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16/01/2020 | FRANCE | N°17VE00577

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 16 janvier 2020, 17VE00577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du maire de Taverny du 12 décembre 2012 lui infligeant un avertissement, ensemble la décision du 7 mars 2013 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1303723 du 20 décembre 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement le 21 février 2017,

19 mai 2017 et 6 novembre 20

17, M. C..., représenté par Me Arvis, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du maire de Taverny du 12 décembre 2012 lui infligeant un avertissement, ensemble la décision du 7 mars 2013 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1303723 du 20 décembre 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement le 21 février 2017,

19 mai 2017 et 6 novembre 2017, M. C..., représenté par Me Arvis, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler ces décisions ;

3° de mettre à la charge de la commune de Taverny le versement de la somme de

2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne les notes, courriers ou mails qui lui ont été adressés ;

- les faits justifiant l'avertissement ne sont pas matériellement établis ; il a fait l'objet d'un acharnement de la part de ses supérieurs hiérarchiques révélés par les courriers, notes et mails figurant au dossier ; il n'a jamais refusé de participer à une réunion débutant après

18 heures ; la commune n'a jamais apporté la preuve de ses retards et des plaintes de ses collègues ;

- cette sanction méconnaît l'obligation générale de protection de la santé des agents ;

- elle traduit un dépassement de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et fait présumer un harcèlement moral et une discrimination syndicale, l'intéressé n'ayant par ailleurs pas bénéficié d'une progression de carrière conforme à ses aptitudes et mérites.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi du 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ingénieur territorial ayant exercé les fonctions de directeur des systèmes d'information et de télécommunications de la commune de Taverny, relève appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire du 12 décembre 2012 lui infligeant un avertissement, ensemble la décision du 7 mars 2013 rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. C... doit être regardé comme ayant abandonné son moyen tiré de ce que le jugement attaqué ne vise et n'analyse pas l'ensemble des écritures des parties, lequel était en tout état de cause dépourvu de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

3. En deuxième lieu, le jugement attaqué répond en son point 6 au moyen tiré de ce que la sanction litigieuse serait entachée d'erreurs de faits.

4. Enfin, en indiquant notamment que les échanges avec ses supérieurs hiérarchiques " se sont multipliés au cours de l'année 2012, en particulier à la suite de la saisine par l'intéressé du défenseur des droits, cette circonstance [n'étant] pas de nature à démontrer que les notes, courriers ou mails qui lui ont été adressés étaient injustifiés ", le jugement attaqué a été suffisamment motivé.

Sur la légalité de l'avertissement :

5. En premier lieu, il ressort des termes même de la décision du 12 décembre 2012 que cet avertissement est justifié par la circonstance que M. C... entretenait des échanges polémiques avec un certain nombre de ses collègues et notamment avec son supérieur hiérarchique depuis plus de trois ans et que son comportement général en service n'était pas acceptable. La matérialité des faits ainsi reprochés à M. C... est suffisamment établie par les nombreux échanges de courriels figurant au dossier, notamment par son courriel du

5 septembre 2012.

6. En deuxième lieu, l'avertissement litigieux ne traduit aucune méconnaissance de l'obligation faite à la commune de protéger la santé de ses agents.

7. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes de l'article 11 de cette même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionne. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

8. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

9. Enfin, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. M. C... fait valoir qu'il été victime de harcèlement moral et de discrimination à partir de l'année 2010 en raison du rattachement du service qu'il dirigeait à un supérieur hiérarchique avec lequel il était en conflit et de son engagement syndical. Toutefois, les nombreuses pièces produites par M. C..., notamment les deux attestations d'anciens agents de la commune ou la réponse du maire à la diffusion d'un tract syndical, ne comportent aucun élément suffisamment précis et circonstancié pouvant faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ou d'une discrimination syndicale. Si M. C... se prévaut de la dégradation injustifiée de ses évaluations annuelles à partir de 2009, il résulte cependant de l'instruction que cette dégradation est principalement liée aux importantes difficultés relationnelles rencontrées par l'intéressé avec les autres agents, avec ses supérieurs hiérarchiques ainsi qu'avec le maire de la commune. Alors même que ce reproche n'est pas précisément étayé dans ses évaluations annuelles, son existence est suffisamment établie par les nombreuses pièces, notamment des courriels, produits par le requérant et la commune de Taverny et n'est pas remise en cause par la circonstance que la commission administrative paritaire a émis un avis favorable à sa demande de révision de sa notation pour l'année 2012. En outre, si M. C... n'a pas été promu au grade d'ingénieur principal, il résulte de l'instruction que cette décision a été prise au regard de la manière de servir de l'intéressé et ne permet nullement de présumer l'existence d'un harcèlement moral ou d'une discrimination syndicale. Ainsi, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas bénéficié d'une progression de carrière conforme à ses aptitudes et à ses mérites. Les différents incidents survenus dans les rapports de M. C... avec ses supérieurs hiérarchiques ne font pas davantage présumer l'existence d'un harcèlement ou d'une discrimination et sont en revanche de nature à confirmer les difficultés relationnelles rencontrées par l'intéressé. Eu égard aux faits qui lui ont été reprochés et à la nature des sanctions disciplinaires dont il a fait l'objet, ces décisions ne caractérisent pas un acharnement faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral ou d'une discrimination à l'encontre de M. C.... Il n'est pas établi que les demandes adressées par ses supérieurs hiérarchiques auraient excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Enfin, il résulte de l'instruction que la décision du 21 janvier 2015 portant changement d'affectation de M. C..., ainsi que l'arrêté du 17 février 2015 portant suppression de la bonification indiciaire à la suite de ce changement d'affectation, ont été pris en raison des tensions importantes qui existaient dans le service et ne permettent pas de faire faire présumer l'existence d'un harcèlement ou d'une discrimination. Ainsi, l'illégalité de l'avertissement dont

M. C... a fait l'objet n'est pas établie.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Taverny, qui n'est pas la partie perdante, verse une quelconque somme à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 2 000 euros à la commune de Taverny à ce même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera la somme de 2 000 euros à la commune de Taverny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 17VE00577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00577
Date de la décision : 16/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : SCP ARVIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-16;17ve00577 ?
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