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23/01/2020 | FRANCE | N°18VE01855

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 23 janvier 2020, 18VE01855


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 et de lui accorder le sursis de paiement.

Par un jugement n° 1507479 du 30 mars 2018, le tribunal administratif de Versailles a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions à fin d'octroi du sursis de paiement, l'a d

chargée des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à sa char...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 et de lui accorder le sursis de paiement.

Par un jugement n° 1507479 du 30 mars 2018, le tribunal administratif de Versailles a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions à fin d'octroi du sursis de paiement, l'a déchargée des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à sa charge correspondant à l'application du coefficient de 1,25 prévu au 7. de l'article 158 du code général des impôts et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 mai 2018 et le 11 mars 2019, Mme A..., représentée par Me B... et Me C..., avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de ce que le courrier l'informant d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ne lui aurait pas été régulièrement notifié ;

- les premiers juges ont inexactement motivé leur décision en estimant qu'un avis de vérification lui avait été adressé alors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une vérification de comptabilité mais d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle et que cet avis n'avait pas à être signé ;

- ni la charte du contribuable vérifié, ni aucun avis d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ne lui ont été régulièrement adressés ;

- cet avis n'est pas signé ;

- son droit à un débat oral et contradictoire a été méconnu ;

- aucune demande de justifications ou d'éclaircissements ne lui a été adressée dans le cadre de ce débat ;

- le délai pour répondre à la demande concernant la nature et la justification de certains crédits bancaires qui lui a été imparti était inférieur à 30 jours, en violation du délai minimal prévu par les dispositions de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales ;

- son droit à présenter des observations dans le délai légal à la suite de la réception de la proposition de rectification a été méconnu ;

- c'est, dès lors, à tort que l'administration fiscale l'a regardée comme ayant accepté les rehaussements ;

- le service n'a pas répondu à ses observations ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- cette proposition de rectification lui a été adressée de manière concomitante à celle envoyée à la SARL Tip Top, et revêt, dès lors, un caractère prématuré ;

- l'ensemble de ces irrégularités ont revêtu un caractère substantiel et porté atteinte aux droits de la défense au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- le " profit sur le Trésor " réintégré au sein du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés de la SARL Tip Top ne pouvait être regardé comme un revenu lui ayant été distribué par application du mécanisme de la déduction en cascade prévu à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration fiscale n'établit ni que les sommes créditées sur ses comptes bancaires correspondraient à la rectification du résultat imposable de la SARL Tip Top, ni que ces bénéfices ne seraient pas demeurés investis au sein de la société ;

- les sommes rehaussées n'ont pas le caractère de distribution occulte ;

- les sommes portées au crédit de ses comptes bancaires ne sont que le remboursement d'avances préalablement consenties à la société pour régler les charges et factures fournisseurs ;

- c'est à tort que les sommes correspondant aux salaires versés par la société à M. E..., qui ont fait l'objet d'une double imposition, ont été réintégrées à son revenu imposable ;

- l'administration fiscale ne pouvait, sans la priver d'une garantie, procéder à une substitution de base légale entre les dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts et celles du c de l'article 111 de ce code ;

- les rehaussements en litige ne pouvaient être assortis d'un intérêt de retard excédent le taux d'intérêt légal.

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Illouz, conseiller,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Tip Top a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, qui a procédé à l'évaluation d'office de ses bases d'imposition, lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ainsi que des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008 et en 2009. Parallèlement, le service a diligenté un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de Mme A..., gérante de droit de la société au cours de la période en litige, à l'issue duquel il lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la réintégration des revenus distribués par la société dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de l'intéressée. Après plusieurs abandons partiels en cours de procédure contradictoire, Mme A... a demandé devant le tribunal administratif de Versailles la décharge des impositions demeurées à sa charge. Mme A... relève régulièrement appel du jugement du 30 mars 2018 en tant que, par ce jugement, le tribunal, après l'avoir déchargée des suppléments de contributions sociales résultant de l'application de la majoration de 1,25 prévue par le 7. de l'article 158 du code général des impôts, a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du livre des procédures fiscales : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il résulte de la minute du jugement attaqué que, pour écarter le moyen tiré du défaut de notification régulière de l'avis d'examen de situation fiscale personnelle et de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié à Mme A..., le tribunal a relevé que l'administration fiscale produisait un avis mentionnant le nom de son rédacteur, un avis de réception postal faisant état d'une présentation et du dépôt d'un avis de passage au destinataire en date du 19 janvier 2011 ainsi que d'un retour du pli à l'expéditeur, et précisé qu'elle faisait valoir que le pli recommandé contenait l'avis de vérification produit, ainsi que l'imprimé type de la charte des droits et obligations du contribuable visé dans l'avis d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle. Dès lors, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments des parties, ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point.

