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23/01/2020 | FRANCE | N°18VE00682

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 23 janvier 2020, 18VE00682


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... C... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 19 août 2015 par laquelle le maire de la commune de Corbreuse a rejeté leur demande d'indemnisation du préjudice lié au retrait illégal d'un permis de construire des poulaillers et de condamner cette commune à leur verser une indemnité de 360 317,31 euros en réparation des divers préjudices subis.

Par un jugement n° 1506971 du 22 décembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur

demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... C... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 19 août 2015 par laquelle le maire de la commune de Corbreuse a rejeté leur demande d'indemnisation du préjudice lié au retrait illégal d'un permis de construire des poulaillers et de condamner cette commune à leur verser une indemnité de 360 317,31 euros en réparation des divers préjudices subis.

Par un jugement n° 1506971 du 22 décembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2018, M. et Mme C..., représentés par Me A..., avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1506971 du Tribunal administratif de Versailles du 22 décembre 2017 ;

2° de condamner la commune de Corbreuse à leur verser tant à titre personnel qu'en leur qualité de liquidateurs de la société Syla une somme de 360 317,31 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'attitude fautive de la commune et de l'illégalité du retrait du permis de construire tacite pour l'édification de bâtiments à usage agricole ;

3° de mettre à la charge de la commune de Corbreuse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions tendant à la mise en oeuvre de la responsabilité de la commune du fait de l'attitude fautive du service chargé de l'instruction de leur demande de permis de construire ;

- le maire de la commune a agi de façon fautive en laissant s'écouler le délai d'instruction de trois mois puis en prenant encore près de deux mois pour retirer la décision tacite de permis qui était née ;

- le maire de la commune a commis une faute en raison de l'illégalité de son arrêté de retrait dont aucun des motifs n'est justifié dès lors que le projet prévoit la viabilisation de la voie de desserte du terrain d'assiette et qu'il disposait du montant des travaux d'extension du réseau d'électricité nécessaires au projet, mis à la charge de la commune par ERDF ;

- le maire aurait dû demander la communication de pièces supplémentaires s'il les estimait nécessaires à son information ;

- cette double faute a empêché la société Syla de signer un contrat avec le centre avicole d'Ile-de-France et de mener à bien son projet ;

- il en résulte un préjudice matériel constitué de la perte des bénéfices attendus par l'exploitation de l'élevage, des dépenses engagées pour mener à bien le projet et de la perte d'une subvention, ainsi qu'un préjudice moral.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour M. et Mme C... et de Me E..., substituant Me B..., pour la commune de Corbreuse.

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme C... a été enregistré le 30 décembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., pour le compte de la SARL Syla, ont déposé le 18 juillet 2013 un dossier de demande de permis de construire deux bâtiments à usage de poulailler pour une surface de plancher de 3 251 m² sur un terrain situé au lieudit " La Galette " à Corbreuse. Une demande de pièces complémentaires a été effectuée le 31 juillet 2013 et le dossier a été complété le 9 août suivant. Du silence du maire gardé pendant plus de trois mois à compter de cette dernière date est née une décision tacite de permis de construire. Par un arrêté du 7 janvier 2014, après mise en oeuvre de la procédure contradictoire, le maire de la commune a retiré le permis tacite. Par une décision du 19 août 2015 le maire de la commune de Corbreuse a rejeté la demande indemnitaire de M. et Mme C... tendant à la condamnation de la commune à leur verser une indemnité de 360 317,31 euros en réparation des divers préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'illégalité de cet arrêté et de l'attitude fautive du maire. Par un jugement du 22 décembre 2017 dont M. et Mme C... relèvent appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision du 19 août 2015 et au versement de la somme de 360 317,31 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans leur requête enregistrée le 16 octobre 2015, présentée à l'appui de leur demande d'indemnisation, M. et Mme C... ont recherché la responsabilité de la commune sur le terrain de l'attitude fautive du maire. Faute pour les premiers juges de s'être prononcés sur l'engagement de la responsabilité de l'Etat à ce titre, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur ce fondement de responsabilité et de statuer immédiatement sur ce moyen par voie d'évocation partielle.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

3. En premier lieu, M. et Mme C... font état du comportement du maire de la commune de Corbreuse, auquel ils reprochent de s'être opposé au projet, après avoir laissé s'écouler le délai de trois mois de naissance d'une décision tacite d'autorisation du permis, par une décision de retrait prise dans un nouveau délai de deux mois. Ces délais les ont conduits à poursuivre en pure perte les discussions avec leur partenaire commercial. Toutefois, les délais précités sont ceux prévus respectivement par les dispositions combinées des articles R. 423-19, R. 423-23 et R. 424-1 du code de l'urbanisme et celles de l'article L. 424-5 du même code. Ces faits ne sauraient dès lors révéler à eux seuls un comportement dilatoire de la commune dans l'instruction du projet. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le comportement du maire dans l'instruction de leur projet immobilier est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article NC 3 du règlement du plan d'occupation des sols de Corbreuse : " Toute construction ou installation doit être desservie par une voie publique ou privée en bon état de viabilité dont les caractéristiques correspondent à la destination et permettent de satisfaire aux exigences de sécurité. Les accès doivent (...) notamment permettre une desserte automobile à moins de 50 m de toute occupation du sol autorisée. ".

