La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/10/2019 | FRANCE | N°17VE01565

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 31 octobre 2019, 17VE01565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C..., née A..., a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui accorder le bénéfice de la décharge de responsabilité solidaire prévue au II de l'article 1691 bis du code général des impôts.

Par un jugement n° 1500578 du 22 mars 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 mai 2017 et le 8 février 2018, Mme A..., représentée par Me D..., avocat, demand

e à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de lui accorder le bénéfice de la décharge de respons...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C..., née A..., a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui accorder le bénéfice de la décharge de responsabilité solidaire prévue au II de l'article 1691 bis du code général des impôts.

Par un jugement n° 1500578 du 22 mars 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 mai 2017 et le 8 février 2018, Mme A..., représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de lui accorder le bénéfice de la décharge de responsabilité solidaire de l'impôt sur le revenu prévue au II de l'article 1691 bis du code général des impôts ;

3° de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune manoeuvre frauduleuse ne saurait lui être reprochée :

- ses conclusions d'acquiescement à la tierce opposition du Trésor public prouvent sa bonne foi ;

- son intention de céder les biens de Rueil-Malmaison et Lacanau est réelle ;

- l'avis défavorable aux poursuites pénales de la commission des infractions fiscales doit être pris en compte.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., substituant Me D..., pour Mme A....

Une note en délibéré a été présentée pour Mme A... le 4 octobre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Les époux C... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de contributions sociales, au titre des années 1990 à 1995, mises en recouvrement entre 1996 et 1999, représentant la somme totale de 30 663 144,83 euros. Au 21 juillet 2008, les intéressés restaient redevables de la somme totale de 24 767 786,55 euros. M. et Mme C... ont alors sollicité, à plusieurs reprises, un aménagement des conditions d'apurement de leur dette. En 2011, l'administration fiscale leur a accordé, à titre transactionnel, une remise gracieuse d'un montant de 13 148 298 euros, à la condition qu'ils versent la somme de 4 477 139 euros avant la fin de la même année, échéance finalement repoussée au 30 septembre 2012. En l'absence de règlement de cette somme, l'administration a signifié aux époux C..., le 8 juillet 2013, la caducité de la transaction et la reprise des poursuites aux fins de recouvrement forcé de la créance de l'Etat. Le 1er avril 2014, M. C... et Mme C... née A... ont divorcé. Le 10 avril 2014, Mme A... a sollicité auprès du directeur national des vérifications de situations fiscales la décharge de responsabilité solidaire du paiement des sommes restant dues au titre des années 1990 à 1992. Ce dernier étant incompétent, elle a réitéré sa demande auprès du directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, par lettre du 9 mai 2014 demeurée sans réponse. Mme A... relève appel du jugement n° 1500578 du 22 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de responsabilité solidaire.

2. Aux termes du 2 de l'article 1685 du code général des impôts, applicable aux cotisations à l'impôt sur le revenu mises à la charge des ex-époux C... au titre des années 1990, 1991 et 1992 : " 2 Chacun des époux est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes de l'article 1691 bis de ce code, dans sa version applicable à la date de la présentation de la réclamation : " I. - Les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont tenus solidairement au paiement : / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune (...) / II. - 1. Les personnes divorcées (...) peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B lorsque, à la date de la demande : / a) Le jugement de divorce (...) a été prononcé ; / (...) 2. La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. Elle est alors prononcée selon les modalités suivantes : / a) Pour l'impôt sur le revenu, la décharge est égale à la différence entre le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie pour la période d'imposition commune et la fraction de cette cotisation correspondant aux revenus personnels du demandeur et à la moitié des revenus communs du demandeur et de son conjoint (...). / (...) 3. Le bénéfice de la décharge de l'obligation de paiement est subordonné au respect des obligations déclaratives du demandeur prévues par les articles 170 et 885 W à compter de la date de la fin de la période d'imposition commune. / La décharge de l'obligation de paiement ne peut pas être accordée lorsque le demandeur et son conjoint (...) se sont frauduleusement soustraits, ou ont tenté de se soustraire frauduleusement, au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B, soit en organisant leur insolvabilité, soit en faisant obstacle, par d'autres manoeuvres, au paiement de l'impôt (...) ".

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Il résulte de l'instruction que, concomitamment à la reprise, par le comptable public, du recouvrement forcé des créances fiscales qu'il détenait sur les époux C..., ces derniers ont saisi le ministre aux fins de conclusion d'une transaction, en s'engageant, dans l'attente et en contrepartie de la mainlevée des avis à tiers détenteurs décernés à leurs employeurs, sur un calendrier de règlement. L'échéancier ainsi convenu a été prorogé à trois reprises à leur demande. Par ailleurs, alors qu'aux termes de la transaction du 6 janvier 2011, les contribuables devaient, en contrepartie de la remise gracieuse d'un montant de 13 148 298 euros que l'administration leur consentait, s'acquitter de la somme de 4 477 139 euros avant la fin de cette année, ils ont sollicité et obtenu le report du paiement de cette somme au 30 septembre 2012. Si, par un courrier du 21 décembre 2011, postérieur de cinq jours à l'acceptation de ce report, M. et Mme C... ont informé l'administration de la mise en vente de leur maison " pour s'acquitter au plus vite de leur dette ", ils n'ont justifié par la suite d'aucune diligence en ce sens. Au cours des années 2012 et 2013, les ministres compétents successifs ont été saisis par les conseils des époux C... ou par des parlementaires, à leur requête, afin d'obtenir la remise des intérêts moratoires, puis une remise complémentaire des mêmes intérêts. Malgré un dernier report accordé le 5 juin 2013, les contribuables n'ont pas réglé la somme qu'ils devaient verser dans le cadre de la transaction. L'administration leur a signifié, le 8 juillet 2013, la caducité de cette transaction et la reprise des poursuites aux fins de recouvrement forcé de la créance de l'administration fiscale. A la suite de deux nouvelles interventions auprès des ministres, il leur a été rappelé, dans une lettre du 17 janvier 2014, que le comptable public mènerait les poursuites nécessaires au recouvrement de la créance. Ainsi, les époux C... se sont vus signifier des commandements, respectivement datés des 10 mars, 10 et 22 avril 2014, aux fins de saisie immobilière de leur résidence principale de Rueil-Malmaison et de leur résidence secondaire de Lacanau. Cependant, saisi le 21 février 2014, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Paris a prononcé le divorce de M. et Mme C... et homologué leur convention de divorce du 14 février 2014, le 1er avril suivant. Cette convention attribue à Mme A... la pleine propriété des maisons de Rueil-Malmaison et Lacanau.

