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06/11/2019 | FRANCE | N°19VE01975

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 06 novembre 2019, 19VE01975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1904597 du 14 mai 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2019, M. A..., représenté par Me Deneuve, avocat,

demande à la Cour :

1° de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1904597 du 14 mai 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2019, M. A..., représenté par Me Deneuve, avocat, demande à la Cour :

1° de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2° d'annuler le jugement du 14 mai 2019 du Tribunal administratif de Montreuil ;

3° d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile ;

4° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les garanties tirées de l'article 4 du règlement Dublin ont été respectées dès lors que les brochures d'information A et B ne lui ont pas été remises dans une langue qu'il comprend et que l'interprète a procédé à la traduction dans une langue qu'il ne comprend qu'approximativement ;

- l'entretien n'a pas été réalisé par un agent qualifié, son identité n'est pas vérifiable et aucune garantie tirée de l'article 5 du règlement du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'a été respectée ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article 17 paragraphe 1 du règlement précité ainsi que par voie de conséquence l'article 53-1 de la Constitution et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 20 du règlement n° 604/2013 ci-dessus.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant afghan, né le 7 septembre 1991, a déposé une demande d'asile le 8 novembre 2018 auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Par arrêté du 15 avril 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert vers l'Autriche, Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. M. A... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Montreuil, qui a rejeté sa demande par un jugement du 14 mai 2019, dont il relève appel.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ".

3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ".

Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). ".

5. D'une part, il ne ressort d'aucune disposition du règlement mentionné au point 4, ni d'aucun principe, que l'information prévue à l'article 4 du règlement doit être délivrée préalablement à l'enregistrement de la demande d'asile au guichet unique et avant même que les services préfectoraux soient informés de ce que la situation du demandeur ne relève pas de la compétence de la France et se trouve, pour ce motif, placé sous procédure Dublin en application de l'article 20 du même règlement, dans l'attente de la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande. En l'espèce, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a été informé de ce que le requérant était susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement que le 8 novembre 2018, lors du relevé de ses empreintes décadactylaires. Ainsi, M. A..., qui ne conteste pas avoir reçu les brochures nécessaires à son information avant l'arrêté contesté de transfert aux autorités autrichiennes, n'est pas fondé à soutenir que cette information ne lui aurait pas été délivrée en temps utile.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de l'entretien du 8 novembre 2018 que M. A... a déclaré qu'il comprenait le dari. Les brochures comprenant les informations visées au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement n°604/2013 lui ont été cependant remises dans leur version rédigée en farsi. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a attesté, sans émettre de réserves, lire et comprendre également cette langue en signant ces documentations. Par ailleurs, la langue farsi est une langue très proche du dari qui use du même alphabet et qui peut être lue par les locuteurs des deux langues. M. A... doit, dès lors, être regardé comme ayant bénéficié d'une information complète sur ses droits et les modalités d'application du règlement précité, par écrit et dans une langue dont on peut raisonnablement penser qu'il la comprend.

7. En deuxième lieu, M. A... se borne à reprendre en appel le moyen invoqué en première instance tiré de ce que l'arrêté de remise aux autorités autrichiennes méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. En l'absence de toute circonstance de droit ou de fait nouvelle présentée à l'appui de ce moyen, auquel le tribunal administratif a suffisamment et pertinemment répondu, il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge.

8. En troisième lieu, l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride dispose : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...). ".

9. Même si cette présomption n'est pas irréfragable, l'Autriche est présumée se conformer aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection. L'existence d'un risque sérieux d'exécution forcée par les autorités autrichiennes d'une mesure d'éloignement vers l'Afghanistan et l'impossibilité d'exercer un recours effectif, dans cette hypothèse, permettant d'invoquer l'évolution défavorable de la situation sécuritaire dans ce pays, ne sont pas établies en l'espèce. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, en raison des risques de refoulement de M. A... vers l'Afghanistan, et méconnaît les dispositions de l'article 53-1 de la Constitution ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'aide juridictionnelle provisoire est accordée à M. A....

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

2

N° 19VE01975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01975
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO-MARTIN
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : DENEUVE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-06;19ve01975 ?
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