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28/11/2019 | FRANCE | N°16VE02677

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 28 novembre 2019, 16VE02677


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune d'Angervilliers à lui verser une somme de 175 514 euros au titre de primes non perçues, une somme de 171 759 euros au titre de la perte de son indemnité de secrétaire du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de la région d'Angervilliers (ci-après SIAEP), une somme de 36 910 euros en réparation du préjudice financier résultant de la perte de son indemnité de secrétaire du centre communal d'action sociale (c

i-après CCAS) et une somme de 75 000 euros au titre de la perte de chance ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune d'Angervilliers à lui verser une somme de 175 514 euros au titre de primes non perçues, une somme de 171 759 euros au titre de la perte de son indemnité de secrétaire du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de la région d'Angervilliers (ci-après SIAEP), une somme de 36 910 euros en réparation du préjudice financier résultant de la perte de son indemnité de secrétaire du centre communal d'action sociale (ci-après CCAS) et une somme de 75 000 euros au titre de la perte de chance et du préjudice professionnel.

Par un jugement n° 1302424 du 14 juin 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme E... et l'a condamnée à verser au Trésor public une amende de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 741-12 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2016, régularisée le 28 septembre 2016, et un mémoire enregistré le 18 juin 2018, Mme E..., représentée par Me F..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° ou de réformer le jugement attaqué ;

3° d'annuler le refus de la commune d'Angervilliers opposé à sa demande indemnitaire ;

4° de mettre à la charge de la commune d'Angervilliers le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la responsabilité de la commune est engagée sur le fondement des dispositions des articles 6 quinquies et 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ainsi que de l'article 2-1 du décret n°85-603 du 10 juin 1985 ;

- l'autorité de la chose jugée ne pouvait être opposée dès lors que l'indemnisation était sollicitée pour un litige distinct résultant des faits de harcèlement émanant du maire de la commune et de faute inexcusable de l'employeur ;

- l'absence de service fait ne pouvait pas être opposée à un agent qui a été privé de la possibilité d'exercer ses fonctions ;

- l'action de la commune, employeur principal, est engagée dès lors que c'est sur intervention du maire qu'elle a été privée de ses indemnités accessoires auprès du CCAS et du SIAEP ;

- le tribunal a fait preuve de sévérité à son égard en lui infligeant une amende pour recours abusif, alors qu'elle a été contrainte d'engager des actions contentieuses en raison de la malveillance de son employeur.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

-le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la commune d'Angervilliers. et de Me C..., substituant Me F... pour Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... E..., titulaire du grade d'attaché territorial et exerçant les fonctions de secrétaire de mairie de la commune d'Angervilliers a saisi son employeur le 17 décembre 2012 d'une demande préalable tendant à la réparation des préjudices résultant de son placement en arrêt de travail pour accident de service à compter du 3 février 2004 et des agissements selon elle fautifs de son employeur et constitutifs de faits de harcèlement moral, de manquements à son obligation de prévention et de protection, et résultant d'une attitude délibérément malveillante à son égard. Cette demande ayant été rejetée par une décision du maire d'Angervilliers du 14 février 2013, Mme E... a saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une requête indemnitaire tendant à l'indemnisation de son préjudice financier. Par le jugement n° 1302424 du 14 juin 2016, dont Mme E... relève appel, le tribunal a rejeté sa requête et l'a condamnée à verser au Trésor public une amende de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 741-12 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Mme E... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour avoir méconnu les exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative.

Sur le bien fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

S'agissant des primes de fonction et du préjudice professionnel :

4. L'autorité absolue de la chose jugée s'attache au dispositif d'un jugement qui annule une décision administrative et au motif d'annulation qui en constitue le soutien nécessaire. Elle est subordonnée à la triple identité de parties, d'objet et de cause.

5. Comme l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que Mme E... a été suspendue de ses fonctions par un arrêté du maire d'Angervilliers du 17 février 2003, mais que cette décision de suspension a été annulée par un jugement n° 0303228, 0304494 du Tribunal administratif de Versailles du 21 mars 2005, confirmé par un arrêt n° 05VE00957 de la Cour administrative d'appel de Versailles du 10 mai 2007, la commune ayant été condamnée à verser à Mme E... la somme de 262,10 euros au titre de l'indemnité de résidence, de 138 euros au titre de l'indemnité exceptionnelle compensatrice de contribution sociale généralisée (CSG) et de 3 000 euros au titre du préjudice moral en ayant résulté.