4. Du fait de l'attribution à Mme A... des maisons du couple qu'elle formait avec M. C..., sa première demande de décharge de solidarité, formulée dès le 10 avril 2014, aurait eu pour effet, en cas d'acceptation, de faire échec aux saisies immobilières diligentées par le comptable public et de faire supporter à M. C..., dont il n'est pas contesté que son patrimoine est bien moindre que celui de son ex-épouse, l'intégralité de la dette, compromettant ainsi son remboursement. Si Mme A... soutient avoir été décidée à divorcer bien avant les mesures de recouvrement, il ne résulte pas de l'instruction qu'il y aurait eu des démarches en ce sens préalablement à l'établissement, le 14 février 2014, de la convention de partage. Ainsi, alors que M. et Mme C... ne pouvaient ignorer l'imminence de la reprise des poursuites par le comptable public, les diligences accomplies pour liquider et partager les biens de leur communauté et aboutir au divorce, dans les conditions rappelées ci-dessus, caractérisent leur volonté de se soustraire au paiement de l'impôt, indépendamment des raisons personnelles les ayant conduits à mettre un terme à leur mariage. L'acquiescement de Mme A... aux conclusions en tierce opposition présentées par le comptable à l'encontre de l'homologation de la convention de divorce, ne saurait démontrer, en soi, sa bonne volonté à l'endroit de l'administration, dès lors que cet acquiescement est intervenu le 10 octobre 2016, soit plus d'un an et demi après l'introduction de l'action par le comptable public, et, au surplus, aux fins d'un rééquilibrage en sa faveur de la répartition de la masse matrimoniale liquidée. Par ailleurs, en mars 2015 et juillet 2016, Mme A... a proposé à l'administration de céder à l'amiable sa maison de Rueil-Malmaison pour des prix de 2 700 000 euros, puis de 2 200 000 euros, inférieurs à la valorisation de 3 000 000 euros figurant à l'acte de partage, aux évaluations faites par les agents immobiliers qu'elle avait mandatés, et, en tout état de cause, au prix minimal de vente de 2 800 000 euros fixé par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Nanterre dans un jugement du 19 mai 2016. Il ne résulte pas de l'instruction que d'autres diligences auraient été accomplies par Mme A... qui, en dernier lieu, a demandé, par courrier, l'accord de l'administration pour qu'elle cède, outre cette maison, une partie de l'emprise foncière où elle est édifiée, comme terrain à bâtir, différant encore la perspective d'un versement des sommes dues au Trésor. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que, comme elle en avait pourtant exprimé l'intention, Mme A... aurait cédé à ses enfants sa maison de Lacanau, au prix de 600 000 euros, accepté par l'administration et conformément au prix minimal de vente de ce bien fixé par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Nanterre dans un second jugement du 19 mai 2016. En différant ainsi régulièrement la vente de son patrimoine immobilier, l'intéressée a entendu se soustraire au paiement de l'impôt. Caractérise également, dans les circonstances particulières de l'espèce, des manoeuvres destinées à se soustraire au paiement de l'impôt, la multiplication des interventions faites par M. C... et Mme A..., ou pour leur compte, pendant plus de cinq ans, destinées notamment, et en l'absence de toute diligence sérieuse à s'acquitter de leur dette, à reporter les échéances auxquelles ils s'étaient pourtant engagés. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que M. C... aurait été le seul instigateur de ces multiples démarches. Enfin, en dépit d'un patrimoine mobilier conséquent, Mme A... admet avoir été retardataire au paiement de l'impôt qu'elle devait au titre de l'année 2014.

5. Il résulte de ce qui précède que, et alors que pour l'application des dispositions du deuxième alinéa du 3 du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, ni l'administration ni le juge de l'impôt ne sont liés par les avis rendus par la commission des infractions fiscales, Mme A... doit être regardée comme ayant tenté, seule ou avec M. C..., de se soustraire frauduleusement au paiement des impositions litigieuses. Par conséquent, sans qu'il soit besoin de rechercher s'il existe une disproportion marquée entre les revenus de l'intéressée et le montant de sa dette fiscale, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

5

N° 17VE01565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01565
Date de la décision : 31/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Paiement de l'impôt - Solidarité entre époux.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Fabrice MET
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : AGULHON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-10-31;17ve01565 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award