La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2019 | FRANCE | N°19VE00622

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 15 octobre 2019, 19VE00622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 19 février 2014 par lequel le maire de Ris-Orangis a prononcé sa révocation et de mettre à la charge de cette commune le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1403241 du 26 avril 2016, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté attaqué et rejeté les conclusions présentées au titre des dispositions de l'art

icle L. 761-1 du code de justice administrative.

Première procédure devant la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 19 février 2014 par lequel le maire de Ris-Orangis a prononcé sa révocation et de mettre à la charge de cette commune le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1403241 du 26 avril 2016, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté attaqué et rejeté les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Première procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2016 sous le n° 16VE01967, la COMMUNE DE RIS-ORANGIS, représentée par Me Gravé, avocat, a demandé à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1403241 du 26 avril 2016 ;

2° de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Versailles ;

3° de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- le tribunal ne pouvait retenir le principe non bis in idem pour annuler l'arrêté du 19 février 2014 dès lors que l'arrêté du 12 avril 2010 doit être regardé comme ayant été implicitement abrogé ;

- les autres moyens invoqués devant le tribunal par Mme B... ne sont pas fondés ; le moyen tiré de l'irrégularité du procès-verbal du conseil de discipline est inopérant ; le conseil de discipline était régulièrement composé ; le maire pouvait retirer une précédente sanction dans la mesure où il ne s'agit pas d'un acte créateur de droits ; la révocation n'est pas entachée d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation.

.......................................................................................................

Par un arrêt n° 16VE01967 du 9 février 2017, la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la requête de la COMMUNE DE RIS-ORANGIS.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par une décision n° 409669 du 8 février 2019, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté par la COMMUNE DE RIS-ORANGIS, annulé cet arrêt du 9 février 2017 et renvoyé l'affaire devant la Cour administrative d'appel de Versailles où elle a été enregistrée sous le n° 19VE00622.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la COMMUNE DE RIS-ORANGIS a décidé d'engager en 2009 une procédure disciplinaire à l'encontre de Mme B..., agent d'entretien territorial au service des sports, au grade d'adjoint technique territorial de 1ère classe. A la suite de l'avis du 14 mai 2009 par lequel le conseil de discipline a considéré que si Mme B... avait manqué à ses obligations de probité, d'intégrité et de loyauté, aucune proposition de sanction n'avait recueilli la majorité des voix, le maire décidait, par arrêté du 8 juin 2009, de révoquer Mme B... à compter du 1er juillet suivant. Mme B... introduisait une demande d'annulation de cet arrêté, enregistrée le 7 juillet 2009, auprès du Tribunal administratif de Versailles et saisissait concomitamment le conseil de discipline de recours d'Île de France, lequel se prononçait le 15 janvier 2010 pour une exclusion temporaire de 18 mois, dont 6 mois avec sursis. Cet avis a conduit le maire à prendre un arrêté du 12 avril 2010, par lequel, d'une part, il rapportait son arrêté de révocation et, d'autre part, prononçait une mesure d'exclusion temporaire pour la période comprise entre le 1er juillet 2009 et le 30 juin 2010, tout en introduisant, parallèlement, un recours en annulation devant le Tribunal administratif de Versailles dirigé contre cet avis. Par un jugement du 9 décembre 2013, nos 0907419 et 1004136, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu sur la demande présentée par Mme B... et fait droit aux conclusions à fin d'annulation de l'avis précité du conseil discipline de recours d'Île de France présentées par la commune. Par arrêté du 19 février 2014, le maire de Ris-Orangis a prononcé, à nouveau, la révocation de Mme B.... Par un jugement n° 1403241 du 26 avril 2016, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté attaqué. Par un arrêt n° 16VE01967 du 9 février 2017, la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la COMMUNE DE RIS-ORANGIS. Par une décision n° 409669 du 8 février 2019, le Conseil d'État a annulé cet arrêt du 9 février 2017 et a renvoyé l'affaire devant la Cour administrative d'appel de Versailles.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif tiré de l'erreur de droit :

2. Aux termes de l'article 91 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 1987 modifiant les dispositions relatives à la fonction publique territoriale : " Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d'Etat. / L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours ".

3. Postérieurement à l'annulation contentieuse de l'avis du conseil de discipline de recours proposant de substituer à la sanction infligée à un agent une mesure moins sévère, l'autorité administrative, qui avait rapporté cette sanction, comme elle y était tenue à la suite de cet avis, peut légalement la prendre à nouveau. Cette sanction, qui ne peut prendre effet qu'à compter de sa notification à l'intéressé, doit être regardée comme rapportant implicitement mais nécessairement la mesure moins sévère qui avait, le cas échéant, été antérieurement prise pour se conformer à l'avis.

4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le maire de Ris-Orangis ne pouvait légalement prononcer à l'encontre de Mme B... une seconde sanction à raison des mêmes faits que ceux sur lesquels il s'était fondé pour prononcer son exclusion temporaire de fonction de dix-huit mois dont six avec sursis sans avoir au préalable procédé au retrait de cette sanction et à l'effacement de ses effets, le tribunal a commis une erreur de droit.

