Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au Tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010.
Par une ordonnance du 6 janvier 2017, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis le dossier de leur demande au Tribunal administratif de Montreuil.
Par un jugement n° 1631793 du 26 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 février et 6 décembre 2018, M. et Mme A..., représentés par Me C..., avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Il soutient que les moyens soulevés par M et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Illouz, conseiller,
- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Calival, dont les parts sociales sont intégralement détenues par M. et Mme A..., a opté pour le régime d'imposition personnelle des associés prévu à l'article 8 du code général des impôts en application des dispositions de l'article 239 bis AA de ce code. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant initialement sur la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010, au terme de laquelle l'administration fiscale, après avoir notamment remis en cause la nature industrielle et commerciale de son activité ainsi que l'imputation des déficits de celle-ci sur le revenu global de M. et Mme A..., leur a notifié les suppléments d'impôt sur le revenu correspondant au titre de chacune de ces deux années. Les intéressés relèvent régulièrement appel du jugement du 26 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour écarter les moyens tirés de la méconnaissance du droit à un débat oral et contradictoire, de l'obligation de loyauté de l'administration fiscale et des droits de la défense, les premiers juges ont relevé que les contribuables avaient bénéficié de plusieurs entretiens avec le vérificateur, et que celui-ci ne pouvait par ailleurs être regardé comme les ayant induits en erreur sur la nature et la portée des investigations menées ou des questions posées. Le tribunal, qui a ainsi estimé que la procédure de vérification n'était pas entachée des irrégularités alléguées par les requérants a, de ce fait nécessairement écarté par voie de conséquence le moyen tiré de ce que ces erreurs auraient méconnu leurs droits de la défense. Les moyens tirés de ce que le jugement serait entaché d'une insuffisance de motivation et d'une omission à statuer doivent, par suite, être écartés.
3. Si M. et Mme A... soutiennent que les premiers juges auraient dénaturé les pièces du dossier en estimant que l'activité de la SARL Calival revêtait un caractère majoritairement agricole, un tel moyen, qui se rattache au bien-fondé de la décision juridictionnelle dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ne constitue pas un moyen d'irrégularité du jugement.
Sur le fond :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
4. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. En outre, aucune disposition ni aucun principe n'impose au vérificateur de donner au contribuable, avant l'envoi de la proposition de rectification, une information sur les redressements qu'il pourrait envisager. Par suite, les appelants, qui ne contestent pas avoir bénéficié de plusieurs entretiens avec le vérificateur, ne sont pas fondés à soutenir qu'ils auraient été privés d'un débat oral et contradictoire au seul motif qu'ils n'auraient pas été informés de la requalification envisagée par le service de leurs bénéfices industriels et commerciaux en bénéfices agricoles avant la réception de la proposition de rectification. M. et Mme A... ne sauraient, par ailleurs, utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'obligation de loyauté de l'administration fiscale contenue au sein de la charte du contribuable, diffusée par note du ministre du budget et de la réforme de l'État du 6 octobre 2005, aucune disposition législative ou réglementaire ne rendant cette charte opposable à l'administration fiscale.
5. Aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France. ".
6. Il résulte de ces dispositions que la juridiction est tenue de décharger le contribuable des impositions supplémentaires mises à sa charge à la suite d'une procédure de rectification lorsque cette procédure est entachée d'une erreur, substantielle ou non, ayant porté atteinte aux droits de la défense. Il résulte toutefois de ce qui vient d'être dit que la procédure d'imposition en litige n'est entachée d'aucune irrégularité. Le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense ne peut, dès lors, qu'être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 63 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices de l'exploitation agricole pour l'application de l'impôt sur le revenu, les revenus que l'exploitation de biens ruraux procure soit aux fermiers, métayers, soit aux propriétaires exploitant eux-mêmes. (...) / Sont aussi considérés comme bénéfices de l'exploitation agricole les revenus qui proviennent des activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques, en vue de leur exploitation dans les activités autres que celles du spectacle. ". Par ailleurs, si le I de l'article 156 de ce code prévoit que l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel, lequel est déterminé en principe sous déduction du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus, le 1° de ce I prohibe, par exception, l'imputation des déficits provenant d'exploitations agricoles lorsque le total des revenus nets d'autres sources excède un montant fixé à 101 300 euros dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2009, et porté à 104 238 euros dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2010.
8. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a requalifié le résultat de l'activité de la SARL Calival, initialement déclaré par les appelants comme un bénéfice industriel et commercial, en bénéfice agricole sur le fondement des dispositions de l'article 63 du code général des impôts, au motif que l'activité de cette société présentait pour l'essentiel un caractère agricole. M. et Mme A... font valoir que l'activité de négoce de chevaux réalisée par cette société, qui représentait environ 42 % de son activité globale au cours de l'ensemble de la période vérifiée, revêt un caractère industriel et commercial, qui justifie l'inscription de son résultat dans la catégorie correspondante.