4. Si Mme A... soutient que les premiers juges auraient inexactement motivé leur décision en estimant, d'une part, qu'un avis de vérification lui avait été adressé alors qu'il s'agissait en réalité d'un avis d'examen de sa situation fiscale personnelle, et d'autre part, qu'aucune disposition n'imposait l'envoi d'un tel avis signé, un tel moyen, qui se rattache au bien-fondé de la décision juridictionnelle dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ne constitue pas un moyen d'irrégularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. (...) ". L'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige, énonçait : " (...) / Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. ".

6. D'une part, il incombe à l'administration, lorsque le juge de l'impôt est saisi d'un moyen en ce sens, d'établir que le contribuable a reçu notification régulière des différents courriers qu'elle est tenue de lui adresser dans le cadre de la procédure de contrôle qu'elle diligente. En cas de retour à l'administration du pli contenant la notification, cette preuve peut résulter soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste.

7. L'administration a produit devant les premiers juges une copie d'un avis de réception postal agrafé à une enveloppe faisant mention de la présentation d'un pli au domicile de Mme A... le 19 janvier 2011, et portant le tampon d'une réexpédition au service, à l'issue du délai de garde postale de quinze jours, le 4 février 2011, au motif " non réclamé ". Elle établit donc, au regard de ces mentions précises, claires et concordantes, qu'un avis de passage indiquant à Mme A... qu'un pli était en instance au bureau de poste a été déposé dans sa boîte aux lettres. En tout état de cause, il résulte de l'instruction qu'un courrier daté du 7 février 2011, dont Mme A... a accusé réception le 14 février suivant, lui indiquait que l'avis du 18 janvier 2011 ainsi qu'un nouvel exemplaire de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié étaient joints à cet envoi. Si l'appelante soutient que ces documents ne figuraient pas dans ce pli, elle n'établit ni même n'allègue avoir entrepris des démarches pour obtenir leur communication effective. Le moyen tiré du défaut de notification régulière de ces deux documents doit, par suite être écarté.

8. D'autre part, le ministre de l'action et des comptes publics produit une copie de l'avis d'examen contradiction de situation fiscale personnelle daté du 18 janvier 2011 signé par le vérificateur. Le moyen tiré du défaut de signature de cet avis manque dès lors et en tout état de cause, en fait.

9. En deuxième lieu, le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48, marque l'achèvement de cet examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir.

10. Mme A... soutient, d'une part, que le débat oral et contradictoire auquel elle avait droit n'a pas porté sur l'intégralité des crédits bancaires réintégrés dans ses bénéfices imposables et qu'en particulier, si par un courrier du 10 mai 2011, le service l'a interrogée sur la nature et l'origine de crédits portés sur son compte bancaire pour un total de 25 834,05 euros sur 2008 et 95 114,85 euros sur 2009, le montant des crédits bancaires réintégrés dans ses revenus mentionné dans la proposition de rectification qui lui a été adressée le 25 juillet 2011 s'élève à 42 259,44 euros pour 2008 et 106 465,31 euros pour 2009.

11. Toutefois, et d'une part, il est constant qu'au cours des opérations de contrôle, Mme A... et le vérificateur se sont entretenus les 18 mars, 5 avril, 23 mai, 20 juin et 7 juillet 2011. Il résulte en outre des mentions portées dans la proposition de rectification qu'au cours de l'entretien du 23 mai 2011, Mme A... a présenté un tableau de synthèse et des justificatifs sur l'origine et la nature des sommes créditées sur son compte bancaire. Ce point a donc fait l'objet d'une discussion avec le vérificateur. Mme A... ne donne aucune précision sur la teneur et le contenu des entretiens postérieurs à l'envoi du courrier du 10 mai 2011 et la seule circonstance que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 25 juillet 2011 envisageait des réintégrations supérieures aux montants mentionnés dans le courrier du 10 mai 2011 ne permet pas de conclure que l'origine et la nature des crédits finalement taxé par l'administration n'auraient pas fait l'objet d'un dialogue contradictoire.