6. Après que Mme E... a repris ses fonctions le 6 juin 2003, le maire d'Angervilliers a, par une décision du 30 août 2003, adopté un nouvel organigramme des services. Par un jugement du 21 mars 2005, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions en annulation contre cette mesure d'organisation, annulé la décision du maire refusant d'accorder à Mme E... les moyens lui permettant d'exercer son activité et rejeté ses conclusions indemnitaires. Par un arrêt 05VE01164 du 10 mai 2007, la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce nouvel organigramme comme étant constitutif d'une sanction déguisée ainsi que la décision du maire rejetant la demande indemnitaire de l'intéressée.

7. A compter du 3 février 2004, Mme E... a été placée en arrêt de travail pour un état " anxio-dépressif " et ne reprendra plus ses fonctions jusqu'à son admission à la retraite le 15 juin 2015. Par un arrêté daté du " 30 " février 2004, le maire d'Angervilliers a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de cet arrêt de travail et a placée l'intéressée en congé de maladie ordinaire. Par un jugement n° 0404611, 0504935 du 7 juin 2006 le Tribunal administratif de Versailles a rejeté le recours en annulation dirigé contre l'arrêté daté du "30" février 2004 ainsi que les conclusions indemnitaires présentées par Mme E.... Cependant, l'intéressée ayant interjeté appel, la Cour administrative d'appel de Versailles, par un arrêt 06VE01886 du 4 octobre 2007, a annulé ce jugement et condamné la commune d'Angervilliers à verser à Mme E... une indemnité correspondant à la moitié de son traitement qui ne lui avait pas été payé, abondée du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence, à l'exclusion des primes liées à l'exercice effectif de son service, pour la période courant du 23 février 2004 au 4 octobre 2007, date de lecture de l'arrêt.

8. Saisi d'un recours indemnitaire par Mme E..., le Tribunal administratif de Versailles va ensuite par deux jugements du 1er juillet 2009, rejeter ses prétentions tendant à percevoir le montant des primes qu'elle estimait lui être dues lors de son congé pour accident de service, au motif que ces conclusions méconnaissaient l'autorité de la chose jugée par la Cour, rejeter sa demande de réparation du préjudice tiré de la perte de ses indemnités accessoires émanant du Centre communal d'action sociale d'Angervilliers et du SIAEP, refuser de reconnaître, d'une part, un préjudice professionnel en l'absence de nomination au grade supérieur, et d'autre part, un préjudice corporel du fait de son état de santé. Après avoir rappelé que Mme E... avait déjà bénéficié d'une indemnisation de 3 000 € au titre du préjudice moral causé par la mesure de suspension illégale dont elle avait fait l'objet, le tribunal va lui allouer une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence "du fait de l'ensemble des agissements précités de la commune" et constitués de la suspension illégale de la requérante, de la décision irrégulière de la mettre à l'écart, du refus illégal de lui accorder les moyens d'exercer son activité, de la sanction de blâme irrégulière qui lui avait été infligée, de son placement à tort en maladie ordinaire, du refus d'exécuter les précédents arrêts de la Cour, le tribunal y voyant "des mesures fautives engageant la responsabilité de la commune". Par un arrêt n° 09VE03059 du 2 février 2012, saisie en appel de ces jugements, la Cour administrative d'appel de Versailles énonce que son précédent arrêt du 4 octobre 2007 étant devenu définitif, Mme E... ne pouvait réitérer devant elle des demandes en versement de primes non perçues durant son arrêt maladie, juge que la non perception de primes émanant du CCAS d'Angervilliers et du SIAEP relevait d'un litige distinct et rejette les conclusions indemnitaires dès lors qu'il n'est pas établi que la somme de 5 000 € allouée par les premiers juges était insuffisante. Cet arrêt est devenu définitif, dès lors que le pourvoi en cassation introduit par Mme E... à son encontre n'a pas été admis le 12 décembre 2012.

