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31/10/2019 | FRANCE | N°16VE00042

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 31 octobre 2019, 16VE00042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eco-Emballages a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

1° d'annuler la décision de la direction des grandes entreprises du 21 janvier 2014 refusant de faire droit à sa demande de restitution de la taxe payée et non déduite au titre de l'année 2012 sur les titres de recettes avec taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été adressés pour un montant total de 858 944 euros ;

2° d'ordonner le remboursement de l'intégralité du montant de la TVA non déduite, major

é des intérêts moratoires ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eco-Emballages a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

1° d'annuler la décision de la direction des grandes entreprises du 21 janvier 2014 refusant de faire droit à sa demande de restitution de la taxe payée et non déduite au titre de l'année 2012 sur les titres de recettes avec taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été adressés pour un montant total de 858 944 euros ;

2° d'ordonner le remboursement de l'intégralité du montant de la TVA non déduite, majoré des intérêts moratoires ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1402512 du 3 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 21 janvier 2014 de la direction des grandes entreprises et a prononcé la restitution demandée, assortie des intérêts moratoires.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 janvier 2016, le 30 novembre 2016 et le 29 juin 2017, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'ordonner le reversement de la taxe sur la valeur ajoutée dont la restitution a été prononcée à tort.

Le ministre soutient que :

- le jugement est irrégulier, étant insuffisamment motivé ;

- il n'y a pas de lien direct entre les sommes versées par la société Eco-Emballages aux collectivités territoriales et une éventuelle prestation de services rendue par ces dernières à la société ; ces sommes sont des subventions, elles-mêmes non passibles de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;

- à titre subsidiaire, l'activité de collecte et de tri des déchets ménagers exercée par les collectivités territoriales n'est, en tout état de cause, pas soumise à la TVA en vertu des dispositions de l'article 256 B du code général des impôts.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Eco-Emballages a pour activité l'organisation de systèmes tendant à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux. Au titre de cette mission lui incombant en application de l'article L. 541-10 du code de l'environnement dans sa rédaction alors en vigueur, cet éco-organisme a conclu avec de nombreuses collectivités territoriales, ou établissements publics de coopération intercommunale, des contrats pour l'action et la performance (CAP) portant, notamment, sur la collecte sélective des bouteilles et flacons de plastique. Ces contrats ont fait l'objet d'un avenant, conclu avec 51 de ces personnes publiques, en vue de l'organisation d'une expérimentation destinée à apprécier l'intérêt d'une extension, au plan national, des consignes de tri des emballages en plastique. Cette expérimentation faisait l'objet d'une contribution financière de la part de la société Eco-Emballages majorée, selon les stipulations particulières à certains avenants, de la taxe sur la valeur ajoutée. La société a réclamé la restitution de la taxe ainsi acquittée, pour un montant de 858 944 euros, au titre de la période couvrant l'année 2012, ce que l'administration a refusé par une décision du 21 janvier 2014. Par un jugement n° 1402512 du 3 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a accueilli le moyen tiré de ce que les contributions versées par la société Eco-Emballages devaient être regardées comme entrant dans le champ d'application de l'article 256 du code général des impôts. Pour ce motif, il a annulé la décision prise sur réclamation préalable et prononcé la restitution sollicitée, assortie des intérêts moratoires. Le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Outre d'avoir accueilli le moyen mentionné au point précédent, pour faire droit à la demande de restitution présentée par la société Eco-Emballages, le Tribunal administratif de Montreuil a relevé, dans le jugement attaqué, que l'objet de l'avenant en cause ne se rattachait pas à la collecte ou au tri sélectif des ordures ménagères. Ce faisant, les premiers juges ont nécessairement jugé que les dispositions de l'article 256 B du code général des impôts ne s'appliquaient pas à la situation litigieuse. Il suit de là que le ministre n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait été insuffisamment motivé.