12. D'autre part, si l'appelante fait grief à l'administration fiscale de ne pas lui avoir adressé un courrier de demande de justifications en vertu du troisième alinéa de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, l'absence d'envoi d'une telle demande, qui ne constituait au demeurant qu'une faculté et non une obligation pour le service, n'est par elle-même pas susceptible de porter atteinte au caractère contradictoire du débat. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

13. En troisième lieu, la circonstance qu'une demande de justifications portant sur des écritures des années vérifiées soit adressée au contribuable par écrit, pendant le déroulement de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, ne suffit pas à faire regarder une telle demande comme ayant le caractère d'une demande de renseignements, d'éclaircissements ou de justifications formulée en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales. Une telle demande est un élément du dialogue auquel donne lieu l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle et n'est pas soumise, notamment, aux règles fixées par l'article L. 11 du livre des procédures fiscales relatives au délai laissé au contribuable pour répondre aux demandes de l'administration. Le moyen tiré de ce que le service aurait laissé un délai inférieur à trente jours à Mme A... pour répondre au courrier du 10 mai 2011 qui lui a été adressé dans le cadre de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle doit, dès lors, être écarté.

14. En quatrième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.

15. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée à Mme A... précise que l'examen de ses comptes bancaires sur les années 2008 et 2009 a mis en évidence qu'elle avait perçu des virements de la SARL Tip Top dont les montants sont précisés. Cette proposition reprend des extraits de celle adressée à cette société où il est notamment indiqué qu'à hauteur de 42 259 euros en 2008 et 106 466 euros en 2009, les encaissements de la société Tip Top sont reversés à Mme A.... Le service n'avait pas, par suite, à l'annexer. Par ailleurs, le vérificateur, qui a mis en évidence une appréhension directe, par l'appelante, des sommes distribuées par cette société, n'était ainsi pas tenu d'évoquer la notion de maîtrise de l'affaire au sein de cette proposition de rectification. Enfin, la proposition de rectification adressée à Mme A... précise que ces encaissements sont taxés comme revenus distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 et du c) de l'article 111 du code général des impôts. Cette proposition de rectification indique dès lors au contribuable les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit, par suite, être écarté.

16. En cinquième lieu, aucun principe ni aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration fiscale, lorsqu'elle entend imposer entre les mains d'une personne physique des revenus distribués dont l'existence a été révélée par les opérations de contrôle diligentées à l'encontre de la société distributrice, d'attendre l'expiration du délai de réponse à la proposition de rectification adressée à cette société pour notifier au bénéficiaire des revenus distribués les rehaussements envisagés. Le moyen tiré du caractère précoce de l'envoi de la proposition de rectification à Mme A... doit dès lors être écarté.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification. ". Les deux premiers alinéas de l'article L. 57 de ce livre disposent : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) ".

18. Il est constant que la proposition de rectification adressée à Mme A... a été reçue par celle-ci le 29 juillet 2011 et que, par courrier du 9 août 2011, l'intéressée a demandé que le délai prévu à l'article L. 11 du livre des procédures fiscales soit prorogé de trente jours conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 57 de ce livre. Il résulte de l'instruction que, par courriel du 27 septembre 2011, Mme A... a indiqué au service qu'elle entendait présenter des observations et remettre des pièces justificatives volumineuses, et qu'en réponse à ce courriel, le vérificateur lui a indiqué le jour-même que ses observations écrites et pièces justificatives devaient parvenir par tout moyen au service avant l'expiration du délai légal prorogé, en précisant les conséquences d'une éventuelle carence à y procéder dans ce délai. L'administration n'a donc pas méconnu les délais accordés aux contribuables pour formuler des observations à la proposition de rectification.

