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04/12/2019 | FRANCE | N°18VE02061-18VE02063

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 04 décembre 2019, 18VE02061-18VE02063


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 26 octobre 2017 par laquelle le préfet des Yvelines a refusé l'enregistrement de sa demande d'asile en France selon la procédure normale ainsi que la délivrance d'une attestation de demandeur d'asile.

Par un jugement n° 1708048 du 6 avril 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision attaquée et a enjoint au préfet des Yvelines d'enregistrer la demande d'asile de M. D... et de lui remettre une

attestation de demande d'asile.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 26 octobre 2017 par laquelle le préfet des Yvelines a refusé l'enregistrement de sa demande d'asile en France selon la procédure normale ainsi que la délivrance d'une attestation de demandeur d'asile.

Par un jugement n° 1708048 du 6 avril 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision attaquée et a enjoint au préfet des Yvelines d'enregistrer la demande d'asile de M. D... et de lui remettre une attestation de demande d'asile.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 6 juin 2018 sous le n° 18VE02061, le préfet des Yvelines demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par M. D... devant les premiers juges.

Le préfet des Yvelines soutient que le jugement est infondé : c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'autorité préfectorale n'avait pas informé les autorités italiennes de la prolongation du délai de réadmission de M. D..., en application de l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003.

.....................................................................................................................

II. Par une requête, enregistrée le 6 juin 2018 sous le n° 18VE02063, le préfet des Yvelines demande à la Cour de surseoir à l'exécution de ce jugement, en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Le préfet des Yvelines soutient qu'il soulève un moyen sérieux et de nature à justifier l'infirmation du jugement attaqué : c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'autorité préfectorale n'avait pas informé les autorités italiennes de la prolongation du délai de réadmission de M. D..., en application de l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées n° 18VE02061 et n° 18VE02063 présentées par le préfet des Yvelines tendent à l'annulation et à la suspension de l'exécution du même jugement du 6 avril 2018 du Tribunal administratif de Versailles et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt.

2. M. D... ayant été admis sur sa demande au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans l'instance n° 18VE02061 par décision du 14 septembre 2018, sa demande présentée devant la Cour est devenue sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à sa demande présentée en appel dans l'instance n° 18VE02063 sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins (...) de reprise en charge de la personne concernée (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation (...) de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté (...) à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ". Aux termes de l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, dans sa rédaction issue de l'article 1er du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " (...) 2. Il incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés à l'article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) no 604/2013, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois à compter de la date de l'acceptation de la requête aux fins (...) de reprise en charge de la personne concernée, (...) d'informer l'État responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande de protection internationale et les autres obligations découlant du règlement (UE) no 604/2013 incombent à cet État membre conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, dudit règlement (...) ".

4. Il ressort des pièces des dossiers que M. D... a fait l'objet de deux arrêtés du 22 juin 2017 par lesquels le préfet des Yvelines a décidé, d'une part, le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile, et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. D... n'a pas contesté au contentieux ces arrêtés. Pour le motif tiré de la fuite du demandeur d'asile qui n'a pas déféré à la convocation qui lui avait été faite de se rendre le 27 juillet 2017 conformément à la décision de transfert ci-dessus puis le 9 août 2017 à la police aux frontières des Yvelines, le préfet des Yvelines a informé les autorités italiennes, le 10 août 2017, que le délai de transfert de M. D... était portée à dix-huit mois jusqu'au 22 août 2018 à compter de leur accord. Cette information a été réalisée dans le délai de six mois à compter de la date de l'acceptation, le 14 juin 2017, de la requête du 7 février 2017 des autorités françaises aux fins de reprise en charge de M. D..., conformément aux dispositions, mentionnées au point 3, de l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 et d'ailleurs de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ainsi, c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 pour estimer que la décision du préfet des Yvelines portant prolongation de la durée de transfert était illégale et que la France était ainsi devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de M. D... et ainsi pour annuler la décision du préfet des Yvelines en date du 26 octobre 2017 refusant d'enregistrer la demande d'asile en France présentée par M. D... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... en première instance et en appel.

Sur les autres moyens invoqués par M. D... :

6. Il résulte de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé que le transfert peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge ou, le cas échéant, de la décision définitive sur le recours contre la décision de transfert, cette période étant susceptible d'être portée à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite ". Pour l'application de ces dispositions, la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. Si le fait pour l'intéressé de ne pas déférer à l'invitation de l'autorité publique de se présenter à la police de l'air et des frontières pour organiser les conditions de son départ consécutivement à un refus d'admission constitue un indice d'un tel comportement, il ne saurait suffire à lui seul à établir que son auteur aurait pris la fuite au sens des dispositions précitées du règlement communautaire.

7. En l'espèce, il est constant que M. D... a été dans l'impossibilité de déférer à la convocation qui lui avait été faite par les services de la police aux frontières (PAF) des Yvelines de s'y présenter, le 27 juillet 2007 à 9 h 30, en vue de la mise à exécution de son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, le courrier contenant cette convocation ne lui ayant été remis que le jour même à 16 h 00 à l'heure du " passage courrier " au PADA Coallia de Limay. Si, par ailleurs, l'intéressé n'a pas déféré à une seconde convocation de se rendre aux services de la PAF le 9 août 2017 à 9 h 30, il justifie par les pièces versées au dossier avoir été admis le matin même à 9 h 26 au service d'accueil des urgences du centre hospitalier d'Argenteuil pour des douleurs abdominales à raison desquelles le diagnostic de coliques néphrétiques sans gravité a été posé. Dans ces conditions, et alors même que M. D... s'est rendu, est ressorti de l'hôpital par ses propres moyens et a présenté une affection finalement sans gravité, il ne peut pas, en tout état de cause, être regardé comme s'étant soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à la mesure d'éloignement le concernant. Aussi l'intéressé ne peut-il être regardé comme ayant pris la fuite, au sens et pour l'application de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, mentionné au point 6. Par suite, le préfet des Yvelines n'a pu, sans méconnaître ces dispositions, porter à dix-huit mois le délai de transfert de M. D... vers l'Italie.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. D..., que le préfet des Yvelines n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part, annulé sa décision du 26 octobre 2017 par laquelle il a refusé d'enregistrer la demande d'asile en France présentée par M. D... et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile, et, d'autre part, a enjoint à ce préfet d'enregistrer la demande d'asile de l'intéressé et de lui remettre une attestation de demande d'asile.

Sur les conclusions à fin injonction :

9. Le préfet des Yvelines reste tenu en application du jugement du Tribunal administratif de Versailles d'enregistrer la demande d'asile formulée par M. D... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile sur le fondement de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il lui est ordonné d'y pourvoir dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions à fin d'exécution du jugement contesté :

10. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, sur le fondement duquel le préfet des Yvelines a présenté sa requête n° 18VE02063 : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ".

11. Dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur la requête n° 18VE02061, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18VE02063 du préfet des Yvelines tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

12. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocat de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme demandée de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18VE02063 du préfet des Yvelines tendant au sursis à l'exécution du jugement attaqué.

Article 2 : La requête n° 18VE02061 du préfet des Yvelines est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. D... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle dans l'instance n° 18VE02063 sont rejetées.

Article 4 : Le préfet des Yvelines est tenu en application du jugement n° 1708048 du 6 avril 2018 du Tribunal administratif de Versailles d'enregistrer la demande d'asile formulée par M. D... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile sur le fondement de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à Me C..., avocat de M. D..., une somme globale de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

2

N° 18VE02061...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02061-18VE02063
Date de la décision : 04/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : DUHAYON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-12-04;18ve02061.18ve02063 ?
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