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07/11/2019 | FRANCE | N°19VE02401

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 07 novembre 2019, 19VE02401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 1er février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1901768 du 21 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2019, M. B..., représenté par Me Castej

on, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 1er février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1901768 du 21 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2019, M. B..., représenté par Me Castejon, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet aurait dû faire application de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour procéder à la détermination du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis, en s'abstenant d'indiquer dans les motifs de sa décision que son frère présent en France était titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié, n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation administrative ;

- en s'abstenant de faire application de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour procéder à la détermination du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile, alors que son frère, présent en France, est titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié, le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de droit et d'appréciation ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de la situation géopolitique dans son pays d'origine et des risques qu'il court en cas de retour dans ce pays que les autorités italiennes lui imposeront.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Illouz, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sri-lankais né le 23 octobre 1996, est entré en France le 1er août 2018 et a sollicité le 10 septembre suivant la reconnaissance du statut de réfugié auprès des services du préfet de la Seine-Saint-Denis. La consultation des données issues de l'unité centrale Eurodac lors de l'instruction de cette demande a révélé que ses empreintes avaient préalablement été relevées par les autorités italiennes. Celles-ci, saisies le 17 septembre 2018, ont implicitement accepté la reprise en charge de l'intéressé. Par un arrêté du 1er février 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donc prononcé la remise de M. B... aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile. L'intéressé relève appel du jugement du 21 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au premier juge que M. B... ait soulevé devant le tribunal administratif de Montreuil le moyen, qui n'est pas d'ordre public, tiré de ce que le préfet aurait dû faire application de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour procéder à la détermination du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile en raison de la présence en France de son frère, titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié. L'appelant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité en ce que le premier juge aurait omis de répondre à ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit ". L'article 2 du même règlement précise : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) / g) " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel cet adulte se trouve, - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve (...) ".

5. S'il ressort des pièces du dossier qu'un individu présenté comme étant le frère de M. B... et disposant du même nom patronymique s'est vu reconnaitre le statut de réfugié et réside ainsi régulièrement en France, il résulte des dispositions précitées que celui-ci ne peut être regardé comme ayant la qualité de " membre de la famille " de l'appelant au sens des dispositions combinées de l'article 9 et du g) de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, c'est sans entacher son arrêté d'une erreur de droit que le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu s'abstenir de faire application des dispositions de l'article 9 de ce règlement pour procéder à la détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B.... Pour les mêmes motifs, les moyens tirés du défaut d'examen de la situation administrative de l'intéressé à raison de l'absence de mention, dans les motifs de l'arrêté attaqué, de la présence de son frère en France et de l'erreur d'appréciation ne peuvent, eux aussi, qu'être écartés.

6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". L'article 17 de ce règlement dispose que : " 1. (...) chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers (...), même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

7. Il résulte des dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 que, par dérogation à l'article 3 paragraphe 1 de ce règlement, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le même règlement.

8. L'Italie est un membre de l'Union Européenne et partie tant à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit, dès lors, être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

9. M. B... fait valoir que l'exécution de l'arrêté en litige conduirait nécessairement à ce que les autorités italiennes le renvoient à destination de son pays d'origine, dans lequel sa vie serait menacée en raison de son appartenance à l'ethnie tamoule et à l'usage de la torture qui y demeurerait répandu. Toutefois, la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers le Sri Lanka, mais prononce son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. L'appelant ne produit aucun élément de nature à révéler que l'Italie, qui doit être présumée, ainsi qu'il vient d'être dit, réserver aux demandeurs d'asile un traitement conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne procèderait pas à un examen de sa demande conforme à ces exigences. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

2

N° 19VE02401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02401
Date de la décision : 07/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. TRONEL
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : CASTEJON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-07;19ve02401 ?
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