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23/01/2020 | FRANCE | N°18VE00728

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 23 janvier 2020, 18VE00728


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2014 par lequel le préfet des Yvelines a déclaré d'utilité publique au profit de la commune de Maisons-Laffitte l'acquisition de la parcelle cadastrée AM n° 134 nécessaire à la constitution d'une réserve foncière en vue de la réalisation d'un programme de logements sociaux sur le territoire de la commune de Maisons-Laffitte, et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2014 par lequel

le préfet des Yvelines a déclaré immédiatement cessible au profit de la commu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2014 par lequel le préfet des Yvelines a déclaré d'utilité publique au profit de la commune de Maisons-Laffitte l'acquisition de la parcelle cadastrée AM n° 134 nécessaire à la constitution d'une réserve foncière en vue de la réalisation d'un programme de logements sociaux sur le territoire de la commune de Maisons-Laffitte, et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2014 par lequel le préfet des Yvelines a déclaré immédiatement cessible au profit de la commune de Maisons-Laffitte la parcelle cadastrée AM n° 832 nécessaire à la création d'une réserve foncière en vue de la réalisation d'un programme de logements sociaux et l'arrêté du 4 novembre 2014 du préfet des Yvelines portant modification de l'arrêté précédent et précisant que la parcelle déclarée cessible est celle cadastrée AM n° 134.

Par un jugement n° 1406163-1409147 du 22 décembre 2017 le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement ;

2° d'annuler les arrêtés précités du 1er juillet 2014, du 20 octobre 2014 et du 4 novembre 2014 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions du commissaire-enquêteur, muettes quant aux inconvénients de l'expropriation, sont insuffisamment motivées ;

- le défaut d'utilité publique ressort de ce que la commune de Maisons-Laffitte a commis un détournement de procédure en ayant recours à la procédure d'expropriation en vue de réaliser une opération immobilière en lien avec la suppression projetée par la commune d'un parking et afin de faire échec à des recours contentieux introduits contre un permis de construire délivré à la société CAP 78 et une opposition à déclaration préalable de travaux qu'elle-même avait présentée sur le bien ; le détournement de procédure vise à l'empêcher de mettre en oeuvre un projet de logements concurrent du projet de logements sociaux de la municipalité ; les premiers juges ont totalement occulté ce point.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., propriétaire indivis d'un terrain cadastré AM n° 134 situé 15 rue de Lorraine sur le territoire de la commune de Maisons-Laffitte, relève appel du jugement du 22 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2014 par lequel le préfet des Yvelines a déclaré d'utilité publique au profit de la commune de Maisons-Laffitte l'acquisition de la parcelle cadastrée AM n° 134 nécessaire à la constitution d'une réserve foncière en vue de la réalisation d'un programme de logements sociaux sur le territoire de la commune de Maisons-Laffitte, et des arrêtés du 20 octobre 2014 et du 4 novembre 2014 par lesquels le préfet des Yvelines a déclaré immédiatement cessible au profit de la commune de Maisons-Laffitte la parcelle cadastrée AM n° 134.

Sur l'absence de reprise d'instance :

2. Aux termes de l'article R. 634-1 du code de justice administrative : " Dans les affaires qui ne sont pas en état d'être jugées, la procédure est suspendue par la notification du décès de l'une des parties ou par le seul fait du décès, de la démission, de l'interdiction ou de la destitution de son avocat. Cette suspension dure jusqu'à la mise en demeure pour reprendre l'instance ou constituer un avocat ". En l'espèce, le recours en excès de pouvoir étant en l'état d'être jugé à la date du décès de Mme C..., il y a lieu pour la Cour d'y statuer, alors même qu'aucun héritier n'a déclaré reprendre l'instance.

