Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... J..., M. K... F..., M. A... E..., Mme C... E... et M. I... D... ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 18 février 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (DIRECCTE) a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique de la société Arjowiggins Security.
Par un jugement nos 1904896, 1904897, 1904898, 1904899 et 1904900 en date du 9 juillet 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2019, M. G... J..., M. K... F..., M. A... E..., Mme C... E... et M. I... D..., représentés par Me Chalon, avocat, demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement du 9 juillet 2019 ;
2° d'annuler la décision du 18 février 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique de la société Arjowiggins Security ;
3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- que le jugement litigieux est entaché d'une contradiction de motifs ;
- que le jugement litigieux est entaché d'une insuffisance de motivation, d'une erreur de droit et d'une erreur de fait consistant à avoir considéré que l'administration du travail n'avait pas à opérer de contrôle sur la recherche de l'abondement du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) par le groupe, et qu'au contraire, le juge administratif ainsi que l'administration du travail auraient dû contrôler si le liquidateur a bien contacté le groupe ;
- que le jugement litigieux est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de fait consistant à avoir considéré que la consultation du CHSCT et du comité d'entreprise ne devait pas porter sur la situation au niveau du groupe.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MM. J..., F... et E..., B... E... et M. D..., salariés de la société Arjowiggins Security, entreprise placée en liquidation judiciaire et autorisée à poursuivre son activité jusqu'au 30 janvier 2019 par un jugement du Tribunal de commerce de Nanterre en date du 16 janvier 2019, ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision en date du 18 février 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral établi par le liquidateur judiciaire de la société Arjowiggins Security, portant projet de licenciement collectif pour motif économique accompagné d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Par un jugement du 9 juillet 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande. MM. J..., F..., E..., B... E... et M. D... relèvent régulièrement appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Le tribunal, après avoir rappelé dans le point 4 du jugement les règles générales applicables en matière de contrôle de la validité des plans de sauvegarde de l'emploi dans les sociétés in bonis, et notamment la nécessité d'apprécier le contenu des mesures du plan au regard des moyens du groupe, a ensuite, dans son point 5, estimé qu'en raison du placement en liquidation judiciaire de la société Arjowiggins Security l'administration n'avait pas à effectuer un tel contrôle au niveau du groupe, mais seulement au niveau de l'entreprise. En statuant ainsi, il n'a entaché son raisonnement d'aucune contradiction de motifs de nature à affecter le bien-fondé du jugement.
3. Aux termes du II de l'article L. 1233-58 du code du travail applicable en cas de redressement ou de liquidation judiciaire : " (...) -Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles
L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. /Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles
L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 et la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4. /Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l'autorité administrative est motivée. (...) ".
4. En premier lieu, il ressort des dispositions précitées que le contrôle de l'administration du travail, dans le cas des entreprises en liquidation ou en redressement judiciaire, porte, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, sur les moyens dont dispose l'entreprise, et non le groupe. En revanche, ces dispositions ne dispensent pas l'administration du travail de contrôler, dans le cadre des relations avec le liquidateur ayant engagé la procédure de licenciement économique, de vérifier si ce dernier a recherché les moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la page 3 du procès-verbal de la réunion extraordinaire du CCE de la société Arjowiggins Security SAS du 4 février 2019, que " des courriers de reclassement ont donc été adressés à l'ensemble des sociétés du groupe pour leur demander d'abonder le PSE ou pour proposer des postes de reclassement aux salariés licenciés ". Ainsi, et en tout état de cause, la DIRRECTE d'Ile-de-France a opéré le contrôle de la recherche de moyens par le liquidateur au niveau du groupe. Les requérants ne sont donc pas fondés à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par le jugement litigieux, écarté le moyen tiré de ce que la DIRRECTE aurait omis de vérifier si ce contrôle a été opéré par le liquidateur. Les requérants ne sauraient de ce fait utilement soutenir qu'en l'absence de recherche par le liquidateur judiciaire de l'abondement du plan de sauvegarde de l'emploi au niveau du groupe, ils auraient été privés d'un droit au recours effectif.