Sur les conclusions en annulation de la décision du 21 janvier 2014 :

3. Les décisions par lesquelles l'administration fiscale statue sur la réclamation du contribuable qui entend contester la créance du Trésor public, en tout ou partie, en ce qui concerne les impositions auxquelles il a été assujetti, ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition. Elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux que selon la procédure prévue aux articles R. 190-1 et suivants du livre des procédures fiscales. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont fait droit, à l'article 1er du jugement attaqué, aux conclusions présentées par la société Eco-Emballages à fin d'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision du 21 janvier 2014 par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa réclamation préalable.

Sur les conclusions en restitution :

4. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 B du même code : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs (...) lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence (...) ".

5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, l'avenant, cause du versement des sommes majorées, le cas échéant, de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse, avait pour objet la mise en oeuvre d'une expérimentation, dont le terme normal était fixé au 31 décembre 2013, destinée à permettre à la société Eco-Emballages d'apprécier l'intérêt d'une extension, au plan national, des consignes de tri des emballages en plastique. L'avenant en cause a créé un article 22 aux CAP, aux termes duquel les personnes publiques volontaires, après avoir choisi entre une solution de base d'extension de ces consignes à tous les emballages en plastique et une variante excluant les sacs et films, concluaient, selon un modèle-type, des contrats avec des entreprises chargées de la reprise de ces emballages. Ces stipulations prévoyaient en outre l'institution, sous l'autorité de l'éco-organisme, d'un comité local de pilotage chargé, notamment, de collecter diverses données relatives à la mise en oeuvre de l'expérimentation, de s'instruire de son avancement et d'en apprécier le bon déroulement, au regard des obligations incombant aux personnes publiques participantes. Les travaux de chaque comité s'organisaient selon un cadre arrêté par la société Eco-Emballages à l'échelle nationale, " pour garantir la cohérence et la consolidation des informations remontant de l'ensemble des sites expérimentaux ". En contrepartie de la mise en oeuvre, selon ces conditions, de cette expérimentation, la société Eco-Emballages a versé aux personnes publiques intéressées une contribution établie, notamment, au vu d'un devis estimatif des coûts supplémentaires engendrés par ces opérations. Il résulte de ce qui précède que les contributions versées correspondent à une prestation de services individualisée au profit de la société Eco-Emballages, et sont donc en relation nécessaire avec l'avantage retiré par cet éco-organisme. Dès lors, eu égard à ce lien direct entre le service rendu et sa contrepartie financière, cette prestation de service à titre onéreux est passible de la taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, et alors même que la collecte et le traitement des déchets ménagers incombent aux personnes publiques volontaires, en vertu de l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, la prestation en cause ne se rattache pas directement à ce service administratif rendu aux usagers, et n'entre donc pas dans le champ d'application de l'article 256 B du code général des impôts. Il résulte de ce qui précède que l'assujettissement de cette opération à la taxe sur la valeur ajoutée ouvrait droit, dans le chef de la société Eco-Emballages, à sa déduction. Par suite, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit aux conclusions en restitution présentées par la société Eco-Emballages.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des intérêts moratoires :

6. Les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, sont, en vertu des dispositions de l'article R. 208-1 du même code, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts ". Dans le jugement contesté le tribunal a décidé de mettre à la charge du ministre de l'action et des comptes publics le versement des intérêts moratoires. Dès lors qu'il n'existait aucun litige né et actuel entre le comptable et la société Eco-Emballages quant au versement de ces intérêts, les conclusions de cette société tendant au bénéfice des intérêts moratoires étaient irrecevables et devaient être rejetées. Dès lors, c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a mis ces intérêts à la charge de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1402512 du Tribunal administratif de Montreuil du 3 décembre 2015 est annulé en tant qu'il a annulé la décision de rejet de la réclamation préalable du 21 janvier 2014 et mis à la charge de l'Etat le versement des intérêts moratoires.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Eco-Emballages auprès du Tribunal administratif de Montreuil tendant à l'annulation de la décision de rejet de la réclamation préalable du 21 janvier 2014 et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement des intérêts moratoires sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est rejeté.

4

N° 16VE00042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00042
Date de la décision : 31/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Biens ou services ouvrant droit à déduction.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Fabrice MET
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS FIELDFISHER LLP FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-10-31;16ve00042 ?
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