Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL MELANIE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, ainsi que des majorations correspondantes.
Par une ordonnance n° 1708086 du 13 novembre 2017, la présidente du Tribunal administratif de Montreuil, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a prononcé le rejet de cette demande comme manifestement irrecevable.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 janvier et 19 avril 2018, la SARL MELANIE, représentée par Me Hittinger-Roux, avocat, ont demandé à la Cour :
1° d'annuler cette ordonnance ;
2° de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la présidente du tribunal a estimé à tort que la méconnaissance des dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative emportait nécessairement irrecevabilité de sa demande ;
- en tout état de cause, elle a également adressé au tribunal une copie de la demande et de ses pièces jointes sur support papier, dont le greffe a eu notification le 8 septembre 2017 ; l'ordonnance contestée ne pouvait donc intervenir sans que le tribunal, d'une part, ne vérifie que sa demande était recevable en vertu du dernier alinéa de l'article R. 414-3 qui permet, le cas échéant, que les pièces jointes à une demande communiquée au moyen de l'application informatique dénommée " Télérecours " soit produite sous forme de documents imprimés sur papier et, d'autre part, ne l'informe de la réception de sa demande envoyée sous forme papier comme le prévoit l'article R. 413-6 du code de justice administrative, cette dernière formalité n'ayant pas été respectée en l'espèce, ce qui était de nature à lui faire croire que sa demande était en cours d'examen ;
- les dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative, qui ne s'appliquent pas à l'ensemble des justiciables, portent atteinte de ce fait au droit à un procès équitable et à un recours effectif, garanti par les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative portent atteinte au principe du contradictoire, qui est au nombre des droits de la défense ; pour les mêmes motifs, elles méconnaissent les obligations mises à la charge de l'administration par les articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- ces mêmes dispositions méconnaissent le principe de proportionnalité des peines garanti par les dispositions, à valeur constitutionnelle, de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- l'administration fiscale n'était pas fondée à remettre en cause la déduction des provisions pour litige constituées en 2013 et 2014 à raison des difficultés de récupération des sommes dues par la société " Les Complices " en remboursement du prêt qu'elle lui avait consenti, dans la mesure où le service ne pouvait, comme il l'a fait en l'espèce, se fonder sur la contestation de l'opportunité de ce prêt pour son activité commerciale et sur le risque excessif qui s'y attachait pour réintégrer les provisions en cause dans son résultat imposable ;
- le service vérificateur n'était pas davantage fondé à contester le caractère douteux des créances détenues sur certains de ses locataires ayant donné lieu à la constitution des provisions correspondantes ;
- les majorations assortissant les droits supplémentaires mises à sa charge ne sont pas fondées en l'absence de tout manquement délibéré de sa part.
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Vu :
- le mémoire, enregistré le 16 janvier 2018, présenté pour la SARL MELANIE, représentée par Me Hittinger-Roux, avocat, posant la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 18VE00131 du 2 février 2018 par laquelle le président de la
3ème chambre a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la SARL MELANIE.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL MELANIE fait appel de l'ordonnance du 17 novembre 2017 par laquelle la présidente du Tribunal administrative de Montreuil a rejeté comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2013 et 2014.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, (...) peuvent, par ordonnance (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens... ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative :
" Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. (...) ". L'article R. 414-1 du même code dispose : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 414-3 du même code, dans leur rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1 et R. 412-2, les requérants sont dispensés de produire des copies de leur requête et des pièces qui sont jointes à celle-ci et à leurs mémoires. / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. / Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d'effet, de voir ses écritures écartées des débats. / Si les caractéristiques de certaines pièces font obstacle à leur communication par voie électronique, ces pièces sont transmises sur support papier, dans les conditions prévues par l'article R. 412-2. L'inventaire des pièces transmis par voie électronique en fait mention. ".
4. Les dispositions citées au point précédent, relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique, définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions. Elles organisent à cet effet la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé. Cet inventaire doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite.
5. Ces dispositions imposent également, eu égard à la finalité mentionnée ci-dessus, de désigner chaque pièce dans l'application Télérecours au moins par le numéro d'ordre qui lui est attribué par l'inventaire détaillé, que ce soit dans l'intitulé du signet la répertoriant dans le cas de son intégration dans un fichier unique global comprenant plusieurs pièces ou dans l'intitulé du fichier qui lui est consacré dans le cas où celui-ci ne comprend qu'une seule pièce. Dès lors, la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. Ces articles ne font pas obstacle, lorsque l'auteur de la requête entend transmettre un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène, telles que des factures, à ce qu'il les fasse parvenir à la juridiction en les regroupant dans un ou plusieurs fichiers sans répertorier individuellement chacune d'elles par un signet, à la condition que le référencement de ces fichiers ainsi que la numérotation, au sein de chacun d'eux, des pièces qu'ils regroupent soient conformes à l'inventaire. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête est, contrairement à ce que soutient la SARL MELANIE, irrecevable par principe et sans que le juge puisse, par lui-même, atténuer les effets de cette irrecevabilité, si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.
