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01/10/2019 | FRANCE | N°19VE01097-19VE01158

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 01 octobre 2019, 19VE01097-19VE01158


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce

qui suit :

1. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève régulièrement appel du jugement n° 1809727 du 4 mars 2...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève régulièrement appel du jugement n° 1809727 du 4 mars 2019 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, a annulé les décisions distinctes du 6 septembre 2018 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. D... à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, et, d'autre part, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Les requêtes susvisées portent sur la même affaire et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Montreuil :

2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. /(...). ". Aux termes de l'article R. 723-19 dudit code : " (...). III.-La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".

3. L'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la cour.

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a produit en première instance le relevé des informations de la base de données "TelemOfpra", relative à l'état des procédures de demande d'asile et tenue par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, attestant que la décision du 12 avril 2018, par laquelle la cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours de M. D... dirigé à l'encontre de la décision du 19 décembre 2017 de l'office précité rejetant sa demande d'asile, a été notifiée à l'intéressé le 17 mai 2018. Cette date de notification mentionnée dans l'application informatique ci-dessus, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, n'est pas contestée par M. D... qui s'est abstenu de produire en appel. Ainsi, le préfet de la Seine-Saint-Denis justifie de la notification régulière de la décision de la cour nationale du droit d'asile à M. D... le 17 mai 2018, soit antérieurement à la date de l'arrêté attaqué du 6 septembre 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Dans la mesure où M. D... ne disposait plus, à cette date, du droit de se maintenir sur le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, et pour le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 6 septembre 2018.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur les autres moyens soulevés :

En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire :

6. En premier lieu, il ressort de l'arrêté attaqué du 26 avril 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis qu'il est signé par M. B... E..., attaché d'administration de l'Etat, adjoint au chef de bureau de l'éloignement et du contentieux à la préfecture, qui disposait, à la date de la décision attaquée, d'une délégation de signature consentie par arrêté du 1er septembre 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis, à l'effet de signer notamment les arrêtés portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme H... A..., directrice des migrations et de l'intégration, et de Mme G... I..., attachée principale d'administration de l'Etat, chef du bureau de l'éloignement et du contentieux. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mmes A... et I... n'auraient pas été absentes ou empêchées à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen d'incompétence doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de cette décision et des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. D....

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., entré sur le territoire français en 2015 selon ses déclarations, est célibataire et sans charge de famille en France. Il est constant qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa femme et ses enfants. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation.

10. En dernier lieu, M. D... soutient que la décision d'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors que le préfet n'établit pas que M. D... a pu présenter ses observations et a pu être informé de la mesure d'éloignement qui était susceptible de lui être opposée suite au rejet de sa demande d'asile. Toutefois, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de même valeur juridique que le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et le Traité sur l'Union européenne, en vertu de l'article 6 de ce dernier : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. L'intéressé peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée.

11.Il ressort des pièces du dossier que le requérant a pu lors de sa demande de réexamen de sa demande d'asile présentée le 15 décembre 2017 être entendu avant l'édiction de la mesure d'éloignement litigieuse et à cette occasion faire état de sa situation personnelle. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir susceptibles de conduire le préfet à prendre une décision différente. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ou de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté.

En ce qui concerne la décision distincte fixant le pays de destination :

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

13. M. D... ne démontre pas qu'il serait soumis en cas de retour au Bangladesh à des risques actuels et personnels de torture ou de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en se bornant à alléguer sans l'établir qu'il a subi des agressions et été condamné par contumace à une peine d'emprisonnement à perpétuité du fait de son engagement d'opposant politique au Bangladesh. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations, mentionnées au point 9, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Montreuil doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1809727 du 4 mars 2019 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

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N° 19VE01097, 19VE01158


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01097-19VE01158
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-10-01;19ve01097.19ve01158 ?
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