9. Il résulte toutefois de l'instruction que cette société exerce également une activité d'élevage de chevaux, qui entre dans les prévisions du quatrième alinéa de l'article 63 du code général des impôts. Si les appelants indiquent avoir été, lors de la revente des chevaux au cours des années en litige, animés d'une intention spéculative distincte de l'activité d'élevage de leur société, ils se bornent à soutenir à l'appui de leurs allégations qu'un seul des équidés cédés en 2009 serait né sur leur exploitation. Ce faisant, M. et Mme A... ne contestent pas sérieusement avoir détenu l'ensemble des chevaux vendus au cours de l'année 2009 pendant plusieurs années avant leur revente. Cette longue durée de détention caractérise, dès lors, une participation de la SARL Calival au cycle biologique de développement de ces animaux, et, partant, justifie l'inclusion des revenus correspondant dans la catégorie des bénéfices agricoles. S'agissant, par ailleurs, des chevaux cédés au cours de l'année 2010, s'il est constant que la société ne les a détenus que pendant une brève durée, il résulte de l'instruction qu'elle a gardé ces chevaux en pension pour le compte de tiers avant leur acquisition, puis leur revente. Il résulte de cette circonstance, alors-même que les appelants ne produisent aucun élément établissant les difficultés qu'ils auraient rencontré à céder ces chevaux plus tôt qu'ils ne l'ont fait, que cette opération présente un lien indissociable avec l'activité d'élevage de chevaux à laquelle se livre la SARL Calival, laquelle, ainsi qu'il vient d'être dit, entre dans le champ d'application de l'article 63 du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a qualifié cette activité d'agricole et remis en cause l'imputation des déficits issus de cette activité sur le revenu net global de M. et Mme A... en application de l'article 156 de ce code.
10. En second lieu, aux termes de l'article 155 du code général des impôts : " Lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale étend son activité à des opérations dont les résultats entrent dans la catégorie des bénéfices de l'exploitation agricole ou dans celle des bénéfices des professions non commerciales, il est tenu compte de ces résultats pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu. ".
11. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le résultat de la SARL Calival, qui exerce à titre principal une activité agricole, n'a pas le caractère de bénéfice industriel et commercial. Les appelants ne sont, par suite, pas fondés à solliciter, à titre subsidiaire, l'application des dispositions précitées, lesquelles visent uniquement les entreprises exerçant à titre principal une telle activité.
12. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 75 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " Les produits des activités accessoires relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, autres que ceux visés à l'article 75 A, et de celle des bénéfices non commerciaux réalisés par un exploitant agricole soumis à un régime réel d'imposition peuvent être pris en compte pour la détermination du bénéfice agricole lorsque, au titre de l'année civile précédant la date d'ouverture de l'exercice, les recettes accessoires commerciales et non commerciales n'excèdent ni 30 % des recettes tirées de l'activité agricole, ni 50 000 euros. Ces montants s'apprécient remboursements de frais inclus et taxes comprises. L'application de cette disposition ne peut se cumuler au titre d'un même exercice avec les dispositions des articles 50-0 et 102 ter. ".
13. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'activité de négoce de chevaux exercée par la SARL Calival revêt un caractère agricole et non, comme M. et Mme A... le font valoir, un caractère industriel et commercial. Ceux-ci ne sauraient dès lors valablement soutenir que cette activité devrait être comptabilisé au sein des accessoires relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au sens des dispositions précitées. Il résulte de l'instruction que les autres activités exercées par cette société ne présentant pas par nature un caractère agricole représentent environ 17 % seulement de leurs recettes d'exploitation réalisées au cours de l'année 2009 seulement et environ 14 % de celles réalisées au cours de l'année 2010. Les appelants ne sont, par suite, pas fondés à invoquer le bénéfice des dispositions précitées de l'article 75 du code général des impôts.
En ce qui concerne les pénalités :
14. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. "
15. Si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, c'est à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de sa demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée.
16. Il résulte de l'instruction que les faits invoqués par l'administration fiscale pour justifier la substitution, à la majoration du a) de l'article 1728 du code général des impôts initialement appliquée, de celle prévue par l'article 1758 A de ce code, qui tiennent à l'inexacte qualification juridique du résultat de la SARL Calival déclaré par M. et Mme A..., sont identiques à ceux retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée à raison de l'absence de dépôt de déclaration, par cette société, de son activité agricole. Si les appelants font valoir que cette substitution a eu pour effet de les priver de la possibilité de faire valoir devant l'administration fiscale de ce que la qualification de bénéfices industriels et commerciaux résulte d'une prise de position adoptée par elle-même lors d'un précédent contrôle en 2004, cette circonstance, alors-même que les dispositions de l'article 63 du code général des impôts ont été au demeurant modifiées depuis lors, n'est pas de nature à remettre en cause la matérialité de l'inexactitude déclarative relevée ayant conduit à minorer l'impôt dû, laquelle est indépendante de toute volonté du contribuable d'éluder l'impôt. Cette substitution n'est, dès lors, susceptible de priver les contribuables d'aucune garantie procédurale prévue par la loi. C'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont fait droit à cette demande.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
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