9. Comme il l'a été dit au point 1, Mme E... a saisi la commune d'Angervilliers d'une demande indemnitaire datée du 17 décembre 2012 en vue de l'indemnisation des différents préjudices résultant des "mesures successives prises à son encontre" et notamment "suspension, tentative de révocation, retrait des moyens d'exercer ses fonctions, blâme, retrait illégal de primes et indemnités accessoires (...) refus d'exécution des arrêts rendus", estimant que ces manquements étaient constitutifs d'un harcèlement moral. Elle y ajoutait que la commune avait également méconnu son obligation de prévention résultant de l'article 2-1 du décret 85-603 du 10 juin 1985 et sollicitait en conséquence l'indemnisation d'un préjudice financier tiré d'une perte de ses primes durant son congé de maladie imputable au service, et d'un préjudice professionnel constitué de la perte de chance d'accéder au grade supérieur d'attaché principal. Cette demande indemnitaire ayant été rejetée, Mme E... a alors saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une requête présentant des conclusions indemnitaires tendant aux mêmes fins. Cette requête indemnitaire opposant les mêmes parties que celles faisant l'objet des décisions de justice devenues définitives qui ont été rappelées, ayant le même objet puisque tendant à l'indemnisation des mêmes agissements fautifs de la commune à l'égard de l'appelante et qu'elle avait rappelés dans sa demande préalable, et étant fondée sur la même cause juridique que les décisions précédentes, l'exception d'autorité de chose jugée s'oppose à ce qu'il soit fait droit aux conclusions indemnitaires de Mme E..., comprenant notamment sa demande d'indemnisation du préjudice financier résultant de sa perte de revenus pour la période courant du 23 février 2004 au 4 octobre 2007 tel que l'a jugé la Cour dans son arrêt n° 06VE01886 du 4 octobre 2007.

10. Pour la période qui est postérieure, Mme E... soutient que la commune ne pouvait lui opposer l'absence de service fait pour refuser de lui verser les primes et indemnités dont elle a été privée, dès lors qu'elle n'avait pas eu les moyens d'exercer ses fonctions en raison des agissements de harcèlement moral dont elle a été victime, et qu'ainsi la collectivité aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Elle précise en outre de façon explicite qu'elle n'entend pas rechercher la responsabilité de son ancien employeur sur le terrain de la responsabilité sans faute, notamment au titre des dispositions de l'article 57 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983. Cependant, par les seules écritures et pièces produites dans cette instance, Mme E... ne démontre pas que la commune aurait eu des agissements fautifs de nature à engager sa responsabilité. Par suite, elle n'est pas fondée à contester le jugement attaqué rejetant ses conclusions indemnitaires au titre des pertes de primes de fonction et de son préjudice professionnel.

S'agissant des indemnités accessoires :

11. Aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'action sociale et des familles : " Le centre d'action sociale est un établissement public administratif communal ou intercommunal. Il est administré par un conseil d'administration présidé, selon le cas, par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale. (...) ". Aux termes de l'article L. 5212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le syndicat de communes est un établissement public de coopération intercommunale associant des communes en vue d'oeuvres ou de services d'intérêt intercommunal. "

12. Malgré les liens qui les attachent à la commune d'Angervilliers, le CCAS d'Angervilliers et le SIAEP de la région d'Angervilliers sont des personnes morales distinctes de cette commune, dotées d'un patrimoine propre, auxquelles il revient de supporter les conséquences d'une éventuelle condamnation pécuniaire. Par suite, en sollicitant la condamnation de la commune d'Angervilliers à l'indemniser des préjudices résultant des décisions prises par les organes dirigeants du CCAS d'Angervilliers et du SIAEP de la région d'Angervilliers, Mme E... a mal dirigé sa requête. Par conséquent ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées comme l'a relevé le jugement attaqué.

En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

13. Selon les dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. "

14. La demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Versailles présentait, dans les circonstances de l'affaire, un caractère abusif, dès lors que ses prétentions avaient déjà été jugées. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il convient de réduire le montant de l'amende infligée à Mme E... sur le fondement des dispositions précitées, à une somme de 600 euros. Par suite, l'appelante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à une amende excédant ce montant.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. La commune d'Angervilliers n'étant pas la partie perdante, les conclusions de Mme E... tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme E... une somme de 800 euros à verser à la commune défenderesse en application de ces dispositions.

16. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme E... est seulement fondée à obtenir la réduction de l'amende pour recours abusif mise à sa charge par le jugement contesté.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1302424 du 14 juin 2016 est réformé en tant qu'il inflige à l'encontre de Mme E... une amende pour recours abusif excédant la somme de 600 euros.

Article 2 : Mme E... versera une somme de 800 euros à la commune d'Angervilliers sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

N°16VE02677 4


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : ATHON-PEREZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 28/11/2019
Date de l'import : 16/12/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16VE02677
Numéro NOR : CETATEXT000039433960 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-28;16ve02677 ?
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