5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le Tribunal administratif de Versailles.

Sur les autres moyens :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Le conseil de discipline ne comprend en aucun cas des fonctionnaires d'un grade inférieur à celui du fonctionnaire déféré devant lui. Il comprend au moins un fonctionnaire du grade de ce dernier ou d'un grade équivalent. Les grades et emplois de la même catégorie classés par décret dans un même groupe hiérarchique sont équivalents au sens de la présente loi(...) " Aux termes de l'article 1 du décret n° 2006-1691 : " Les adjoints techniques territoriaux constituent un cadre d'emplois technique de catégorie C au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée." . Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le présent cadre d'emplois comprend les grades d'adjoint technique territorial de 2e classe, d'adjoint technique territorial de 1re classe, d'adjoint technique territorial principal de 2e classe et d'adjoint technique territorial principal de 1re classe ".

7. Si Mme B... soutient que le conseil de discipline était irrégulièrement composé, dès lors que le procès-verbal ne permet pas de vérifier l'absence de fonctionnaire de grade inférieur, ni la présence d'au moins un fonctionnaire de grade équivalent, il ressort des mentions figurant sur le procès-verbal du conseil, ainsi que de la liste du tirage au sort, que les fonctionnaires territoriaux composant le conseil étaient constitués d'un adjoint technique principal de 2ème classe, d'un adjoint administratif principal de 1ère classe et de deux adjoints administratifs de 1ère classe. Par suite, il était composé de deux agents de grades supérieurs et de deux agents de grade identique à Mme B..., conformément aux exigences fixées par les dispositions précitées de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984. Le moyen doit donc être écarté comme manquant en fait.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 du décret susvisé du 18 septembre 1989 : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " L'autorité territoriale est convoquée dans les formes prévues à l'article 6. Elle dispose des mêmes droits que le fonctionnaire poursuivi. ".

9. Si Mme B... soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en raison de la présence de l'avocat du maire de la commune à la séance du conseil de discipline, alors qu'elle n'était elle-même ni présente, ni représentée, il ressort des dispositions précitées au point 8 que l'autorité territoriale disposait du droit à se faire assister par un avocat. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce vice ait eu une incidence sur le sens de la décision attaquée, ni porté atteinte aux garanties de Mme B.... Par suite, le moyen doit être écarté.

10. En troisième lieu, Mme B... soutient que l'arrêté attaqué du 19 février 2014 portant révocation retire illégalement l'arrêté du 12 avril 2010, par lequel le maire a rapporté l'arrêté de révocation en cause et a prononcé une mesure d'exclusion temporaire pour la période comprise entre le 1er juillet 2009 et le 30 juin 2010, qui est selon elle un acte créateur de droit. Elle ajoute que ce retrait méconnaît les dispositions de la loi du 12 avril 2000, faute d'avoir été avisée du retrait. Toutefois les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, codifiées à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne s'applique pas dans les relations entre une collectivité et ses agents. Par ailleurs, l'arrêté qui prononce la sanction d'exclusion temporaire et qui repose sur l'avis conforme délivré par le conseil de discipline, ne peut être regardé comme constituant un acte créant des droits au profit de l'agent public dès lors que la commune a exercé, dans les délais, un recours à l'encontre de l'avis de la commission de discipline de recours . Par suite, le moyen dans ses différentes branches doit être écarté.

11. En dernier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

12. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a falsifié, ainsi qu'elle l'a reconnu, 32 arrêts de travail entre 2006 et 2008 afin, notamment, d'occuper un autre emploi d'aide-ménagère chez un particulier, sans, de surcroît, avoir obtenu d'autorisation préalable de l'autorité administrative. Il est également constant que Mme B... a méconnu ses horaires de service, en dépit de consignes claires de son supérieur hiérarchique direct à cet égard. En effet, au début de l'année 2009, Mme B... ne s'est pas présentée à son poste, et n'a repris son service qu'à partir du mois de février en effectuant celui-ci, malgré l'interdiction de son chef de service, de 3 heures à 7 heures du matin en lieu et place de ses horaires habituels de 6 heures à 13 heures. Non seulement Mme B... ne conteste pas les faits, mais elle les a revendiqués car, dans un courrier du 19 février 2009, elle a précisé qu'elle se moquait des horaires. Mme B... venait ainsi parfois travailler la nuit, à 3 heures du matin, parce que cela lui convenait mieux. Le comportement de Mme B... relève de l'insubordination et de la désobéissance caractérisée. Ainsi, eu égard à la gravité et à la répétition des manquements reprochés aux obligations de probité, d'intégrité et de loyauté qui s'imposent à tout fonctionnaire, et nonobstant l'état dépressif allégué, le maire de Ris-Orangis a pu décider de sanctionner Mme B... en choisissant la révocation, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation. Le moyen doit donc être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par la COMMUNE DE RIS-ORANGIS au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE RIS-ORANGIS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à Mme B... au titre de ces frais.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1403241 du 26 avril 2016 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la COMMUNE DE RIS-ORANGIS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 19VE00622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00622
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Marc FREMONT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : AARPI JASPER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-10-15;19ve00622 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award