6. En second lieu, et en tout état de cause, les requérants ne sont pas davantage fondés à soutenir que la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi est insuffisamment motivée faute de de mentionner si le liquidateur judiciaire avait procédé à la recherche de moyens supplémentaires auprès des autres entreprises du groupe.
7. En troisième lieu, aux termes du V de l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales : " (...) V. - Lorsqu'il est fait application des dispositions prévues au I du présent article, ainsi que pendant la durée des mandats en cours, les dispositions des titres Ier et II du livre III de la deuxième partie du code du travail relatives aux délégués du personnel et au comité d'entreprise, les dispositions du titre VIII du livre III de la même partie du code du travail sur le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les dispositions du titre IX du livre III de la même partie du code du travail sur le regroupement par accord des institutions représentatives du personnel, les dispositions du titre X du livre III de la même partie du code du travail sur les réunion communes des institutions représentatives du personnel ainsi que les dispositions du titre Ier du livre VI de la quatrième partie, relatives au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail demeurent applicables dans leur rédaction antérieure à la date de publication de la présente ordonnance. /Pour l'application des dispositions du code du travail autres que celles citées au premier alinéa du présent VI, modifiées par les ordonnances prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 susvisée, jusqu'au 31 décembre 2019, il convient de lire selon les cas " comité social et économique " ou " comité d'entreprise " ou " comité d'entreprise, ou à défaut, des délégués du personnel " ou " comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ". (...) ". Aux termes de l'article L. 2323-31 du code du travail, inséré dans le titre II du livre III de la deuxième partie de ce code, dans sa rédaction antérieure à la date de publication de l'ordonnance susmentionnée du 22 septembre 2017, applicable en l'espèce : " Le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. /Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. /Cet avis est transmis à l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article L. 1233-30 du code du travail : " I.- Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. /Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité social et économique prévue au présent article. /Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours. /II.-Le comité social et économique rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté sur les 1° et 2° du I, à : 1° Deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ; 2° Trois mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ; 3° Quatre mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante. /Une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais différents. /En l'absence d'avis du comité social et économique dans ces délais, celui-ci est réputé avoir été consulté. ". Enfin, aux termes de l'article L. 1233-36 du même code : " Dans les entreprises dotées d'un comité social et économique central, l'employeur consulte le comité central et le ou les comités sociaux et économiques d'établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir du ou des chefs d'établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément. Dans ce cas, le ou les comités sociaux et économiques d'établissement tiennent leurs réunions après celles du comité social et économique central tenues en application de l'article L. 1233-30. Ces réunions ont lieu dans les délais prévus à l'article L. 1233-30. /Si la désignation d'un expert est envisagée, elle est effectuée par le comité social et économique central, dans les conditions et les délais prévus au paragraphe 2. ".
8. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise, ou du comité social et économique, a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. A ce titre, il appartient à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.
9. En l'espèce, les requérants soutiennent que la procédure d'information-consultation suivie par le liquidateur judiciaire n'a pas permis aux instances représentatives du personnel de rendre un avis éclairé " sur le document unilatéral qui leur était proposé et sur la régularité de la procédure de licenciement économique collectif " au motif " qu'aucune information n'était disponible et dûment communiquée aux instances représentatives du personnel (...) " quant aux " moyens notamment financiers dont disposait le groupe pour abonder le groupe, dans les mesures de reclassement/accompagnement/formation ".
10. Toutefois, les requérants ne sauraient utilement soutenir que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'aurait pas été suffisamment informé des actions effectuées auprès du groupe, de la situation financière de ce dernier et de ses demandes d'abondement dès lors que les dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail se bornent à imposer que l'administration du travail contrôle la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique. Enfin, la circonstance que le comité d'entreprise n'aurait pas été suffisamment informé des actions effectuées auprès du groupe, de la situation financière de ce dernier et de ses demandes d'abondement est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, dès lors qu'en vertu des dispositions susmentionnées de l'article L. 1233-58 II du code du travail, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel.
11. Il résulte de ce qui précède que M. J..., M. F..., M. E..., Mme E... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 9 juillet 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision du 18 février 2019 par laquelle la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de l'entreprise Arjowiggins Security.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. G... J..., M. K... F..., M. A... E..., Mme C... E... et M. I... D... est rejetée.
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N° 19VE03162