5. Les requérants soutiennent que le maire ne pouvait retirer le permis de construire tacitement accordé le 9 novembre 2013 en se fondant sur la méconnaissance des dispositions de l'article NC 3 précitées. Toutefois, ils ne remettent pas en cause l'appréciation du maire selon laquelle la voie publique desservant le terrain d'assiette constitue un chemin rural en terre et enherbé qui n'est pas en bon état de viabilité et ne présente pas les caractéristiques permettant le passage des camions nécessaires à l'exploitation avicole des bâtiments projetés, de sorte que l'accès permettant la desserte automobile se situe à plus de 50 mètres de ce terrain. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier de demande de permis de construire que leur projet porte également sur la viabilisation de ce chemin rural dès lors que la notice mentionne uniquement que " les aires de manoeuvres et autres passages seront traités avec des matériaux nobles de type calcaire broyé ". Aucun autre document annexé à ce dossier ne fait état d'une viabilisation de ce chemin. Si les requérants produisent un devis établi le 4 juin 2013 par une société de terrassement qui prévoit le décapage des terres et le compactage des gravats pour stabilisation des aires de manoeuvre et du chemin d'accès pour un montant d'environ 11 000 euros HT, ce devis ne figurait pas au dossier de demande et n'est pas de nature à établir que la viabilisation du chemin était également prévue et suffisante pour assurer le respect des dispositions de l'article NC 3. Il en résulte que le maire pouvait sur ce seul fondement, et sans qu'il soit besoin de solliciter des éléments complémentaires, procéder au retrait du permis de construire tacitement obtenu.

6. En troisième lieu, la prise en charge financière des travaux nécessaires à l'alimentation en électricité de la construction en dehors du terrain d'assiette du projet incombe en principe à la commune. Il n'en est pas de même de ceux des travaux n'excédant pas 100 mètres, empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques qui, par dérogation, relèvent des équipements propres à l'opération, dans les conditions définies au quatrième alinéa de l'article L. 332-15. Si ces dispositions permettent ainsi à l'autorité administrative compétente en matière d'urbanisme de mettre à la charge du bénéficiaire d'une autorisation de construire la réalisation ou le financement des équipements propres liés à cette opération, elles ne lui ouvrent pas la faculté d'opposer un refus à une autorisation de construire. En outre, il ressort de l'avis d'ERDF émis le 16 septembre 2013 sur le projet des requérants que des travaux d'extension du réseau électrique haute tension sur une distance de 950 mètres devaient être réalisés et nécessitaient une contribution financière de 45 398,46 euros HT à la charge de la commune. Le maire de Corbreuse disposait donc des éléments suffisants pour exiger, en tant que de besoin, le financement de l'équipement propre en électricité de l'opération. Par suite, le motif tiré de ce que " le dossier du projet ne permet pas de déterminer le coût des équipements propres pour le raccordement du projet au réseau d'électricité et pas suite de fixer la contribution due par le pétitionnaire à ce titre " ne pouvait légalement justifier l'arrêté en litige. Toutefois, il résulte de l'instruction que le maire de Corbreuse aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur la méconnaissance des dispositions de l'article NC 3 du règlement du plan d'occupation des sols.

7. Au surplus, ainsi que le fait valoir la commune, le retrait du permis de construire tacitement accordé pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, alors applicable et devenu article L. 111-11 du même code, selon lesquelles notamment " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés ". Il résulte de l'instruction que l'alimentation en électricité du projet nécessitait une extension du réseau de distribution d'électricité sur 950 mètres pour un coût hors taxe de 45 398,46 euros à la charge de la commune. Ces travaux ne pouvant être regardés en application de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme comme un raccordement au réseau public susceptible d'être assuré par les pétitionnaires, et la commune n'entendant pas financer de tels travaux d'extension du réseau d'électricité pour un tel coût, au profit d'une activité privée dans une zone où le plan d'occupation des sols ne prévoit pas de développement autre que l'exploitation de la terre, elle n'était pas en mesure d'indiquer dans quel délai ces travaux devaient être exécutés. En application des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, le maire était ainsi tenu de refuser le permis de construire tacitement accordé, et partant, de retirer le permis de construire tacitement obtenu. Dès lors, l'arrêté du 7 janvier 2014 portant retrait du permis de construire tacitement attribué n'est pas entaché d'illégalité.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Corbreuse n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité. Les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme C... ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Corbreuse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C... la somme demandée par la commune de Corbreuse sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Corbreuse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 18VE00682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00682
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-025-02-01-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Octroi du permis. Permis tacite. Retrait.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO-MARTIN
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SCP SOUCHON-CATTE-LOUIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-23;18ve00682 ?
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