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07/11/2019 | FRANCE | N°18VE03021

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 07 novembre 2019, 18VE03021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1806765 du 27 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2018, le préfet de la Seine-

Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1806765 du 27 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- ses services n'étaient plus saisis d'une demande d'asile de M. B... A... à la date d'adoption de son arrêté ;

- dès lors, c'est à tort que le premier juge a accueilli le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait obliger l'intéressé à quitter le territoire français avant qu'il n'ait été statué sur sa demande d'asile ;

- les autres moyens soulevés par M. B... A... devant le tribunal administratif de Montreuil n'étaient pas fondés.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Illouz, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant cubain né en 1976, a fait l'objet d'une mesure de refus d'admission sur le territoire français à son arrivée à l'aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle le 11 juillet 2018 en provenance de son pays d'origine, et a alors été placé en zone d'attente. Par une décision du 13 juillet suivant, le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'entrée en France au titre de l'asile que l'intéressé avait formé auprès des services de la police aux frontières à son atterrissage. Sa demande tendant à l'annulation de cette décision a été rejetée par un jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 17 juillet 2018 devenu définitif. Entretemps, par une ordonnance du 15 juillet 2018, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny avait autorisé la prolongation de son maintien en zone d'attente pour une durée de huit jours. Le 19 juillet suivant, M. B... A..., qui venait par deux fois de refuser d'embarquer dans des vols à destination de son pays d'origine, a été placé en garde à vue. Par deux arrêtés distincts du 20 juillet 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a décidé son placement en centre de rétention administrative. Ce préfet relève régulièrement appel du jugement du 27 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". L'article R. 741-1 de ce code précise : " I. - Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police. (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès (...) des services de police (...), la personne est orientée vers l'autorité compétente. (...) ". Enfin, l'article L. 741-3 de ce code énonce que " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ".

3. Ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une demande d'asile. Par voie de conséquence, elles font également obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Ce n'est que dans l'hypothèse où la demande d'admission au séjour a été préalablement rejetée par lui que le préfet peut, le cas échéant sans attendre que l'office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, décider l'éloignement de l'étranger.

4. Il ressort des pièces du dossier que le 11 juillet 2018, M. B... A... est arrivé à l'aéroport de Roissy -Charles-de-Gaulle et a présenté une demande d'asile. A la suite de l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le ministre de l'intérieur a, par une décision du 13 juillet 2018 prise sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeté sa demande d'entrée en France et a fixé le pays de réacheminement, en estimant sa demande d'asile manifestement infondée. Le recours formé par l'intéressé contre cette décision a été rejeté par un jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris du 17 juillet 2018. Il ressort du procès-verbal d'audition de M. B... A... du 19 juillet 2018 que l'intéressé, alors entendu sous le régime de la garde à vue, s'est présenté comme un opposant au gouvernement cubain et a indiqué qu'il avait demandé l'asile en France lors de son arrivée, mais n'a pas réitéré sa demande auprès des forces de l'ordre à la suite de la décision du ministre de l'intérieur du 13 juillet 2018, ni même manifesté la volonté que celle-ci soit réexaminée. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir qu'il n'était plus saisi d'aucune demande d'asile de M. B... A... à la date d'adoption de son arrêté l'obligeant à quitter sans délai le territoire français. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil en a prononcé l'annulation au motif que ce préfet ne pouvait, sans méconnaitre les dispositions précitées, décider d'éloigner M. B... A... avant d'avoir enregistré sa demande.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... A... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 juillet 2018 :

6. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

7. La situation d'un étranger qui n'est pas entré sur le territoire français est régie par les dispositions du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à l'entrée en France, et en particulier s'agissant des personnes qui se présentent à la frontière, par celles contenues au chapitre III du titre 1er de ce livre relatif au refus d'entrée. Les mesures d'éloignement du territoire national prévues au livre V de ce code, notamment l'obligation de quitter le territoire français, ne lui sont pas applicables. Par conséquent, dès lors qu'un étranger qui n'est pas ressortissant d'un pays membre de l'Union européenne se trouve en zone aéroportuaire, en transit ou en zone d'attente, il peut faire l'objet d'un refus d'entrée, lequel pourra être exécuté d'office en application des dispositions des articles L. 213-2 et L. 213-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais non d'une obligation de quitter le territoire français, ne pouvant être regardé comme entré sur le territoire français. Il n'y a pas lieu de distinguer, à cet égard, entre une situation où cet étranger exprime le désir d'entrer sur le territoire français et une situation où il ne formule pas ce souhait.

8. Le ressortissant étranger qui a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée et de placement en zone d'attente et qui a refusé d'obtempérer à un réacheminement pris pour l'application de cette décision ne peut être regardé comme entré en France de ce seul fait. Tel est le cas, toutefois, s'il a été placé en garde à vue à la suite de ce refus, à moins que les locaux de la garde à vue soient situés dans la zone d'attente.

9. Un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, en transit sans avoir exprimé le souhait d'entrer sur le territoire, qui a été placé en garde à vue en raison de son refus d'être rapatrié et dont l'entrée sur le territoire national ne résulte que de ce placement en garde à vue, hors de la zone d'attente, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français fondée sur les seules dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. B... A... à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées du

1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, en transit à l'aéroport de Roissy - Charles de Gaulle sans avoir exprimé le souhait d'entrer sur le territoire, n'a été placé en garde à vue qu'en raison de son refus d'être rapatrié. Son entrée sur le territoire national ne résulte ainsi que de ce placement en garde à vue. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que le préfet de la

Seine-Saint-Denis ne pouvait, dès lors, l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement des seules dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicables à sa situation. Ce moyen doit, par suite, être accueilli.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la demande de première instance, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 20 juillet 2018 obligeant M. B... A... à quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de destination.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

2

N° 18VE03021


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03021
Date de la décision : 07/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. TRONEL
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-07;18ve03021 ?
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