6. Il résulte des pièces du dossier que la SARL MELANIE a adressé au Tribunal administratif de Montreuil, le 7 septembre 2017, en utilisant l'application Télérecours, une demande accompagnée d'un inventaire mentionnant neuf pièces qui y étaient numérotées par ordre croissant continu et désignées par des libellés suffisamment explicites, ainsi que d'un fichier unique regroupant l'ensemble des pièces énumérées à l'inventaire, lesquelles ne constituaient pas une série homogène, sans que ces dernières ne soient répertoriées par un signet les désignant conformément à cet inventaire, ni d'ailleurs qu'elles soient numérotées. Le greffe du tribunal a adressé à la SARL MELANIE, le 8 septembre 2017, une mise en demeure de régulariser cette demande dans un délai de quinze jours en communiquant les pièces jointes listées à l'inventaire conformément aux prescriptions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative. En réponse à cette mise en demeure, la société a produit un fichier unique regroupant l'ensemble de ses pièces jointes qui bien que numérotées conformément à l'inventaire n'étaient toujours pas répertoriées par des signets et méconnaissait ainsi encore ces prescriptions. Par voie de conséquence, et faute pour la SARL MELANIE d'avoir procédé à la régularisation demandée, la présidente du tribunal a, par l'ordonnance contestée, contesté l'irrecevabilité de la demande et rejeté la demande en vertu du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
7. En premier lieu, la circonstance selon laquelle la SARL MELANIE a également adressé au greffe du tribunal une copie imprimée de sa demande et des pièces qui y étaient jointes n'était pas de nature à faire regarder celles-ci comme recevables dès lors que, d'une part, il résulte des termes mêmes de l'article R. 414-1 du code de justice administrative que seules les demandes formées au moyen de l'application Télérecours sont recevables lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, elles sont présentées par un avocat et que, d'autre part, l'inventaire détaillé joint à la demande n'indiquant pas que certaines des pièces qui y étaient jointes seraient transmises sur support papier en raison de leurs caractéristiques, la SARL MELANIE n'est pas fondée à soutenir que la communication sous forme papier de ces pièces jointes aurait permis de faire regarder sa demande comme recevable en application des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 414-3 du même code.
8. En deuxième lieu, la circonstance que le greffier en chef du tribunal administratif n'aurait pas délivré au requérant un certificat constatant l'arrivée au greffe de sa demande, contrairement aux prescriptions de l'article R.413-6 du code de justice administrative, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie devant les premiers juges. Au demeurant, et en tout état de cause, cette circonstance manque en fait, le greffe ayant adressé à la SARL MELANIE ce certificat au moyen de l'application Télérecours le 8 septembre 2017.
9. En troisième lieu, les dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative se bornent à déterminer les cas dans lesquels les présidents de tribunal administratif peuvent rejeter par ordonnance et sans tenue d'une audience publique les demandes manifestement irrecevables et à fixer des modalités particulières de fonctionnement des juridictions administratives. Elles n'instituent pas, ainsi, de sanction à l'encontre des requérants ayant présenté de telles demandes. Le moyen tiré de ce que ces dispositions portraient atteinte au principe de proportionnalité des peines, garanti par les dispositions, à valeur constitutionnelle, de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, doit par suite être écarté comme inopérant.
10. En quatrième lieu, le fait de statuer sur une demande par ordonnance de la forme de celles prévues à l'article R. 222-1 du code de justice administrative, s'il permet à un juge administratif de trancher seul un litige, ne dispense pas par lui-même la juridiction de mener une instruction contradictoire en application de l'article L. 5 du code de justice administrative. En outre, si l'article R. 611-8 du même code permet de dispenser certaines affaires d'instruction lorsque la solution est d'ores et déjà certaine, ces dispositions, combinées avec celles de l'article R. 222-1, n'ont pas en elles-mêmes pour effet de dispenser les litiges en cause d'une instruction contradictoire. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'ordonnance contestée, en ce qu'elle est intervenue sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, porterait atteinte au principe du contradictoire, qui est au nombre des principes constitutionnels relatifs aux droits de la défense, ne peut qu'être écarté.
11. En cinquième lieu, la SARL MELANIE ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que les dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative méconnaîtrait les dispositions des articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration relatives également au respect du principe du contradictoire, ces dispositions régissant uniquement les rapports des citoyens et des administrations, à l'exclusion des règles de procédure applicables devant les juridictions.
12. En sixième lieu, la possibilité ouverte aux requérants d'utiliser le support papier lorsque la nature des pièces le justifie au lieu et place de l'application Télérecours, dès lors qu'elle concerne des justiciables placés dans une situation objectivement différente, ne porte pas atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la justice.
13. En septième et dernier lieu, s'agissant d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, l'inobservation des dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative n'est susceptible d'entraîner le rejet de la demande qu'après notification à l'auteur du recours d'une invitation à régulariser dans un délai qui, en application des dispositions de l'article R. 612-1 du code de justice administrative et sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours et que le tribunal, ainsi qu'il est dit ci-dessus, a respecté en l'espèce. Ainsi, compte tenu de l'objectif poursuivi par les dispositions ici en cause et des garanties qu'elles prévoient au profit des requérants, la SARL MELANIE n'est pas fondée à soutenir que l'obligation d'indexation des pièces jointes, telle qu'elle résulte des dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative méconnaîtraient le droit au procès équitable, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que cette obligation a pour effet de la priver du droit à un recours juridictionnel garanti par l'article 13 de cette même convention.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL MELANIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL MELANIE est rejetée.
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N° 18VE00131