19. En septième lieu, et ainsi qu'il vient d'être dit, il n'est pas contesté qu'aucune observation écrite n'est parvenue au service avant l'expiration du délai accordé à Mme A.... Par suite, le moyen tiré de l'absence de réponse de l'administration fiscale à ces observations ne peut qu'être écarté.

20. En huitième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 19 que Mme A... n'établit pas que la procédure d'imposition en litige serait irrégulière. Par suite, le moyen tiré de ce que les prétendues irrégularités alléguées par Mme A... présenteraient un caractère substantiel et auraient porté atteinte aux droits de la défense au sens des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

21. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

22. Ainsi qu'il a été dit au point 19, Mme A... n'a pas présenté dans le délai légal d'observations à la proposition de rectification. Par suite, elle supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en litige.

23. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". L'article 111 de ce code énonce : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

24. En premier lieu, l'administration, qui ne peut renoncer à appliquer la loi fiscale, est en droit à tout moment de justifier l'impôt sur un nouveau fondement légal qu'elle a compétence liée pour appliquer dès lors que cette substitution ne prive le contribuable d'aucune garantie. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... ait été privée d'une quelconque garantie du fait de la substitution de base légale opérée par l'administration fiscale entre les dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts et celles du c. de l'article 111 de ce code au sein du courrier rejetant sa réclamation préalable. Le moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait procéder à une telle substitution doit, dès lors, être écarté.

25. En deuxième lieu, Mme A... soutient que l'administration fiscale ne pouvait réintégrer à ses revenus imposables les sommes correspondant aux rehaussements notifiés à la SARL Tip Top au titre du profit sur le Trésor. Toutefois, il résulte de l'instruction que les sommes finalement réintégrées au sein des revenus de capitaux mobiliers de l'appelante à la suite des abandons partiels prononcés en cours de procédure sont inférieures au résultat reconstitué de la SARL Tip Top avant réintégration du profit sur le Trésor. Le moyen manque donc, en tout état en cause, en fait.

26. En troisième lieu, Mme A... fait valoir que certains crédits constatés sur son compte bancaire en provenance de la SARL Tip Top n'ont pas le caractère de revenus que cette société lui aurait distribués, mais de remboursements d'avances qu'elle avait consenties à la société pour que celle-ci soit en mesure de régler des factures. Le ministre de l'action et des comptes publics fait toutefois valoir sans être contredit que l'intégralité des factures concernées et versées aux débats par l'appelante ont déjà été prises en compte par ses services, lesquels ont prononcé, à due concurrence des sommes justifiées, un abandon partiel par courrier du 22 mars 2012. Dès lors, Mme A... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des impositions en litige s'agissant de ce chef de rehaussement.

27. En quatrième lieu, Mme A... soutient qu'elle vivait en concubinage durant les années d'imposition en litige avec M. E..., salarié de la SARL Tip Top, que certains virements en provenance de la société vers son compte bancaire correspondraient aux salaires de son concubin d'alors, et que ces sommes ne devraient pas, dès lors, faire l'objet d'une double imposition. Cependant, Mme A... n'apporte aucun élément tendant à démontrer que les salaires versés à M. E... auraient été virés sur ses comptes bancaires personnels. En outre, le ministre de l'action et des comptes publics relève sans être contredit que M. E... n'a jamais déposé de déclarations d'impôt sur le revenu et qu'aucune imposition n'a été établie à son nom. Dès lors, Mme A... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des impositions en litige s'agissant de ce chef de rehaussement.

28. En cinquième et dernier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que les dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts permettent de fonder légalement l'ensemble des rehaussements en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que les sommes rehaussées n'auraient pas le caractère de distribution occulte au sens du c. de l'article 111 de ce code ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'intérêt de retard :

29. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. - Toute somme, dont l'établissement ou le recouvrement incombe à la direction générale des impôts, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) III. - Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. (...) ".

30. L'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Il suit de là que Mme A... ne peut utilement soutenir que le taux annuel de l'intérêt de retard devait être limité au taux annuel de l'intérêt légal.

31. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

2

N° 18VE01855


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01855
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. TRONEL
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : SELARL DUBAULT-BIRI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-23;18ve01855 ?
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