Sur la légalité de la déclaration d'utilité publique :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans sa version applicable : " Le commissaire enquêteur ou la commission examine les observations consignées ou annexées aux registres et entend toutes personnes qu'il paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande. / Le commissaire enquêteur (...) rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. (...) ". La règle de motivation ainsi prévue oblige le commissaire enquêteur à apprécier les avantages et inconvénients de l'opération et à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

4. Le commissaire enquêteur à l'issue de l'enquête qui s'est déroulée du 1er au 16 avril 2014 a examiné deux observations dont celle du conseil de Mme C... qu'il a analysées en cinq thèmes et comparées aux commentaires en réponse de la mairie en relevant que cette dernière " ne se prononce pas sur le lien éventuel entre les actions en justice décrites dans les observations et la décision d'acquérir la parcelle par expropriation ". S'il ne s'est ainsi pas explicitement prononcé sur les atteintes à la propriété de Mme C..., laquelle avait observé qu'elle avait présenté un recours en annulation de l'opposition du 30 octobre 2012 à sa déclaration préalable de travaux de ravalement, il a indiqué notamment qu'il s'agissait d'une réserve foncière pour la construction de logements sociaux dans une rue où " l'état d'abandon de l'immeuble contraste avec celui des autres qui paraissent en très bon état, qu'ils soient de construction récente ou, s'ils sont anciens comme c'est le cas de celui situé en vis-à-vis, en apparence soigneusement rénovés. ". Il doit être regardé comme ayant, dans son rapport rendu le 20 mai 2014, donné un avis personnel favorable motivé sur les avantages et inconvénients de l'opération envisagée en répondant également à l'observation de Mme C... sur l'existence d'une autre réserve foncière pour de tels logements par la mention selon laquelle " avec un pourcentage de 10,5% de logements sociaux en 2013, la commune est encore loin des 25% règlementaires, donc quels que soient les éventuels autres endroits potentiellement disponibles sur son territoire, l'opportunité de retenir cette parcelle est pertinente. ". Ainsi, les conclusions du commissaire enquêteur comportaient, eu égard à la nature du projet, la motivation exigée par les dispositions, mentionnées au point 3, de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

5. En deuxième lieu, il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente.

6. Il ressort des termes non contestés de la délibération du 28 mars 2014 du conseil municipal de Maisons-Laffitte que la commune a retenu ce terrain comme une " opportunité de réserve foncière pour la création d'une opération de logements sociaux " après avoir constaté notamment que " le bâtiment arrière, contenant 16 appartements est vide de tout occupant et clos. Seul le bâtiment sur rue, de 11 appartements qui a fait l'objet de quelques travaux de remise aux normes d'habitabilité, abrite encore des locataires ". L'estimation du service des domaines du 21 mars 2013 confirme que 4 appartements sont occupés par des locataires sur les 27 existants. Compte tenu de la finalité d'intérêt général ainsi poursuivie et de ce que la commune n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un projet immobilier de Mme C... qui se borne à produire notamment un devis de septembre 2012 de " travaux de réhabilitation de logements " présentait, alors même que l'opposition à des travaux de ravalement des façades des immeubles existants du 30 octobre 2012 a été annulée par un jugement du 20 novembre 2015 du Tribunal administratif de Versailles, des avantages comparables, notamment en termes de logements sociaux, sans procéder à l'expropriation en cause. Dans ces conditions, les atteintes portées à la propriété privée ne sont pas, eu égard aux besoins de logements sociaux de la commune de Maisons-Laffitte, de nature à retirer à l'expropriation projetée son caractère d'utilité publique.

7. En troisième et dernier lieu, le détournement de procédure allégué, tiré de ce que la commune de Maisons-Laffitte a agi en vue de dévaluer le bien, d'éviter de négocier directement avec les co-indivisaires et de faire échec à des recours contentieux introduits par Mme C..., n'est pas établi.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Maisons-Laffitte, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des ayants droit de Mme C... la somme demandée par la commune de Maisons-Laffitte au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Maisons-Laffitte présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 18VE00728 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00728
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Enquêtes - Enquête préalable - Commissaire enquêteur - Avis.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : CABINET LVI AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-23;18ve00728 ?
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