loyers sont retenus à concurrence du produit de cette sous-location ; /-les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, les contributions indirectes, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ; /-les autres charges de gestion courante, autres que les quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ; /-les abandons de créances à caractère financier, à la hauteur du montant déductible des résultats imposables à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés ; /-les dotations aux amortissements pour dépréciation afférentes aux biens corporels donnés en location ou sous-location pour une durée de plus de six mois, donnés en crédit-bail ou faisant l'objet d'un contrat de location-gérance, en proportion de la seule période de location, de sous-location, de crédit-bail ou de location-gérance ; /-les moins-values de cession d'éléments d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante. ".

5. Les dispositions du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause.

6. Il résulte des dispositions de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale que les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables peuvent s'engager à faire bénéficier diverses caisses d'assurances maladie de remises sur tout ou partie du chiffre d'affaires de ces spécialités réalisées en France. En particulier, ces entreprises peuvent conclure une convention avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), qui comporte notamment des engagements portant sur leur chiffre d'affaires et dont le non-respect peut entraîner le versement de telles remises. Un tel conventionnement leur permet de ne pas être redevables de la contribution prévue par les dispositions de l'article L. 138-10 du même code lorsque leur chiffre d'affaires de l'année civile s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente, d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Dans ces conditions, ces remises, qui sont directement versées à l'assurance maladie, ne constituent pas des avantages tarifaires consentis par les entreprises pour fidéliser leur clientèle, mais un mécanisme visant à réduire les dépenses d'assurance maladie. Par suite, elles ne sauraient être regardées comme des " réductions sur ventes " au sens des dispositions de l'article 1586 sexies du code général des impôts, interprétées à la lumière du compte 709 " rabais, remises, ristournes " du plan comptable général. Il en va de même des remises prévues par une telle convention, qui sont versées, en fonction du prix de certains produits, en cas de non-respect des engagements souscrits à propos des modalités d'utilisation de ces produits. La société requérante ne saurait utilement invoquer, pour contester une telle interprétation, le droit de l'Union européenne relatif au droit des sociétés ainsi qu'au contrôle des concentrations entre entreprises, ou encore le droit de l'Union européenne et la jurisprudence rendue par la Cour de justice de l'Union européenne en matière de taxe sur la valeur ajoutée, s'agissant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, imposition d'une nature différente, au demeurant non régie par le droit de l'Union européenne. Pour ce dernier motif, elle ne peut davantage se prévaloir de l'existence d'une supposée discrimination au sein de l'Union européenne, contraire au principe communautaire d'égalité de traitement. En outre, faute de mémoire distinct conforme à l'article R. 771-3 du code de justice administrative, la société requérante n'est pas recevable à contester la conformité à la Constitution des dispositions législatives fondant l'imposition litigieuse en se prévalant des principes d'égalité devant la loi et les charges publiques ainsi que du droit de propriété. Enfin, elle n'est pas fondée à faire valoir le caractère confiscatoire d'une telle imposition, en méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce qu'elle pèserait sur un revenu alors que le contribuable n'en a pas la disposition dès lors que les remises conventionnelles constituent, non pas un tel revenu mais des charges que doivent acquitter les contribuables concernés et dont le législateur a décidé qu'elles ne seraient pas déductibles de la valeur ajoutée. En conséquence, c'est à juste titre que le service a estimé que ces remises ne venaient pas en diminution des produits comptabilisés pour la détermination de la valeur ajoutée définie par l'article 1586 sexies du code général des impôts.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de solliciter le CEPS en application de l'article R. 625-3 du code de justice administrative, que la SAS NOVARTIS PHARMA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées. En l'absence de dépens, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS NOVARTIS PHARMA est rejetée.

2

N° 17VE02790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02790
Date de la décision : 28/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-03-02 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET HOGAN LOVELLS PARIS LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-28;17ve02790 ?
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