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06/11/2019 | FRANCE | N°19VE02234

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 06 novembre 2019, 19VE02234


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 11 avril 2019 par lequel le préfet des Yvelines a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1903178 du 21 mai 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2019, le préfet des Yvelines demande à la Cour d'annule

r ce jugement.

Il soutient que c'est à tort que le juge a retenu que l'arrêté portant transfert...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 11 avril 2019 par lequel le préfet des Yvelines a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1903178 du 21 mai 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2019, le préfet des Yvelines demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que c'est à tort que le juge a retenu que l'arrêté portant transfert de M. A... aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile a été pris au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que les brochures d'information lui ont été remises en français, langue officielle de la République de Guinée que M. A... a déclaré comprendre lors de l'entretien individuel du 30 janvier 2019 au cours duquel il était en outre assisté d'un interprète en langue mandingue qu'il a également déclaré comprendre ; il a pu être vérifié qu'il avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance et a en tout état de cause disposé d'un délai pour apprécier la portée de ces informations avant la prise de l'arrêté litigieux le 11 avril 2019.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de M. A... qui verse à l'audience une attestation de demande d'asile en procédure normale délivrée le 27 juin 2019 par le préfet des Yvelines.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Yvelines relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 11 avril 2019 par lequel il a prononcé le transfert aux autorités italiennes, pour l'examen de sa demande d'asile, de M. A..., ressortissant guinéen, né le 3 avril 1986.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 (Droit à l'information) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5.FR 29.6.2013 Journal officiel de l'Union européenne L 180/373. (...) ".

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, lors de l'entretien individuel du 30 janvier 2019, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " ainsi que la brochure B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " rédigées en français, langue que l'intéressé a déclaré comprendre et qui constitue la langue officielle de la République de Guinée. M. A... a lui-même signé ces documents lorsqu'ils lui ont été remis. En outre, M. A... a été assisté d'un interprète en langue mandingue lors de cet entretien, langue qu'il a également déclaré comprendre et dans laquelle l'ensemble de la procédure conduite par le préfet lui a été notifiée. Il n'établit pas avoir fait état auprès des services de la préfecture des Yvelines lors de l'entretien en cause, pendant lequel il a été mis à même de répondre aux questions posées et de faire valoir ses observations, ni au cours de la procédure, de difficultés quant à sa compréhension du mandingue et de sa seule connaissance du dialecte diakhanké. Par suite, le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 11 avril 2019 pour le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé.

4. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de la demande d'annulation de la décision par laquelle le préfet des Yvelines a décidé le transfert de M. A... aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Versailles.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Versailles :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " (...) toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ". Elle doit ainsi comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et, en particulier, comprendre l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

6. En l'espèce, l'arrêté contesté mentionne tant les textes fondant la décision litigieuse et notamment le règlement n° 604/2013 (UE) du 26 juin 2013 susvisé que les considérations de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet pour estimer que la demande relève des autorités italiennes et, notamment, la circonstance qu'il ressort du fichier Eurodac que M. A... a sollicité l'asile auprès des autorités italiennes le 7 avril 2016. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) " Il ressort de l'accord implicite des autorités italiennes que ces dernières ont accepté de reprendre en charge M. A... sur le fondement de ces dispositions et qu'elles doivent ainsi être regardées comme ayant été saisies d'une demande d'asile de la part de l'intéressé. Si M. A... conteste avoir demandé l'asile en Italie, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de ce que M. A... n'aurait pas demandé l'asile auprès des autorités italiennes doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n°604/2013 susvisé : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n°603/2013. (...) 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. ".

9. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet des Yvelines a saisi les autorités italiennes d'une requête aux fins de reprise en charge de la demande d'asile de M. A... le 28 février 2019 après avoir constaté le 30 janvier 2019 que l'intéressé avait déjà sollicité l'asile auprès des autorités italiennes. En l'absence de réponse dans le délai de deux semaines prévu par l'article 25 précité du règlement n° 604/2013 (UE), les autorités italiennes doivent être regardées comme ayant implicitement donné leur accord à la reprise en charge de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 23 du règlement (UE) n°604/2013 précité doit être écarté.

10. En dernier lieu, l'Italie étant membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État est conforme aux exigences de l'une et l'autre de ces conventions. M. A... ne justifie pas les éléments propres à sa situation particulière, qu'il invoque et dont il résulterait que son dossier ne serait pas traité par les autorités italiennes dans des conditions répondant à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Enfin, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'en cas de rejet de cette demande, les autorités italiennes procéderaient à son renvoi vers la République de Guinée sans examiner au préalable s'il y serait soumis à des risques pour sa vie ou sa sécurité ou à des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, en décidant de prononcer le transfert de M. A... vers l'Italie, le préfet des Yvelines n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 11 avril 2019.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903178 du 21 mai 2019 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

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N° 19VE02234


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02234
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO-MARTIN
Rapporteur public ?: M. BOUZAR

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-06;19ve02234 ?
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